Jonas Fink - Intégrale

J'ai donc retrouvé Jonas Fink après avoir revu Max Fridman.
Je l'ai suivi durant 323 pages composant l'intégrale de quarante années de la vie d'un jeune tchécoslovaque, adulte au moment du Printemps de Prague.
Fait remarquable, le volume final est paru vingt et un ans après le deuxième.
Giardino explique la genèse de son projet puis ce long intervalle dans deux textes émouvants. Il a septante-quatre ans lorsqu'il repense à cette "affaire" qui l' a accompagné durant 26 ans.
Le trait est constant du début à la fin, de même que la palette de couleurs, enserrés dans de petites cases réduisant Prague à une mini-carte postale. le décor est ici secondaire, le récit domine, culminant en août 68, quand les chars russes envahissent la capitale de la Bohême. Je m'en souviens très bien, j'étais en vacances à Annecy. Nous étions consternés en écoutant la terrible nouvelle à la radio.
Aujourd'hui, je relis l'invasion soviétique de 68 avec en écho lointain, l'agression russe contre l'Ukraine.
Familier des pays de l'Est, Vittorio Giardino décrit précisément le climat oppressant de l'époque, - la traque des intellectuels, les arrestations arbitraires et les chantages odieux -, et nous embarque dans un récit passionnant. le drame côtoie l'humour, bravoure et lâcheté cohabitent. Les êtres sont ballottés comme fétus de paille dans la tourmente de l'histoire, décidés à vivres libres et amoureux. La vie sentimentale de Jonas l'obsède.
Cet album épique scelle une époque faste de la bande dessinée en Belgique, avec la naissance du magazine (À suivre) en 1978, des éditions Casterman, qui accueillit en ses pages Giardino, sur les pas de Pratt, Tardi, Comès, Moebius et bien d'autres.
Quel beau voyage j'ai fait, au long cours, scrutant chaque belle page, en souvenir du temps passé.