Le nombril du monde

C'était un bon jours, tartiné de miel et fort comme le café.
Le chatoyant papier peint à fleurs de la cuisine se fana lorsque j'appris à mes grands-parents que nous partirions aussitôt le petit déjeuner terminé.

Après les avoir embrassés tendrement, nous les remerciâmes de leur hospitalité et je leur promis d'écrire bientôt. Réprimant une larme, mémé nous donna quelques beignets aux pommes pour la route.

Jusqu'au bout du chemin qui serpentait vers le village, ils nous firent de grands signes de la main et retournèrent bras dessus bras dessous vers leur havre verdoyant. Je gravais toujours très fort cette image dans ma tête, de crainte que ce ne soit la dernière.
J'aurais aimé avoir cinq ans plus longtemps...

Heureux, nous déambulions tous deux dans la rue. J'affichais le sourire béat des amoureux après un premier baiser. Le printemps orchestrait les oiseaux avec brio, sous le regard chaleureux d'un soleil serein.
Au son de leurs mélodies légères, nous flottâmes jusqu'à chez moi et nous nous aimâmes toute la nuit.

Elle était celle que j'avais toujours espérée. Les chansons virevoltaient en nous, ma musique avait pris corps.

D'abord, j'espère, j'imagine, je m'enflamme, je m'illusionne, je déforme, j'embellis, j'enjolive, je fantasme, je trépigne, je désire, puis la réalité pointe son nez, et je suis floué.

- Comment tu t'appelles ?
- AAARRGL ! Glapis-je quand ses longs doigts de pierre écrasèrent les miens.
- Mon nom à moi, c'est Moai A Te Ka Pu Mai Hiva e, ce qui signifie grosso modo, celui qui arrive d'au-delà des mers.
- Pour plus de commodité, nous l'appellerons Pierre-