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288 pages
Librairie Arthème Fayard, Paris (26/03/1948)
4.75/5   2 notes
Résumé :
Ce livre n'a pas pour but de défendre Laval. J'ai été un des témoins directs de la lutte, sans espoir, qu'il a menée contre la justice de son pays. C'est en cette qualité que j'ai écrit les pages que l'on va lire. Elles expriment la vérité.

Je ne connaissais pas Laval. Mes opinions, mon comportement, la lutte et les souffrances auxquelles j'ai participé pendant quatre années d'occupation, m'écartaient de cet homme politique. Commis d'office pour assur... >Voir plus
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Que lire après Pourquoi je n'ai pas défendu Pierre LavalVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Albert Naud (1904-1977) ne pouvait être taxé de sympathies nazies. Mobilisé en 1939, blessé deux fois, entré tôt dans la Résistance, combattant pour la libération de Paris, rien n'aurait dû l'amener à côtoyer Pierre Laval. Rien, sauf sa profession d'avocat.

A l'été 1945, il a été commis d'office, avec Jacques Baraduc, pour assurer la défense de l'ancien chef de gouvernement de Vichy.
Dans un premier temps, les assurances données par les magistrats instructeurs avaient permis d'imaginer que l'affaire serait longuement et soigneusement étudiée ; vingt-cinq séances d'interrogatoire étaient prévues, les pièces – très nombreux documents - versées au dossier, seraient mises à disposition des avocats ; ils auraient le temps de rechercher des témoins, y compris à l'étranger, et de constituer les listes de ceux à faire citer au procès, etc...

Et puis, alors que le cinquième interrogatoire était à peine achevé, Pierre Laval et ses avocats ont appris, par la presse, à la mi-septembre, que l'instruction était close et que l'audience de jugement se tiendrait à partir du 4 octobre.

Dès la veille de l'audience, avec le tirage au sort des jurés, le ton est donné. le président laisse entendre que le procès devra être arrivé à son terme avant les élections constituantes fixées au 21 octobre.
La demande présentée, afin de complément d'information et de renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, est refusée et les avocats de Laval, constatant que leur mission de défense est impossible, renoncent à l'assurer.

D'une nouvelle commission d'office des avocats en nouveau refus des magistrats d'ajourner le procès et de compléter l'instruction, le retrait des avocats se confirme.

La seule audience qui a pu se tenir en présence de Laval et des avocats, s'est déroulée dans un climat exécrable ; Laval était verbeux et intarissable ; le président et le procureur avaient visiblement déjà établi leur conviction et écoutaient ou interrogeaient l'accusé avec un mépris, une haine, évidents ; les jurés (députés et résistants) insultaient Laval et certains réclamaient pour lui, en hurlant, « douze balles dans la peau » sans que personne ne leur rappelle la réserve et la dignité auxquelles leur statut les obligeait.

Laval lui-même renonce à assister aux débats.

A lieu alors une scène sidérante : le garde des sceaux – ce devait être Pierre-Henri Teitgen – convoque les trois avocats de Laval, leur dit clairement ce qu'il pense et du président de la Haute Cour et du Procureur Mornet, tout en regrettant de ne pouvoir intervenir directement. Mais il assure aux défenseurs de Laval que, s'ils retournent devant la Haute Cour, aux côtés de leur client, lui, garde des sceaux, saura imposer que l'instruction aille à son terme, avec communication de toutes les pièces du dossier, et tenue du procès pendant aussi longtemps que nécessaire... Si cette entrevue a eu lieu - et quelles seraient les raisons d'en douter – elle est d'anthologie !

La proposition du garde des sceaux reste sans suite, le procès s'achève hors la présence de Laval et de ses défenseurs. le 9 octobre, Laval est condamné à mort. Il est fusillé le 15, après avoir été ranimé et soigné d'une tentative d'empoisonnement.

Le procès de Pierre Laval reste inscrit dans l'histoire comme un échec, un naufrage. Pierre Laval n'aurait sans doute pas sauvé sa tête dans le cadre de poursuites exemplaires, mais la Justice s'en serait trouvée grandie.

Albert Naud a été le patron d'Henri Leclerc pendant dix ans. Il faut entendre* celui-ci évoquer, d'abord, ses souvenirs d'enfant : alors qu'il avait 11 ans, la colère de son père constatant la faillite du procès de Pierre Laval, alors que pourtant il avait manifesté souvent sa détestation du personnage pendant l'Occupation. le tout jeune Henri Leclerc recevait de son père la notion fondamentale de la justice : tout accusé a droit à une défense digne et complète.
Ensuite, ses échanges avec Albert Naud qui n'a cessé de se demander s'il n'avait pas eu tort de refuser d'assurer la défense de Pierre Laval. Si en restant à ses côtés, en plaidant pour lui, il aurait pu le sauver. Parce qu'un avocat, un avocat digne de ce nom, quel que fût son client, ne pouvait se résigner à une peine de mort.

* https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/memoire-vive/henri-leclerc-je-me-souviens-du-proces-de-laval_1759625.html

PS : merci à @Valérie78120 qui a partagé ce lien de l'interview d'Henri Leclerc, et m'a permis ainsi de la découvrir.




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Ce qu'en dit Henri Leclerc, qui fut le collaborateur d'Albert Naud, sur Radio France, en lien ci-dessous.
Lien : https://www.francetvinfo.fr/..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
M. le Procureur général Mornet est lancé. Il a entrepris son réquisitoire. Non seulement il estime l’instruction inutile, mais il se demande ce que font là tous ces jurés. Pourquoi des débats judiciaires ? Pourquoi une Haute Cour ? Que signifie toute cette mise en scène ? L’œil en feu, le pectoral aussi gonflé qu’il se peut, il lance ses périodes accusatrices, il se croit déjà à l’instant qui précède le verdict. Que n’a-t-on amené dans la salle le peloton pour en finir !
Laval indigné, hors de lui, se précipite, m’ont dit des témoins, jusqu’au pied du bureau des magistrats.
« Mais vous étiez tous aux ordres du gouvernement à cette époque, vous tous qui me jugez, magistrats, et vous, Monsieur le Procureur général... »

(Suite à la demande des avocats de Laval, de reprendre l’instruction du dossier, avortée, interrompue bien avant son terme prévu, et donc de repousser l’audience de jugement, ouverte ce jour-là)
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Maître, la Justice, ou plus exactement la Haute Cour, est ce qu’elle est, me fit observer le garde des sceaux désabusé, je n’y puis rien changer. C’est une juridiction politique, alors... (et il leva les yeux et les bras vers le ciel comme pour prendre Dieu à témoin de l’imperfection des choses humaines).
Je profitais de ce geste muet pour exprimer notre doléance.
- Monsieur le garde des sceaux, nous entendons bien que vous ne pouvez pas supprimer la Haute Cour et nous donner en échange une autre juridiction. C’est, du reste, bien regrettable. Peut-être pourriez-vous, au moins, exiger de son président qu’il fasse son métier, et de son procureur général qu’il ne mente pas. Le président a toléré de la part de ses jurés les plus basses insultes et les pires menaces à l’égard de notre client. Quant au procureur général, il crie à tue-tête que nous avons eu communication du dossier alors qu’il sait bien que c’est inexact.
- Messieurs, repris le ministre, M. Mongibeaux lui aussi est ce qu’il est. Je ne peux pas le changer. J’ai demandé à sept magistrats de présider la Haute Cour, sept ont refusé. M. Mongibeaux seul a accepté, sans doute parce qu’on lui a donné la première présidence de la Cour de Cassation. Quant au procureur général, il m’en fallait un qui n’ait pas prêté serment à Vichy. J’ai vainement cherché, je n’ai trouvé que M. Mornet, et encore son cas est-il douteux...
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D’un seul jet, tout à trac, il jeta sa défense en pâture aux jurés et aux journalistes. Ce fut un travail prodigieux. Les yeux lavaliens, inoubliables, mesurèrent la salle, le public, les juges, avec angoisse d’abord, avec assurance bientôt, avec une familiarité bonhomme pour finir. Tout à tour pathétique, drôle, émouvant, finaud, s’aidant de la voix qui n’était pas sans beauté, s’aidant de ses mains merveilleuses pour affirmer, réfuter, blâmer, convaincre, Laval, témoin d’un jour, réussissait à l’issue de l’audience une entreprise de séduction, qui devait lui fausser son optique d’accusé et contribuer à le perdre quelques semaines plus tard.

(Laval, témoignant au procès de Pétain. Eté 1945)
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- Pierre Laval. – (...) si nous avons connu la guerre, on pouvait l’éviter, empêcher Hitler de nuire. Il ne fallait pas se lancer dans la guerre dans les conditions où on l’a faite ; nous n’avions rien, pas un seul avion moderne de bombardement. Il ne fallait pas commencer la guerre après l’accord de Moscou. Il ne fallait pas faire la guerre pour la Pologne quand on avait refusé de la faire pour l’Autriche, et quand on avait laissé mettre la main sur la Tchécoslovaquie. Il fallait faire autre chose.
(...)
J’ai comme une vague idée et je veux l’exprimer en public...
- M. le Premier Président. – Exprimez-la
- Pierre Laval. – Que c’est peut-être cette instruction sur les origines de la guerre qu’on ne veut pas, et que la brusquerie qu’on apporte à clore l’instruction, à clore ces débats, à me ligoter vite, c’est pour m’empêcher de parler.
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Et puis, il faut bien le reconnaître, Laval réalisait contre lui l’unanimité de l’opinion publique.
(...) De son côté, la bourgeoisie qui avait versé en silence et bien clandestinement, des larmes d’amour et de pitié sur les malheurs du vieux Maréchal, n’éprouvait aucun élan lorsqu’il s’agissait de Laval. L’allure un peu gouape de notre client, ce mégot éternel qui charbonnait à sa lèvre, cette peau noiraude aux reflets jaunâtres de Mongol, ce cheveu gras et indiscipliné, toute cette vulgarité de grand seigneur bohémien que dégageait sa personne, tout un passé réputé trouble et plein de compromissions, de marchandages et d’habiletés, faisaient que Laval ne pouvait pas être l’homme de la bourgeoisie.
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