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Citations sur Les jeunes filles, tome 1 (122)

Je le reconnais, chère Mademoiselle, il ne fait pas bon m'aimer. Sitôt que je me rends compte que quelqu'un tient à moi, je suis déconcerté et ennuyé; mon second mouvement est de me mettre sur la défensive. J'ai eu un profond attachement pour trois ou quatre êtres dans ma vie; c'étaient toujours des êtres dont je n'aurais pas juré qu'ils avaient seulement de la sympathie pour moi. Je crois que, s'ils m'avaient aimé, j'aurais eu tendance à me détacher d'eux.
Etre aimé plus qu'on aime est une des croix de la vie. Parce que cela vous contraint soit à feindre un sentiment de retour qu'on n'éprouve pas, soit à faire souffrir par sa froideur et ses rebuts. De toutes façons une contrainte (et un homme comme moi ne peut pas se sentir contraint, sous peine de devenir malfaisant), et de toutes façons de la souffrance. Bossuet a écrit fortement : "On fait un tort irréparable à la personne qu'on aime trop." C'est presque ce que j'ai écrit moi-même : "Vouloir aimer sans être aimé, c'est faire plus de mal que de bien." La conséquence est dans La Rochefoucauld : "Nous sommes plus prêts d'aimer ceux qui nous haïssent, que ceux qui nous aiment plus que nous ne voulons." Et votre serviteur de conclure : on ne devrait jamais dire à quelqu'un qu'on l'aime, sans lui en demander pardon.
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Je ne fais pas grand cas de quelqu’un qui ose penser tout haut : « Elle m’aime », qui n’essaye pas au moins de diminuer la chose en disant : « Elle se monte la tête sur moi. » Par quoi sans doute il rabaisse la femme, mais ne le fait que parce que d’abord il s’est rabaissé soi-même. Sentiment que je rapproche, par exemple, de celui de l’écrivain qui trouverait ridicule d’avoir des « disciples », parce qu’il sait de quoi est faite sa personnalité.
p. 44
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Je vous remercie, Monsieur et cher Bien-Aimé, de n'avoir jamais répondu à mes lettres.
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Mon sentiment a pour revers le néant, comme vos excès de jouissance ont pour revers le jansénisme.

Page 206 (Le Livre de Poche 1964).
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... le repliement sur soi-même - quand il n'est pas commandé par par de hautes raisons intellectuelles ou spirituelles –n'a le plus souvent pour cause que la paresse, l'égoïsme, l'impuissance, bref, cette "peur de vivre " dont on n'a pas assez dit quelle place elle occupe parmi les maux qui désolent l'humanité.
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Je vous ai offert mon amour. Vous l’avez repoussé. Mais, quand je vous ai annoncé que je venais à Paris, loin de me signifier que vous ne vouliez pas me revoir, comme vous auriez dû le faire, vous m’avez invitée à dîner. Vous m’avez encouragée à penser à vous, vous m’avez montré que je ne vous déplaisais pas. Vous avez fait tout ce qu’on pouvait faire pour que je m’attache à vous de tout mon cœur. Car, tout en vous refusant, vous vous offrez, cher Monsieur. Et c’est cela que vous ne voulez pas voir. Se laisser aimer, c’est aimer déjà.
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Ma lucidité effraye les gens, mais moi elle ne m’effraye pas. Je m’en amuse, c’est un monstre que j’ai apprivoisé. Mais pourquoi “un monstre” ? Disons plutôt qu’elle est mon génie tutélaire. C’est grâce à cette lucidité que je mène une vie parfaitement intelligente, ne faisant que ce que je sais pouvoir faire, et m’y concentrant, ne me fourvoyant jamais, ne perdant pas de temps, n’étant dupe ni des autres ni de moi-même, ne souffrant jamais des êtres, et même n’étant que très rarement gêné par eux. Et comme je joins à cette lucidité toutes les puissances de l’imagination et de la poésie, par la poésie je retrouve le domaine du rêve, et par l’imagination je découvre les sentiments des hommes qui ne sont pas lucides ; ce qui me permet de donner à volonté, quand je le juge bon, des vacances contrôlées à ma lucidité, et de gagner ainsi sur les deux tableaux. Ma vie n’est pas une vie supérieure, parce que, si mes sens ne me manquent jamais, mon esprit, mon caractère et mon cœur sont par contre pleins de lacunes ; mais ces éléments sont de ceux sur lesquels pourrait être bâtie une vie supérieure.
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Et je souhaiterais encore une réponse à cette question : ma tendresse vous a-t-elle donné un peu de bonheur ? Ai-je le droit de penser que je vous suis un peu nécessaire ? Vous êtes-vous senti moins seul, avec cette certitude que je vous ai apportée d’être passionnément compris et aimé, aimé dans tout ce qui vous fait vous, dans votre essence la plus profonde comme dans vos particularités les plus petites, dans votre ironie, vos gamineries, vos méchancetés même, Dieu me pardonne ? Si vous ne faites pas l’affreuse réponse de Satan à Éloa, ce sera déjà pour moi le bonheur.
« Dans quel phantasme elle vit ! » pensait Costals. « La tendresse d’Andrée Hacquebaut me donnant du bonheur !... Sa rage de nier l’évidence. Et cette autre rage, bien féminine, de vouloir que je sois malheureux, pour pouvoir me consoler. Et ce serait elle qui me consolerait de mon prétendu malheur, quand c’est elle, et ses pareilles, je veux dire les femmes qui vous donnent un amour qu’on ne leur a pas demandé, quand ce sont elles qui empoisonnent en partie mon bonheur ! Non, tout cela est trop bouffon. En même temps, cela est respectable, pitoyable. Comment me tirer de là sans lui faire de mal ? » La pensée du mal qu’il pouvait lui faire, en lui disant simplement – par une seule phrase – ce qui était, le paralysait, comme un homme qui s’amuse à boxer avec un enfant, et n’ose remuer quasiment, crainte de le blesser.
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… À cette répugnance à être aimés, qu’ont certains hommes, je vois plusieurs raisons, contradictoires comme de juste, l'incohérence étant trait de mâle.
Orgueil. – Désir de garder l'initiative. Dans l'amour qu'on nous porte, il y a quelque chose qui nous échappe, qui risque de nous surprendre, peut-être de nous déborder, qui attente à nous, qui veut nous manœuvrer. Même dans l’amour, même en étant deux, on ne veut pas être deux, on veut rester seul.
Humilité, ou si le mot paraît trop fort, absence de fatuité. – L’humilité d’un homme lucide, qui ne se connaît pas tant de beauté ni tant de valeur, et trouve qu'il y a quelque chose de ridicule à ce que ses moindres gestes, paroles, silences, etc., créent bonheur ou malheur. Quel injuste pouvoir on lui donne ! Je ne fais pas grand cas de quelqu'un qui ose penser tout haut : « Elle m’aime », qui n’essaye pas au moins de diminuer la chose en disant : « Elle se monte la tête sur moi. » Par quoi sans doute il rabaisse la femme, mais ne le fait que parce que d’abord il s'est rabaissé soi-même.
Sentiment que je rapproche, par exemple, de celui de l’écrivain qui trouverait ridicule d'avoir des « disciples », parce qu’il sait de quoi est faite sa personnalité, et ce qu'il en retourne des « messages ». Un homme digne de ce nom méprise l’influence qu’il exerce, en quelque sens qu’elle exerce, et subit de devoir en exercer une, comme la rançon de sa tarentule de s’exprimer. Nous, nous voulons ne pas dépendre. Et nous estimerions les âmes qui se mettent sous notre dépendance ? C'est par une haute idée de la nature humaine, qu’on refuse à être chef.
Dignité. – Gêne et honte du rôle passif que joue un homme qui est aimé. Être aimé, pense-t-il, est un état qui ne convient qu’aux femmes, aux bêtes et aux enfants. Se laisser embrasser, câliner, pressurer la main, regarder avec l’œil noyé : pour un homme, pouah ! (La plupart des enfants eux-mêmes, si féminins qu’ils soient en France, n'aiment pas du tout qu'on les embrasse. Ils se laissent faire par politesse, et parce qu’il le faut bien, les grandes personnes étant plus musclées qu’eux. Leur impatience de ces suçotements n’échappe qu'au suçoteur, qui croit qu’ils en sont ravis.)
Désir de rester libre, de se préserver. – Un homme qui est aimé est prisonnier. Cela est trop connu, n’y insistons pas.
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Combien j’aurais voulu pouvoir faire quelque chose pour vous, pour votre œuvre ! Et je ne puis rien, rien ! Si je savais écrire, j’écrirais sur vous des articles, un livre. Je voudrais que vous fussiez pauvre, souffrant, incompris. Je voudrais vous savoir errant à la recherche de votre tâche d’homme, comme moi à la recherche de ma tâche de femme. Votre faiblesse serait mon appui.
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