Citations sur Un océan, deux mers, trois continents (83)
Les pirates s'accommodaient de toutes les situations, rien ne les surprenait. Après avoir fait preuve de cruauté pendant la bataille, ces hommes aux destins improbables venus des quatre coins de la terre se montrèrent d'une grande tolérance. Rassuré, j'allai à la rencontre de ces êtres déviants qui avaient subi de terribles épreuves sur les océans et dans les ports. Chacun d'entre eux avait eu un parcours de vie chaotique et inédit: des esclaves en fuite, des déserteurs d'armée d'Afrique et d'Europe, des bandits de grands chemins ou des matelots ayant rompu leurs engagements et pris la fuite. De l'existence, ils connaissaient surtout l'envers du décor et s'employaient à apprécier les plaisirs simples du jour qui vient.
L'ancien soldat se tourne vers ses hommes, leur envoya un regard d'acier, deux éclats luisants au milieu de sa peau tannée par le feu du soleil et par la corrosion du sel, comme marquée au fer rouge.
J'avais traversé deux fois l'Atlantique, voyagé entre trois continents pour retrouver la même image que celle des esclaves bakongos dans le flou de la brume. La même détresse. Les mêmes plaintes. Le claquement des fouets. Les sanglots, les traits défaits sous la souffrance.
Depuis 1480 et la fin de la reconquête des territoires espagnols occupés par les musulmans, les membres de l'Inquisition, intransigeants et prêts à mourir en martyrs, avaient confisqué Dieu à leur profit et s'étaient donné pour mission d'affirmer l'orthodoxie catholique dans leur pays en limitant les étrangers et les gens au sang impur qualifiés de mauvaise race.
Je fus assisté par une foule de suppliciés, des victimes d'imposteurs prétendant exécuter la loi de Dieu ou inventant d'autres prétextes pour légitimer le mépris de la vie humaine et justifier les pires atrocités.
Suppléés par leurs valets qui exécutaient les basses besognes, à force de fanatisme, ils brandissaient leur façon de croire, devenue une divinité en soi, comme une épée sur la légèreté de l'être et sur la liberté de penser et de vivre son culte. Ils imposaient leur adoration aveugle plutôt que de porter la parole divine dans la joie et l'exaltation afin que d'autres s'en imprègnent. Les inquisiteurs, austères et fanatiques, m'avaient menacé, violenté, jamais ils n'avaient interrogé la profondeur de mon adhésion aux principes et aux valeurs qu'enseignait le Seigneur. La passion religieuse était devenue pour eux un prétexte pour laisser libre cour à leur soif de sauvagerie.
Au loin pointait un jour clair, ses premières lueurs jaunes et pourpres couvraient les faubourgs de Lisbonne d'une brillance de pierre précieuse.
Elle avait commis l'erreur d'oublier que l'esclavage était une gangrène qui nous menaçait tous, sa logique consistant à redéfinir la nature humaine à sa guise, pourvu que l'on puisse faire des êtres humains un commerce rentable.
Par le passé, le Kongo représenta bien plus qu'un pays, ce fut un chuchotement qui se transmettait de génération en génération, une promesse de bien-être, d'ordre et de paix, une chanson murmurée, un vertige, une caresse à nos oreilles.
La mer avait accueilli ces filles avec douceur, alors qu'eux les maintenaient en vie au fond du bateau dans le seul but d'abuser et de profiter d'elles en leur infligeant toujours plus de tortures. La tournure des évènement leur avait ôté toute espérance, alors elles avaient ouvert l'abîme et s'y étaient engouffrées. La vie sur le Vent Paraclet leur était apparue laide et insensée.