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sur 4913 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
De sa prison, Humbert homme d'une quarantaine d'années se confesse en racontant sa folie amoureuse pour une fillette de 12 ans.
Humbert, professeur de littérature loge chez Charlotte Haze, veuve, afin d'étudier et d'écrire en toute tranquillité. Mais tout change lorsque sa logeuse lui présente sa fille. Humbert qui est attiré par les nymphettes de 9 à 12 ans, est subjuguée par la juvénile mais aguichante Dolorès dite Lolita.
Une complicité va s'instaurer entre le professeur et la jeune fille, mais la mère, jalouse, va éloigner cette dernière en l'envoyant dans un camp de vacances. Obsédé par l'image de Dolorès, Humbert accepte d'épouser Charlotte car il voit en ce mariage l'opportunité de vivre auprès de la fillette. Un jour Charlotte tombe sur le journal intime de son mari dans lequel il dévoile son attirance perverse pour sa fille. Choquée elle s'enfuit mais dans sa précipitation se fait écraser par une voiture. Sa femme morte, Humbert devient le tuteur légal de Dolorès, il récupère donc la jeune fille et s'ensuit pour eux un long voyage à travers l'Amérique. Malgré elle, Lolita devient la maîtresse de son beau-père...

Humbert est le narrateur ce qui trouble d'autant plus car on devient témoin voire presque complice. A travers son récit il nous transmet sa passion pour Lolita avec tellement d'émotions et de tendresse qu'on oublie parfois que la jeune fille est victime de ce pédophile. Humbert pourrait avoir toutes les qualités, il est séduisant, cultivé, raffiné, attendrissant ce qui rend encore plus dangereux cet homme en apparence insoupçonnable. Mais voilà il l'aime, elle obsède ses jours, ses nuits, sa vie, Elle est sa providence, la lumière de sa vie, Dolorès, Dolly, Lo, Lola ... SA Lolita !
A 12 ans l'insolente mais l'insouciante Dolorès est pleine d'innocence, abusée par cet homme, elle finit par en abuser elle-même en se jouant de lui. Et même si elle donne l'impression d'accepter la situation, elle ne maîtrise rien et n'a pas conscience de la gravité des actes de son beau-père. A aucun moment la jeune fille n'adopte le comportement normal d'une pré-adolescente. Au fond, Dolorès, sous les apparences d'une garce, est paumée et souffre de l'emprise de son beau-père, de la mort de ses parents, et rêve certainement d'une vie sociale et familiale comme tous les autres enfants et non de devenir la muse des phantasmes sexuels d'un pervers.

Ce qui est troublant dans ce roman c'est d'aborder le thème de la pédophilie avec autant de beauté dans l'écriture. Nabokov use d'une écriture soignée, nette et poétique, un texte de haute qualité, nourri d'une richesse savoureuse de vocabulaire.
J'ai pris un plaisir indicible à lire ce roman, je reconnais qu'il peut être parfois dérangeant mais jamais obscène, c'est pourquoi il faut l'aborder avec beaucoup de recul pour ne pas tomber dans le jugement.
« Lolita » est avant tout l'histoire d'un amour névrosé d'un homme pour une fillette, un amour certes malsain, incestueux mais fort et émouvant. le plus déstabilisant c'est que Nabokov fait de son personnage pédophile, un homme humain...
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La pédophilie, c'est abject. Nous sommes tous d'accord là-dessus.
De même que, sachant tous que c'est le thème abordé dans Lolita, si on n'est pas prêts à mettre momentanément son aversion en sourdine, autant ne pas ouvrir le livre. A moins, naturellement, que le seul intérêt qu'on y trouve soit de pousser des cris d'orfraie et enfoncer une porte ouverte en martelant que... la pédophilie, c'est abject.

Cela étant, j'avoue avoir ressenti un léger malaise durant la centaine de premières pages. En effet, je ne parvenais pas à m'ôter de l'esprit l'image de Nabokov sexagénaire - dont je venais de suivre une interview sur le Net - et que je collais systématiquement au personnage d'Humbert Humbert.
Afin de corriger cette vision déplaisante, je suis allée quérir sur Youtube des extraits du Lolita d'Adrian Lyne - la meilleure version cinématographique, selon moi - et j'ai pu reprendre ma lecture avec un Humbert Humbert aux traits de Jeremy Irons et à Lolita ceux de Dominique Swain. Brillants interprètes qui m'ont permis d'aborder ce sulfureux roman d'une manière moins dérangeante.

Il est clair que, sous une apparence de gentleman posé, cultivé, courtois mais distant, l'élégant Humbert Humbert est furieusement dérangé. Sa psychologie déviante obscurcit totalement son jugement. Ainsi, aucun adulte, même jeune, n'a grâce à ses yeux : tous laids, stupides, répugnants, méprisables. Seules les très jeunes filles requièrent sont intérêt. Et encore faut-il qu'elles soient jolies, de jolies nymphettes...
Et, au-dessus de cette marée d'insectes insignifiants, surpassant tout et tout le monde, il y a Lolita. Vulnérable et non moins dangereux petit animal écorché que cette ravissante gamine dont les comportements et les attitudes ne sont pas toujours ceux d'une enfant tels qu'on peut les concevoir sur la base de critères conventionnels.
Dès l'instant où il la voit, elle devient son obsession. Une maladive obsession qu'il se persuade être de l'amour. Un amour absolu. Et, même si cela est difficile à admettre vu de l'extérieur, je le pense sincère. Résolument, viscéralement, sincère.

Sans Lolita, Humbert Humbert serait resté un détraqué pathétique, prédateur de nymphettes, en conflit permanent avec ses propres démons. Ce qui l'aurait probablement conduit au suicide ou à toute autre forme d'autodestruction.
Et, sans Humbert Humbert, Lolita aurait eu une adolescence, certes compliquée, mais, sans doute ou peut-être, serait-elle arrivée à l'âge adulte sans trop de meurtrissures pour envisager un avenir plus apaisé.

Seulement voilà, ces deux-là se sont rencontrés et ça a donné un roman qui occupe une place unique dans l'histoire de la littérature du XXe siècle. Qualifié tantôt d'immonde, tantôt de chef-d'oeuvre.

Certes, ce livre est dérangeant, déstabilisant même. Mais il ne faut pas le lire comme la plaidoirie d'un avocat chargé de défendre l'indéfendable.
Nabokov décortique la psychologie d'un monstre et les circonstances de son crime. Son analyse est ciselée. Il n'excuse ni n'accable, il investit un crâne, l'ouvre et nous montre la tumeur, nous explique pourquoi elle est là, comment elle évolue, comment elle ne peut faire autrement qu'évoluer. Et cela même si le porteur est conscient du mal qui le ronge et s'amplifie hors de son contrôle.
Nabokov ne fait pas l'apologie de la pédophilie. Il la dissèque, l'expose et nous laisse à notre réflexion.
Il aurait été, certes, plus facile et mieux accepté par l'opinion générale d'écrire ce roman par la voix de la victime. Mais Nabokov a pris le risque d'aborder le sujet sous un autre angle, celui du bourreau. Il fallait oser, il est sans doute le seul à l'avoir osé sur ce thème. Mais il a eu raison, il avait le talent pour le faire.
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♫ J'ai écrit ton nom avec des clous dorés
Un par un, plantés dans le cuir de mon blouson dans l'dos
T'es la seule gonzesse que j'peux tenir dans mes bras
Sans m'démettre une épaule, sans plier sous ton poids
Tu pèses moins lourd qu'un moineau qui mange pas
Déploie jamais tes ailes, LOLITA t'envole pas
Avec tes miches de rat qu'on dirait des noisettes
Et ta peau plus sucrée qu'un pain au chocolat
Tu risques de donner faim à un tas de petits mecs
Quand t'iras à l'école, si jamais t'y vas
Lola
J'suis qu'un fantôme quand tu vas où j'suis pas ♫
Morgane de toi - Renaud -1983 -

Exemple insigne de lèpre morale,
sincérité désespérée, document clinique
Fourberie abjecte , être anormal
Lolita parmi les classiques psychiatriques.
Tout en abhorrant son auteur
et ces personnages hauts en couleurs,
(pas faits pour inspirer la sympathie)
Mais par sa plume d'une Grâce infinie
Tendresse, frustration, la première partie,
On ne peut subir que le charme du récit

Véritable mise en garde contre de périlleuses tendances
l'avènement d'une vie ineffable, acte de démence
Nabokov nous montre du doigt perversion et luxure
Vigilence inflexible, pour élever des générations meilleures dans un monde plus sûr.

Myriades de phalènes éclairs
Ephémères aux ailes de verre
Souillée, l'essentielle innocence
petites causes, grandes conséquences
plutot jolie comme expression
Lemon Inceste, un zeste de citron
insecte, lépidoptère papillon
LYCAEIDES SUBLIVENS NABOKOV
+ 5 400 épinglés dans sa collection

Pour mon île deserte, faire une place,
Subjugué, il fallait que je l'emmenasse ...



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Où est le scandale dans Lolita ? Il faut sans doute le chercher dans la pudeur d'un narrateur qui laisse au lecteur le soin d'élaborer lui-même quelles sont les perversions qu'il fait subir à une enfant de douze ans. le scandale de Lolita se trouve donc dans ce qui n'y est pas écris. Regardons ce qui est écrit. Il est écrit l'histoire d'un homme qui tombe amoureux et qui se laisse envahir par un amour qui va le pousser jusqu'au meurtre. Voilà qui est bien banal. Pourtant rien n'est banal dans Lolita, parce que l'on se situe d'un bout à l'autre du roman à la limite de l'émerveillement et de l'horreur, dans cette zone floue où le beau et le laid, le bien et le mal se rejoignent. Humbert Humbert est à la fois attachant et odieux, décrivant le monde qui l'entoure, ces nymphettes désirées si tendrement et si violemment, leurs corps d'enfants, les motels sordides et les routes américaines qui sont le lieu d'une épopée tragico-amoureuse, avec la sensibilité extrême d'un poète raté mais taisant, cachant derrière le vernis de sa narration, une âme ogresse monstrueusement orgueilleuse. le lecteur, souvent interpellé, se trouve le cul entre deux chaises. En même temps qu'il se laisse toucher par une confession intime qui démontre l'innocence fondamentale d'un individu qui ne fait que se soumettre à sa passion amoureuse, il a l'impression de se faire amadouer par un sinistre pédophile. Or, et c'est ce qui fait que Lolita est un roman troublant, il est impossible de déterminer si la face sombre, si sombre, du personnage l'emporte sur sa face lumineuse, si lumineuse, qui s'exprime dans un style très fin et sensuel. En plus, si les références littéraires sont nombreuses, il en est une qui frappe, c'est celle à Proust, dans cette recherche du temps perdu qu'est la dernière partie du roman, ce retour sur les lieux de la naissance de l'amour, de l'épopée et cette dernière rencontre avec une Dolly adulte, vieillie comme les personnages du bal dans le temps retrouvé, à tout jamais autre que l'image figée, fixée par la mémoire, Lolita vieille, à dix-sept ans, personnage dont on mesure alors, malgré le narrateur, à quel point la vie a été un enfer, parce qu'elle n'a pas eu d'enfance. N'allons pas faire cependant de Lolita un roman moral. Ce serait lui ôter l'ambiguïté qui fascine le lecteur, qui se découvre en même temps capable de ressentir de la compréhension pour un pédophile, ce qui n'est pas rien dans le monde d'aujourd'hui, et de la pitié pour sa victime. Mais il me semble que je n'ai rien dit sur ce grand roman. Je suis trop fatigué et la richesse de ce texte fait de lui sans doute un puits inépuisable de commentaires, dont la plupart sont superflus. La lecture est terminée. Laissons reposer à la fois mon corps crevé par trois semaines d'armée et ce roman qui ne manquera pas de revenir sur le devant de la scène de ma réflexion.
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Expérience unique dans ma vie de lectrice que cette immersion totale, fascinée et dérangeante dans ce roman subversif autour duquel j'ai tourné en cercles concentriques pendant des années, d'abord rebutée tant par le sujet que par l'idée que je me faisais de cette Lolita, puis peu à peu intriguée par son aura particulière pour enfin vouloir absolument découvrir par moi-même de quoi il retournait. Une découverte qui m'a subjuguée, prise comme les yeux du lapin dans les phares d'une voiture.

Ce qui m'a le plus étonnée (dérangée d'abord, puis seulement étonnée), c'est la rapidité avec laquelle j'ai abandonné dès les premières pages mes réticences et ma répulsion première à l'idée d'assister à la relation glauque d'un pervers et d'une trouble nymphette. C'est pourtant bien ça, Lolita, mais c'est surtout autre chose, que je suis bien en peine de définir. A ma décharge, Nabokov non plus, qui louvoie quand on lui demande quel est le sens de Lolita et répond que l'idée première lui en est venue à la lecture d'un article relatant qu'un savant était parvenu, au prix de longs efforts, à faire réaliser un dessin à un singe du jardin des plantes, et que ce dessin représentait les barreaux de sa cage.

Est-ce le style éblouissant, inventif, multiforme, à la fois tout en distance cynique et extrême sensibilité, créant une émotion littéraire propre à susciter l'empathie ? Est-ce le prisme osé de narration choisi, celui du chasseur plutôt que celle de la proie qui agit comme un piège dans lequel je suis tombée, victime d'une sorte de syndrome de Stockholm ?

Toujours est-il que je n'ai pas pu quitter des yeux ce livre abject et magnifique, cette dissection à viscères ouverts d'une passion vénale et dévorante, sur fond de road-movie américain tragique qui en avive la lumière crue. Unique…
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Me voilà arrivé au terme de cette longue errance aux côtés d'Humbert Humbert et Lolita.
Nabokov n'épargne rien à ce Humbert, prisonnier de ce mal qui tourne en morne abjection: le désir physique d'un homme mûr pour des fillettes prépubères.
Humbert Humbert n'a rien à faire dans l'intimité de Lolita, mais il s'y incruste, s'y impose et bâti ainsi sa damnation sans issue. Son amour pour Lolita, pollué, vicié et non partagé est une imposture dont il n'a que trop conscience. Car, hormis ses rapports charnels avec lolita, Humbert Humbert n'a rien à partager, rien à offrir que de quoi acheter le silence et la discrétion de Lolita.
Humbert Humbert court, dans son voyage haletant avec Lolita, après un morceau de paradis perdu.
Humbert Humbert emmène Lolita dans une impasse dont le terme est aussi certain qu'inéluctable.
Jalousie maladive et paranoïa aigüe sont le lot d'un intellectuel dévoyé dont le ridicule n'échappe jamais à Nabokov.... le sommet, si je puis l'exprimer ainsi, étant la mise à mort du "kidnappeur".
Lolita m'a été un livre à la fois agréable et pénible à lire. Agréable par cette écriture sublime des boursouflures- mêmes du récit d'Humbert Humbert et pénible dans la représentation que je me suis fait d'un voyage vide et inutile.
Cinq étoiles pour Lolita, mais cinq étoiles froides.
... Et je ne vais pas arrêter à Lolita, ma lecture de Vladimir Nabokov. Certes non.
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Dans ma campagne, il se disait ceci (famille n'ayant que des garçons) :
Attention !
Je lâche mes coqs, rentrez vos poules !!!

Ici, on pourrait dire
Attention !
Humbert et Cie sont de sortie :
Garez vos nymphettes !!!

Histoire de pédophilie, Oui, sans conteste . Mais ....

Roman très troublant, dérangeant mais jamais obscène.

Quelle écriture d'une infinie beauté, et d'une tendresse et d'une justesse, avec des descriptions détaillées parfois savoureuses, qui flirtent entre le chaste, le sensuel et tous les paradoxes de l'interdit.

La morale en prend un coup ....

Souvent sans concession pour lui-même et ses travers qu'il ne peut réfréner et qui viennent toujours le hanter.

Sentiments et pensées personnelles et intimes, étalés ici et fort bien analysés.

Je n'ai pu m'empêcher de trouver le bonhomme sympathique et il m'est même arrivé de le plaindre. Incroyable !

Etant donné, que, bien sûr, je réprouve à grands cris ces pulsions destructrices et manipulatrices qui détruisent à n'en pas douter une enfant.

Ce vieux Humbert grisonnant, humble et muet (ainsi se décrit-il) n'en ai pas moins amoureux fou de sa "Lolita" quoi qu'elle lui fasse comme entourloupes.
Car , celle-ci, est à certains moments, il faut le reconnaître une belle petite allumeuse, qui se rend compte de ses pouvoirs sur lui, et prend plaisir à se montrer cruelle, et rusée sous une apparente innocente candeur.

En bref, ce livre est fortement dérangeant mais rien que pour l''écriture de Nabokov , il est extraordinaire.
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Lolita est un classique de la littérature américaine. Vladimir Nabokov, écrivain russe, signe ici son quatrième livre en anglais, lequel lui apporte la notoriété.
Lolita est considéré comme un roman subversif. Publié en 1955 en France, il est tout de suite censuré. Finalement autorisé en 1958 lors de sa sortie aux Etats-Unis, il n'en reste pas moins un livre dérangeant et les grands auteurs de cette époque sont partagés : livre scandaleux ou livre de génie ?
Nabokov raconte l'histoire, à la première personne du singulier, d'un pervers pédophile, Humbert Humbert. Celui-ci est attiré par de très jeunes filles prépubères qu'il appelle des “nymphettes” et tombe amoureux de Lolita, douze ans. Humbert épouse la mère de Lolita, Charlotte, dans l'unique but de rester près de sa désormais belle-fille.
On entre alors dans la tête d'un pédophile et c'est bien cela qui dérange. Humbert Humbert nous explique son attirance malsaine pour Lolita et la façon dont il prévoit de la piéger. Nous sommes témoins de ses fomentations les plus perverses, en passant par la drogue qu'il administre à Lolita pour la violer dans son sommeil. Il nous explique comment il rémunère Lolita en friandises, en argent ou en promesses pas toujours tenues, en échange de ses faveurs sexuelles.
On est dégouté de ce personnage et pourtant on s'accroche à la lecture pour savoir si Lolita va lui échapper. La jeune fille a un tempérament bien trempé et la débrouillardise des gamines de l'Amérique profonde des années 50. Humbert est d'ailleurs stupéfait d'apprendre qu'il n'a pas obtenu la virginité de la jeune enfant.

Si Humbert Humbert se confie ainsi à son lecteur, c'est qu'il écrit en fait sa confession alors même qu'il est en prison et attend que s'ouvre son procès pour meurtre. (On sait d'emblée qu'il a tué quelqu'un et pendant tout le roman plane le suspense d'un meurtre d'amour : a-t-il finalement tué sa Lolita ?) Humbert n'a donc rien à dissimuler et s'ouvre intensément à nous. On comprend que cet homme est malade mais lui-même en a conscience. Il a d'ailleurs fait un séjour en hôpital psychiatrique.
Comme il peut arriver dans les livres où la narration est à la première personne du singulier et où le narrateur se confie à nous, on se surprend à plaindre Humbert Humbert mais on s'arrête aussitôt en convoquant nos sens moraux et nos notions du bien et du mal avec lesquelles, pourtant, l'écrivain s'amuse. Car Humbert Humbert, bien que d'abord attiré par “toutes” les nymphettes, en vient finalement à tomber sincèrement amoureux de Lolita. Bien que cet amour soit à sens unique, le cours du récit nous fait découvrir une sensibilité presque touchante chez le narrateur. Mais là encore, le lecteur se recadre et se rappelle que Humbert Humbert est malade.
On peut repérer dans son récit que l'homme affabule, ment et joue avec son lectorat. Ainsi, pour se justifier de son attirance pour les jeunes filles, il nous explique qu'autrefois, les hommes étaient déjà sensibles aux jeunes enfants. Il dit que Dante lui-même est tombé amoureux de sa Béatrice alors qu'elle était âgée de neuf ans. Expliqué ainsi par Humbert Humbert, on a l'impression que Dante était déjà d'âge mûr. En faisant des recherches, j'ai découvert que Dante et Béatrice n'avait qu'un an d'écart. Humbert nous ment donc ouvertement et nous manipule en espérant montrer qu'il n'est pas le seul, afin d'atténuer la violence de notre jugement.

L'écriture en elle-même est magnifique. La fluidité de lecture est très agréable et on reste suspendu aux pages de Nabokov. J'ai eu l'occasion de comparer deux traductions différentes. La version de Maurice Couturier (Folio 2001) est beaucoup plus agréable à lire (presqu'addictive !) que celle de E. H. Kahane de 1959. Privilégiez donc une édition récente du roman si vous souhaitez une plume plus moderne mais qui n'en garde pas moins la beauté de la littérature américaine des années 50 !

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Lien : http://raisonlectureetsentim..
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Qu'il est périlleux, pour un homme de mon âge, d'écrire une critique élogieuse de ce livre, maudit en 1955, devenu culte par la suite, rejeté de nos jours en bordure de zone interdite ! Dans mes chroniques sur Feu pâle et sur Ada ou l'Ardeur, j'indiquais tenir Nabokov pour l'un des plus grands écrivains que la terre ait portés. Après avoir relu Lolita pour la deuxième fois, je ne change pas d'avis. Les cinq cents pages m'ont paru plus accessibles que par le passé, effet probable d'une nouvelle traduction.

Dans Lolita, un homme de quarante ans se présentant sous le nom de Humbert Humbert dévoile son obsession sexuelle pour les jeunes filles préadolescentes, qu'il qualifie de nymphettes. Il raconte la relation charnelle qu'il a imposée pendant deux ans à l'une d'elles, Lolita, âgée de douze ans lors de leur rencontre, sous l'apparence officielle d'une relation de beau-père à fille.

Dans une première partie, le narrateur évoque des épisodes de sa jeunesse susceptibles d'avoir provoqué, puis accentué un déséquilibre mental lui ayant valu plusieurs séjours en maison de repos. Européen exilé aux Etats-Unis, il s'installe dans un village, louant une chambre chez une veuve, mère d'une jeune fille prénommée Dolorès. Coup de foudre, désir irrépressible, obsession de posséder celle qu'on appelle aussi Dolly, Lolita, ou tout simplement, Lo ! S'en suivent, de la part de Humbert, des semaines de manoeuvres stratégiques aussi sordides que cocasses pour tenter de parvenir à ses fins, en vain, jusqu'au jour espéré où il se sent… dépassé par les circonstances.

Seconde partie. Pour éviter toute inquisition et les indiscrétions de Lolita, Humbert se refuse à tout ancrage local. Il embarque la jeune fille dans un interminable périple en voiture au travers des Etats-Unis, passant de motel en motel, abusant d'elle chaque jour, car ses envies de possession — dans tous les sens des termes — ne faiblissent pas, tout en n'étant pas dénuées de tendresse. Une emprise financière et mentale qui fait de Lolita une prisonnière, soumise avec résignation à des rapports — des viols ! — qu'elle s'habitue à négocier en échange de quelque avantage matériel misérable. Privée des structures référentielles dont une adolescente a besoin, elle finira par échapper à Humbert et par fuir avec un homme ne valant guère mieux, qui l'abandonnera. Une vie fichue ! Et donc un crime !

Il aurait été facile de brosser des personnages incarnant sans ambiguïté le Mal et l'Innocence. Ça n'a pas été le choix de Nabokov. Humbert est un homme intelligent, cultivé, d'allure et de manières élégantes. Il se montre séduisant auprès des femmes. Lolita n'est pas insensible à son charme et son impertinence provocatrice de jeune fille un peu délurée contribue à l'installation d'un badinage dont elle ne mesure pas le risque. Plus tard, rien dans son comportement ne la rend sympathique, tandis que l'amour que lui porte Humbert est d'une sincérité par instant touchante. Il est un malade mal pris en charge et l'auteur explicite minutieusement les mécanismes mentaux qui alimentent sa déviance, ses hallucinations, ses divagations. Peut-on accuser le romancier d'empathie déplacée ? Comprendre les logiques illogiques d'un être humain dans ses travers les plus ignobles n'est ni l'approuver ni le défendre. Et pour élucider le mal, Nabokov a raison de donner la parole au bourreau. le récit de la victime aurait suscité la compassion, la colère, mais n'aurait pas apporté de lumière.

Certes, une femme et un homme ne peuvent pas lire Lolita de la même façon. Comment peut-on se maintenir au-dessus du texte et ne pas se projeter, ne serait-ce qu'un instant, sur le narrateur ou sur sa victime ? Dans les dernières pages de la première partie me revenaient les états d'âme lointains d'un adolescent fanfaron de seize ans, envoûté par une jeune fille à peine moins âgée, et découvrant finalement — ô humiliation ! — qu'elle avait plus d'expérience que lui. Car l'auteur est suffisamment habile pour qu'on oublie par moment l'âge des protagonistes.

Le narrateur déroule des récits circonstanciés, entrecoupés de digressions lyriques, de commentaires fantasques. le vocabulaire est d'une richesse infinie, au risque de paraître pédant. Nabokov use et abuse d'épithètes, ce qui confère à sa prose un style qui lui est propre. L'humour, le double sens, la parodie sous-jacente contribuent à étourdir lectrices et lecteurs, pour mieux les surprendre et les charmer, comme un magicien le fait face à son public.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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"ll faut savoir vivre avec son temps. Elle ne fait pas ses quarante ans. L'âge c'est avant tout dans la tête”.

Nous connaissons toutes et tous ces phrases formatées que l'on répète machinalement à qui veut bien l'entendre sans se rendre compte qu'elles sonnent comme des coquilles vides. Ces fausses maximes en disent long sur notre course à l'éternelle jeunesse. Il suffit de regarder autour de soi pour remarquer à quel point ce désir de rajeunissement est prégnant voire obsédant. Nous ne pouvons d'ailleurs pas nous étonner qu'un commerce (florissant) s'articule autour de cette faiblesse narcissique. Il nous est plus facile de se voiler la face en courant après l'inexorable plutôt que d'accepter la trace du temps qui s'imprime sur notre corps.

Je me suis demandé quel livre n'avais-je pas encore lu dans ma bibliothèque et qui m'évoquait cette thématique de l'âge. Il ne m'a pas fallu une minute pour qu'un roman pointe le bout de son museau : Lolita de Vladimir Nabokov.

De par le fait que le nom « lolita » soit entré dans le langage courant, je pensais, à tort, qu'il s'agissait d'un livre classique sur une fille aux allures sensuelles. Mal m'en a pris puisque l'histoire que nous conte Vladimir Nabokov est celle d'une relation incestueuse entre un homme de trente-sept ans (Humbert Humbert ) et sa belle-fille fille de douze ans (Dolores Haze).

Ce thème peu ragoutant aurait pu avoir raison de ma lecture au bout d'une dizaine de pages mais c'était sans compter sans le talent de Nabokov qui, avec son style mémorable et reconnaissable entre mille, arrive à rendre cette histoire captivante. Il en est ainsi dès l'incipit du roman qui annonce la couleur sans détour. Rythme, coupures, musicalité, jeux de mots et bien entendu ce thème choquant (à juste titre, mais dois-je le souligner) qu'est la pédophilie.

"Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-lii-ta : le bout de la langue fait trois petits pas le long du palais pour taper, à trois, contre les dents. Lo. Lii. Ta.

Le matin, elle était Lo, simplement Lo, avec son mètre quarante-six et son unique chaussette. Elle était Lola en pantalon. Elle était Dolly à l'école. Elle était Dolores sur les pointillés. Mais dans mes bras, elle était toujours Lolita."

Ainsi, dès les premières lignes on se se sent taraudé par une question du genre : Est-ce qu'un écrivain peut écrire sur tout? Ma réponse est oui. Un roman est une fiction et son essence même est de nous émouvoir (quelle que soit l'émotion) et de susciter notre réaction. Ce genre littéraire que représente le roman a le luxe de pouvoir se priver de toute morale. Si l'auteur a envie de composer une histoire autour d'un crapuleux criminel, c'est son droit le plus légitime, ses personnages étant fictionnels. Si nous devons nous priver de tous les criminels et de toutes les horreurs de roman, nous n'avons plus qu'à brûler une bonne partie de la littérature. le geste littéraire et la réalité sont deux éléments distincts.

Il serait biaisé de résumer ce roman uniquement pour son côté sulfureux. Nabokov échafaude l'histoire à la première personne du singulier à travers les yeux du personnage principal, Humbert Humbert qui lui-même utilise parfois la troisième personne pour se définir. Cette alternance constante entre le “je” et le “il” apporte une puissance à la psychologie déviante de Humbert Humbert. Nous avons envie de savoir qui est ce personnage et jusqu'où il est capable d'aller dans sa folie. C'est là toute l'efficacité de ce roman. Il arrive à nous tenir en haleine de bout en bout.

L'un des autres intérêts de cette fiction est le style utilisé par Nabokov. Il n'a de cesse de jouer avec les mots, les noms propres et les tournures de phrases. Ainsi, autant le personnage principal voue une passion maladive pour Dolores Haze, autant les autres, secondaires, se voient ironisés et affublés de sobriquets.

Nabokov n'hésite pas à provoquer le lecteur dans le but, sans doute, de soulever une réaction épidermique:

"Cher lecteur, je vous en prie : quelque exaspération que vous inspire le héros de mon livre, cet homme au coeur tendre, à la sensibilité morbide, infiniment circonspect, ne sautez pas ces pages essentielles ! Imaginez-moi ; je n'existerai pas si vous ne m'imaginez pas ; essayez de discerner en moi la biche tremblante qui se tapit dans la forêt de mon iniquité ; sourions un peu, même. Après tout, il n'y a pas de mal à sourire."

En définitive, ce classique de la littérature du XXème siècle mérite d'être lu parce qu'il est écrit avec un talent du verbe rarement égalé et qu'il aborde la sulfureuse thématique de la pédophilie d'une manière unique. Certes, ce livre n'est pas à mettre entre toutes les mains mais je suis convaincu de l'intelligence des lecteurs qui savent faire la part des choses entre fiction et réalité.
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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