La sonate oubliée

Je venais de découvrir un phénomène insoupçonné.Ainsi, la création avait le pouvoir de délivrer?

- Allons, Ada, petite fille romantique... Je sais que ton coeur est épris, c'est très émouvant, mais il faut revenir à la raison. Tu as goûté à l'amour d'un gentilhomme empanaché qui t'a cueillie pour le plaisir d'aimer et de rire dans un décor de volupté carnavalesque, mais il y a un gouffre entre vous. Un gouffre creusé par la naissance et l'éducation.

Déjà toute petite, elle se sentait en osmose avec cet instrument si sensuel qu'on enlace presque comme un corps. Le violoncelle était entré dans sa vie et ne la quitterait plus.

Les Saisons (de Vivaldi) sont un livre du temps plein d'émois, une peinture des sentiments.

Il serait désormais mon ami, mon frère, mon amant, mon sauveur.
Sa place entre mes cuisses, je l'attire tout contre moi et l'entoure de mes bras. Dés que je le touche de l'archet, il frémit, dévoile son chant grave et fait vibrer mon cœur. Ce sortilège qui m'emporte loin de la réalité me fait goûter à de divines voluptés.

Fasciné, il réalisait qu’elle « entendait » la musique dans sa tête sans avoir besoin de la jouer.

Qui donc aujourd'hui pourrait concevoir qu'elle se pâme devant un morceau de bois au timbre envoûtant ?
Et pourtant ! Il y a bien une âme dans un violoncelle.
L'âme, cette pièce d'épicéa placée à l'intérieur de la caisse de résonance.
L'âme qui transmet les vibrations des cordes au fond de l'instrument.
C'est du violoncelle qu' émane la sonorité la plus proche de la voix humaine, et le sien lui murmurait des mots secrets et doux, implorait les caresses de l'archet par des plaintes et des soupirs, avec des nuances de voix graves et rondes.
Ada seule pouvait le comprendre. Ada savait.

Lionella se sentait désemparée, comme quand on referme un livre qu'on a beaucoup aimé sur le mot "fin" et que les personnages vous accompagnent encore en pensée.

[Venise] c'est une danseuse étoile qui fait des entrechats sur les pointes de ses pieux !

La sensualité de la musique m'habite comme une fièvre nouvelle. Vivre la musique empêche de mourir. (...) C'était comme si mon âme avait trouvé la clé qui ouvre sur l'enchantement.