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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« En tout temps, on a fait ce qu'il y avait à faire avec les matériaux qu'on avait à portée de main et, désormais, ce sont les déchets, la ferraille, les détritus que l'on trouve le plus. Vous devrez donc vous en servir pour écrire le poème, qui sera peut-être très long et nécessitera beaucoup de matière première, mais il n'y a aucun risque qu'elle s'épuise. Bien au contraire : plus le temps passe et plus cette richesse s'accumule, de grandes cordillères, des Everest de déchets qui deviennent plus hauts à chaque minute qui passe, des dépotoirs de mots, des décharges de la taille d'océans, d'ailleurs les océans eux-mêmes sont une gigantesque décharge, des courants marins d'ordures qu'on verra de l'espace comme les tempêtes et les tornades. Ce poème exigera une longue immersion, peut-être toute une vie. Celle de la personne qui l'écrira et de la personne qui le lira. Il sera probablement anonyme et accumulatif, un dépôt et un assemblage de matériaux beaucoup plus anciens, comme les poèmes homériques. Et il ne devra contenir aucun vers, aucune phrase, aucun mot qui serait une invention personnelle de son ou de ses auteurs, si tant est qu'on puisse employer ce mot dans ce cas de figure. »

Ce livre inclassable mais puissamment littéraire, nous l'avons entre les mains et le lisons. L'auteur y utilise en effet des textes issus d'injonctions publicitaires, des collages graphiques qui reflètent parfaitement la très grande folie et les innombrables contradictions de nos sociétés marchandes basées sur l'accumulation, de déchets comme de capitaux.

La forme est visiblement éclatée et pourtant substantielle. Chaque courte séquence débute par une formule publicitaire ou un titre de fait-divers. Des dessins de l'auteur, des collages, rompent régulièrement la lecture.
L'auteur vit une période de crise personnelle. C'est l'année des attentats de Nice, de la folie Pokémon-Go. Seules ses longues déambulations dans de grandes villes l'apaisent et lui fournissent de la matière pour ce livre en construction. Il documente ses errances grâce à son smartphone (sons et images) mais a toujours avec lui un cartable-sac à dos qui contient aussi des cahiers et crayons à papier (il en est maniaque).

Un étrange homme apparait régulièrement, possiblement une hallucination qui le hante. Antonio Muñoz Molina met aussi et surtout ses pas dans ceux d'illustres prédécesseurs, eux-aussi « déambulateurs chroniques », aux vies marquées par la misère et les addictions (Thomas de Quincey, Edgar Allan Poe, Baudelaire, Walter Benjamin…). C'est à mon sens ce qui unifie tous ces textes qui sinon pourraient sembler décousus.

Rarement j'ai autant éprouvé ce sentiment, pourtant recherché par beaucoup de lecteurs, que ce livre s'adressait directement à moi, en dépit du contexte totalement étranger à ma propre existence. Il culmine notamment avec une traversée haletante de Manhattan jusqu'au Bronx, sur les traces d'Edgar Allan Poe.

J'ai pris tout mon temps pour cette lecture, réticent à la quitter. Et Je vais m'intéresser de plus près à cet auteur !
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Il y a quelque chose de fascinant dans ce qui s'entend, se ramasse et se voit, qui dans l'iphone du fond d'une poche de l'écrivain s'enregistre, qui à son carnet se colle à la page et s'ajoute à la pointe du crayon. Muñoz Molina vagabonde dans Paris, New York, Madrid et se souvient.


Il raconte ici ses histoires, ses expériences qui l'inscrivent dans l'espace si décrié des villes. Un tissu de mots et de récits entre le réel et les gens alors semble résorber la distance avec la familière étrangeté et réaccorder le citadin à ce qui l'entoure. Il écrit, dans « Un promeneur solitaire dans la foule » , sous une forme esthétique et juste, le plus profond de l'expérience urbaine mal désignée, dévalorisée et aujourd'hui reléguée. Il lance ainsi des passerelles et ravive merveilleusement l'attention aux autres, aux choses et aux lieux. Muñoz Molina dans ces pages est à la fois ancré dans l'ici et le maintenant de l'époque et arrimé dans le deçà et l'hier du passé des écrivains et des artistes qui hantent les lieux et l'inspirent.


L'écrivain espagnol donc, sac au dos, crayon et enregistreur à portée de main, s'est immergé dans les grandes villes de sa connaissance. L'élan irrépressible de sortir dans la rue, de tout noter pour ne rien oublier ont donné un livre foisonnant qu'il n'avait pas prévu d'écrire. « Flâner, dit-il, c'est rejoindre Stendhal et sa définition du roman comme un miroir qui se promène au bord d'une route. Cela permet de s'abandonner à ce que la vie nous offre ; à accepter de façon inconditionnelle le réel. Il se crée alors un ordre narratif et poétique, mais qui dépend complètement du hasard.» Avec lui « nous pensons d'ailleurs » et la vie quotidienne semble alors se nourrir de mythes : les écrans de moniteurs, de portables, d'ordinateurs ; les messages d'informations, de publicités … Isolés des actualités qui les font naître, ils apparaissent soudainement pour ce qu'ils sont : l'idéologie du formatage et de la surveillance. L'écrivain, comme en passant et après Roland Barthes , décrypte ici les mythes avec le souci de réconcilier le réel et les hommes, la description et l'explication.


Écrivain promeneur au travail, il nous présente littérairement l'urbain où s'entrecroisent les vies célèbres et inconnues, passées et présentes ; un urbain de sons mêlés, de couleurs criardes, de déchets invasifs et de mots intrusifs. Il déambule poétiquement en compagnie d'un passé toujours présent d'auteurs qui, dit-il, lui ont appris à voir et à écrire. Dans le dédale des rues, il met ses pas dans ceux abandonnés de Charles Baudelaire, de Thomas de Quincey, d'Edgar Poe ou bien de Walter Benjamin bientôt en allé. Roman pourtant, totalement, puisqu'à Madrid et New York il échange avec un mystérieux personnage de papier, sorte de « juif errant » d'un passé grenadin enfuit ; roman encore puisqu'il passe sans prévenir du je au il et semble donner la parole à un autre lui-même ; roman toujours puisqu'il fait surgir au « coin » d'une page l'inquiétude, le basculement d'un cataclysme toujours probable.


L'impression est forte à la lecture de ces carnets de voir se faire la littérature, d'apercevoir ce qu'une subjectivité fait secrètement au lecteur. Un rare plaisir.
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A travers de longues déambulations dans les rues de Madrid, Paris ou encore New-York, Antonio Muñoz Molina invoque les esprits des grands écrivains adeptes de la promenade et les restitue dans une immense flânerie littéraire virtuelle. Ce récit parsemé d'images et composé de fragments dictés par des titres de presse ou des slogans publicitaires, sortes d'aphorismes contemporains illustrant des scènes urbaines atemporelles, prend la forme d'un gigantesque collage qui peut tout aussi bien se lire dans le désordre, à la manière de ce merveilleux hasard qui guide toute promenade.

Les pensées de flâneurs célèbres comme Thomas de Quincey, Charles Baudelaire, Walter Benjamin ou encore Fernando Pessoa s'insèrent dans une fresque moderne, où les arts et le lyrisme le plus profond côtoient la précarité, les détritus, le terrorisme et les actes les plus sordides. L'écriture restitue avec fracas un monde urbain fait d'injonctions, dans lequel l'obsession de l'actualité et l'absurdité de la publicité à outrance sont si bien dépeintes qu'elles coupent le souffle et révèlent l'angoisse qui accable souvent l'auteur. Mais de toutes ces pensées prises sur le vif surgit également la beauté, celle qui sublime l'évanescence de l'instant, qui dévoile la légèreté de l'amour et qui incarne les trésors d'un passé toujours présent. La cohabitation de la beauté et de la laideur, allégorie de la ville moderne, est très justement incarnée dans ce roman et s'impose définitivement comme un matériau littéraire inépuisable et profondément vivant.
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