Le sentiment nationaliste qui devient de jour en jour plus jaloux et plus exclusif chez les peuples civilisés provoque actuellement un renouveau de
ferveur l'égard des Primitifs. Chaque nation, chaque groupe ethnique Veut avoir les siens, les découvre avec amour, les préfère à ceux de la nation rivale. On change les attributions, on débaptise les tableaux, sous le couvert de l'érudition, en réalité pour servir l'orgueil national. C'est ainsi que les tableaux qui passaient pour flamands à Bruges, figurent au Pavillon de Marsan sous des noms de peintres français. A Sienne, on oppose, à grand renfort de dates, l'initiative des premiers peintres siennois à celle des florentins précédemment admise par les historiens du Quattrocento, et ainsi se perpétue l'antique rivalité des deux cités toscanes. Jamais peut-être depuis l'époque romantique, où ce fut une joie de les remettre en honneur après un long oubli, l'admiration des Primitifs n'a été plus vive, ni plus universellement répandue.
La Vérité est qu'il n'y a pas deux formes d'art, l'un avec un petit a pour la jeunesse, l'autre avec un a majuscule pour les grandes personnes. Nous avons non pas le droit, mais le « devoir » de faire aimer le beau a nos enfants, de détourner de leurs yeux ce qui est laid, ce qui leur donne une fausse idée d'une oeuvre d'art. L'enfant aie plus souvent un goût instinctif que prouve le charme des petites compositions décoratives inventées par lui : le fait a été démontré par le dessin libre aujourd'hui en honneur dans nos écoles. Mais l'enfant est un imitateur et nous ne devons pas nous étonner qu 'il admire les Vilaines reliures reçues de nous en cadeau.