Citations sur Les jeunes filles, tome 1 (122)
Je connais bien l’amour ; c’est un sentiment pour lequel je n’ai pas d’estime. D’ailleurs il n’existe pas dans la nature ; il est une invention des femmes. Ma tête serait mise à prix, que je me sentirais plus en sécurité dans le maquis, comme une bête traquée, que réfugié chez une femme qui m’aime d’amour. Mais il y a l’affection. Et il y a l’affection mêlée de désir, grande chose. Dans chacun des livres que j’ai publiés vous trouverez, sous une forme ou l’autre, cette affirmation : « Ce qui m’importe par-dessus tout, c’est d’aimer. » Mais il ne s’agit jamais d’amour. Il s’agit d’un composé d’affection et de désir, qui n’est pas l’amour. « Un composé d’affection et de désir, qu’est-ce, sinon l’amour ? » Eh bien, non, ce n’est pas l’amour. « Expliquez-moi… » Je ne m’en sens pas l’envie. Les femmes ne comprennent rien à tout cela.
Et enfin je n’aime pas qu’on ait besoin de moi, intellectuellement, « sentimentalement », ou charnellement. L’inexplicable plaisir que des êtres éprouvent de ma présence, les diminue à mes yeux. Que voulez-vous que ça me fasse, de compter dans l’univers des autres !
Je vous envoie un article que j’ai publié là-dessus il y a bien des années. Je ne l’écrirais pas tel aujourd’hui. Il est excessif et sans nuances. Mais je n’ai pas changé sur le fond.
Encore un mot. Vous me parlez de Pauline de Beaumont. Je pense que Chateaubriand n’en aurait pas tant fait pour elle, si elle n’avait été mourante. Il savait que ce n’était qu’un moment à passer.
Je vous fais mille compliments, chère Mademoiselle.
Il avait horreur de ces dîneurs qui les entouraient, les hommes avec leur air « extrêmement distingué » (…), les femmes avec cet ennui, cette sottise et cette méchanceté qui modelaient leurs figures : tous puants sans le vouloir, et même jamais plus, ô mystère ! que lorsque d'aventure ils cherchaient à se faire pardonner, tous retranchés dans leur façon de s'entendre à demi-mot, de se référer à des rites connus d'eux seuls, de se croire une essence à part, tous irrémédiablement exilés du naturel et de l'humain. (…) On était cent cinquante à l'intérieur de cet enclos, et il n'y avait de dignité que sur les visages des maîtres d'hôtel, et de pureté – une pureté sublime – que dans ce lévrier blanc. (page 224)
Qui j'aime, me prend partie de ma liberté, mais là, c'est moi qui l'ai voulu ; et on éprouve tant de plaisir à aimer, qu'on y sacrifie de grand cœur quelque chose. Qui m'aime me la prend toute. Qui m'admire (comme écrivain), risque de me la prendre. (…) Ce qui m'aurait charmé, si j'avais aimé Dieu, c'est la pensée que Dieu ne me rend rien.
(Page 46 lettre de Pierre Costals à Andrée Hacquebaut le 30 novembre 1926)
Votre lettre, en effet, ne m'a pas été agréable. Pourquoi quitter le plan amical sur lequel nous étions si bien, pour entrer dans la vulgarité et dans le casse-tête du "sentiment" ? Vous vous installez à présent sur des sommets si sublimes, que je doute de vous y pouvoir suivre.
(Page 40, lettre de Pierre Costals à Andrée Hacquebaut le 26 novembre 1926)
Il n'y a aucune chance que le sentiment que vous croyez me porter ait jamais en moi le moindre écho. Ne vous obstinez pas dans ma direction : ce serait pousser contre une porte fermée ; vous vous y épuiseriez. Et d'ailleurs, quand vous m'atteindriez, vous n'auriez rien de moi, car je n'ai rien à donner à personne. Que ceci vous soit dit une fois pour toutes. Ne rêvez pas que j'y faiblisse jamais.
(Lettre de Pierre Costals à Thérèse Pantevin, le 5 novembre 1926)
(...) avec les femmes, il pouvait dire presque à coup sûr ce qui allait sortir de la boîte, quelle allait être leur réaction dans une circonstance donnée. C'était peut-être que les mouvements des femmes ont quelque chose de fait en série, mettons : de classique ; peut-être, simplement, que ce qui se passait en elles ne lui paraissait pas mériter qu'on y réfléchit.
De tout temps, les romanciers ont fait des phrases sur le décor où se rencontrent leurs amoureux ; mais il n'y a qu'eux, romanciers, qui voient les détails de ce décor, les amoureux n'en voient rien, engloutis qu'ils sont dans la bouillie pour les chats.
Le repliement sur soi-même quand il n'est pas commandé par de hautes raisons intellectuelles ou spirituelles n'a le plus souvent pour cause que la paresse, l’égoïsme et l'impuissance, bref cette "peur de vivre" dont on n'a pas assez dit qu'elle place elle occupe parmi les maux qui désolent l'humanité.
L'homme et la femme, chacun d'eux est devant l'autre, et la société lui dit : "Tu ne comprends rien à lui ? Tu ne comprends rien à elle ? Eh bien, comprends quand même ! Allez, et débrouillez-vous."
On a dit cent fois l'espèce de malaise qui s'empare de l'homme quand il se trouve arrivé à un stand-point, dans un état d'équilibre où il n'y a plus en lui de désirs : cette sorte de malaise rappelle celui qu'on éprouve dans un canot à pétrole, si le moteur s'arrête par accident, sur une mer étale. De là vient que la conscience du bonheur donne une si grande sensation de solitude.