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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Loujine avait maintenant recouvré toute sa lucidité et sa pensée, débarrassée de tout élément impur, s'organisait rigoureusement ; les échecs couvraient pour lui le champ du réel, tout le reste n'était que rêve – un rêve délicieux où flottait, immatérielle et évanescente comme une nuée d'or traversée de lune, l'image d'une charmante jeune fille au regard clair et aux bras nus. »

Voilà des personnages que je ne vais pas oublier. Je n'avais jamais rencontré un homme comme Loujine, ni une femme comme Mme Loujine. J'admire le talent de Vladimir Nabokov. Découvert avec Feu pâle, je ne m'attendais pas à une histoire aussi dure et sensible. Un livre qui parle plus d'un petit garçon qui n'a que les échecs, que des échecs.

« il prit conscience des abîmes affreux où le plongeaient les échecs, jeta, malgré lui, un nouveau regard sur l'échiquier – et sa pensée s'alourdit sous le poids d'une fatigue qu'elle ne connaissait pas. » 

Dire que Loujine a eu des réussites dans sa vie ? Non ou très peu car il cherchait une défense, la défense Loujine pour survivre. Une vie qu'il transpose comme sur un jeu d'échecs, avec les signes annonciateurs d'un mat par des coups venus du passé. La construction du roman est terriblement intelligente et la plume me plait car elle fait ressortir les caractère de Loujine tant par ses pensées, ses mots (rares) et sa physionomie. Un très beau roman.

« Depuis que ce monde, où tant de choses n'étaient pas intelligibles, s'étaient évanoui comme un mirage et qu'il n'avait plus à en tenir compte, les rayons de sa conscience, jusqu'alors éparpillés sans force, avaient, en se concentrant, retrouvé toute leur acuité. Comme cette vie réelle, celle des échecs, était belle, claire et fertile en aventures ! »
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J'ai lu de très beaux commentaires sur ce texte magnifique et je voudrais juste faire une remarque, malgré l'avertissement de Nabokov dans sa préface sur les interprétations freudiennes qui renverraient le lecteur à "papa" et "maman" (quel humour...) à propos de ce mot de "Défense".

Les mécanismes de défense psychique tels qu'ils ont été mis au jour sont nombreux. Et quand bien même Freud serait passé de mode, l'utilisation de ces mécanismes perdure.

Ces défenses que chacun se construit dans son jeune âge pour lutter contre divers aspects de son existence sont paradoxales : elles nous font ensuite rechercher une situation identique où les-dites défenses pourront s'exercer. Encore et toujours.

Quand il est la proie d'un trouble névrotique, le sujet est conscient et peut en parler. Il a une notion exacte de la réalité. A tout prendre on pourrait croire que les défenses du patient fonctionnent. Sauf que la névrose peut être plus handicapante que la psychose, plus douloureuse.

Loujine, enfant renfermé et malheureux, trouve son bonheur dans les échecs. Il se met à souffrir peu à peu de ce qu'on appelle de nos jours un trouble obsessionnel compulsif, donc névrotique, mais ses défenses n'agissent plus. Il va s'enfoncer inexorablement, et cherchant LA défense comme on chercherait la muraille de Chine, il perd les siennes une à une.

J'ai bien conscience que cette comparaison entre le Jeu d'échecs et la vie, avec ses attaques et ses défenses, est fallacieuse. C'est surtout limiter un récit d'une immense richesse et dont la souffrance qu'il décrit va crescendo dans un style éblouissant. Mais je ne peux m'empêcher d'y penser sans y voir quoi que ce soit de réducteur.

Car, Nabokov l'a dit lui-même, de tous ses livres russes La Défense Loujine est celui qui exprime le plus de chaleur. C'est en effet de la pitié qu'on ressent pour Loujine, et je serais presque encline à dire qu'elle nous renvoie à celle que l'on peut éprouver pour soi-même et pour autrui dans des situations dramatiques. La pitié que l'on peut ressentir pour Edmund Kemper qui servit à Marc Dugain pour son roman "L'Avenue des Géants". Ou tant d'autres protagonistes de la grande confrérie humaine.


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La passion des échecs, dévoratrice du monde.

Je me souviens d'un hiver normand il y a près de trente-cinq ans, et de ce livre de Vladimir Nabokov découvert par hasard dans la bibliothèque familiale, mon premier Nabokov.

Je me souviens que Vladimir Nabokov écrivit et publiât ce roman sous un nom de plume entre les deux-guerres (en 1930) en langue russe, et qu'il fallut ensuite attendre aussi près de trente-cinq ans pour que ce roman soit enfin traduit en français.

La suite sur mon blog, dans la rubrique "Je me souviens", ici :
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Triste destin que celui de ce pauvre Loujine, enfant solitaire, mutique, fuyant, incompris par ses parents et souffre-douleur de ses camarades. Autiste aussi, très surement. Jusqu'au jour où il découvre tout à fait par hasard le jeu d'échecs dans lequel il s'immerge pour se réfugier dans l'abstraction la plus pure, échapper à la vie et au contact humain qu'il abhorre.

Très vite, son talent éclate au grand jour. Roi des combinaisons les plus folles, il bat tous les adversaires qu'on lui présente, devient un enfant prodige, quitte le lycée et, cornaqué par un individu inclassable (Valentinov), il est promené de capitale en capitale, admiré comme une bête de foire, et sa célébrité dépasse bientôt les frontières. Il excelle en particulier pour les parties en aveugle où il fait des merveilles, battant avec facilité plusieurs adversaires en même temps. Puis il grandit, devient Grand Maître International et finalement l'un des prétendants à la couronne de champion du monde.

C'est à ce moment que son univers se fissure peu à peu. Car les échecs en compétition, c'est un adversaire face à soi, la lutte la plus âpre, la défaite ou la victoire, et celui qui perd ressent sa mort. Loujine qui dans les échecs avait trouvé un moyen de fuir les contacts humains se trouve de fait plongé au coeur de la relation avec l'autre, cet adversaire qui le combat sans pitié. Terminées les parties en aveugle où on ne voit même pas ses adversaires. Désormais, la personnalité de l'autre est présente. Elle est écrasante, insupportable, suffocante et on ne peut lui échapper.

Terrifié par cette lutte qui l'épuise, son jeu évolue. Il devient défensif à l'extrême. Finies les attaques grandioses, les combinaisons exceptionnelles, Loujine devient bientôt célèbre pour sa capacité à défendre, à déjouer les attaques et profiter des fautes adverses. Mais tout devient de plus en dur, jusqu'au jour où il craque, détruit par les enjeux de ce qui n'est finalement pas un jeu.

Je ne vais pas révéler son cheminement ultérieur. Mais sa manière de vivre procède ensuite comme aux échecs par sa défense (ses défenses) pour éviter de tomber, encerclé de toute part par une vie extérieure pour laquelle il est totalement inadapté et qui le panique. Trajectoire tragique que personne ne pourra dévier, même pas sa fiancée qui le materne comme un bébé.

Métaphore sublime sur l'être inadapté, La défense Loujine est un livre puissant qui ne peut laisser indifférent. Peut-être le meilleur Nabokov (jugement très personnel, j'en conviens). Ce roman pourtant n'est pas exempt de reproches. La personnalité du personnage de sa fiancée demeure un mystère insondable et on peine à comprendre sa logique et sa cohérence psychologique (Nabokov peut-être s'en rend compte lui-même quand il fait dire à la mère de la jeune femme : "Elle ne l'aime pas"). le comportement de Loujine lui-même comporte quelques soubresauts qui cadrent mal avec sa logique d'ensemble. Mais qu'importe, malgré ses défauts, la défense Loujine reste une oeuvre marquante que j'ai relu à quarante ans d'écart avec la même fascination et la même empathie pour ce pauvre bougre dont la souffrance mentale n'a pas d'égal.
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Ce magnifique roman, écrit en russe et publié en 1930, fait partie des premiers romans de Nabokov, bien avant qu'il ne se mette à écrire en anglais et plus de 20 ans avant le scandale que déclenchera Lolita. Il a pour thème la vie d'un génie des échecs, jeu dont Nabokov était passionné : l'histoire est simple mais elle est portée par la force extraordinaire que Nabokov a mis dans la vie intérieure de son héros, par une magnifique écriture et par une construction étonnante vers le milieu du récit.
Le petit Loujine est un enfant solitaire, médiocre à l'école, harcelé par ses camarades, renfermé sur lui-même au point de fuir les contacts de ses parents, qu'il s'agisse des tentatives maladroites et vaines de son père pour communiquer avec lui ou des brèves effusions de sa mère, qu'il est incapable de lui rendre. On peut y voir les prémices d'un comportement autistique qui ne feront que s'accentuer dans sa vie.
Mais la découverte fortuite des échecs vers l'âge de 10 ans va faire basculer sa vie. A compter de ce jour, Loujine sera littéralement habité par les échecs. Génie précoce des échecs, il est rapidement pris en charge par un entraîneur qui va le faire jouer dans tous les tournois d'Europe pendant une quinzaine d'années. Mais Loujine surmené va devoir arrêter les échecs pour préserver sa santé mentale. Il est trop tard. Même les efforts de sa femme pour lui épargner tout rappel des échecs ne parviendront pas à enrayer la lente dégradation mentale de Loujine... Possédé par les échecs au point de voir dans chaque événement de sa vie un coup d'échec contre lui (très belle construction de Nabokov), Loujine s'égare et l'on suit avec angoisse et pitié la décomposition implacable de son esprit.
Loujine n'a rien d'un héros particulièrement sympathique : laid, fruste, impoli, impuissant à communiquer et à comprendre les autres mais il est attachant et l'on se surprend à espérer une fin heureuse pour lui. Nabokov a merveilleusement décrit les affres par lesquelles passe Loujine : angoisse quasi permanente, calme temporaire quand il lui semble avoir maîtrisé une attaque contre lui, désespoir et horreur quand il se rend compte qu'il ne peut échapper à ces attaques, dissimulation de son véritable état d'esprit à sa femme...
Sur ce même thème des échecs, j'avais adoré le joueur d'échecs de Stefan Zweig, court roman percutant, mais finalement je crois que je lui préfère de loin le roman de Nabokov.
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Les auteurs russes ont l'art de capter et dépeindre le tréfonds de l'âme humaine. Nabokov ne fait pas exception, et il a ce don de nous rendre sympathique le plus misanthrope des hommes. Et on en vient à souhaiter que Loujine puisse s'en sortir et renaître à la vraie vie !
Ce roman est pourtant l'une de ses premières oeuvres, mais on y trouve déjà ce style unique et inégalé qui marquera ses futurs succès et qui fait de ce livre un bijou.
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Formidable roman, où l'auteur nous fait bien rentrer dans la peau de cette personne, champion d'échec. L'action se passe durant de la guerre froide et ça se sent. Paranoïe et sens du secret font pas bon ménage.
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Ici le sujet c'est le jeu d'échecs et son complément si je puis dire le joueur d'échecs.
Nous assistons dans ce récit à la lente dégradation de l'intellect d'un joueur.
Loujine ne vit que pour le jeu et ses combinaisons. Tout apport extérieur le distrait, le perturbe…Mais loin de l'agacer, ces interruptions ne font que l'enfoncer un peu plus dans son mutisme qui tend même vers une forme d'autisme.
La folie n'est pas loin. Elle s'installe d'autant plus facilement qu'on l'empêche de jouer, de voir des échiquiers, d'en parler…
Et inévitablement, nous assistons à une lente asphyxie que je qualifierai de spirituelle et caractérielle.
Le parcours mental de Loujine admirablement restitué par Nabokov nous permet de mieux comprendre la manière dont un être humain peut parvenir à l'aliénation et en désespoir de cause ne voir qu'un échappatoire possible dans le suicide.
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