Robinson des mers du Sud/ An Island to Oneself (1966)
Six ans sur une île déserte
Tom Neale
récit
traduit de l'anglais par
René Corpel, 1982
préface de
Jean-Luc Coatalem
La Table Ronde, 2009, 348p
Tom Neale partage ses souvenirs et le plaisir de son expérience. Il a lu L'île du désir de Robert Dean Frisbie, qu'il a rencontré et qui lui a dit : Souvarov est le plus beau lieu du monde, et personne n'a vraiment vécu s'il n'a vécu là-bas. Profitant d'un bateau qui exceptionnellement passe non loin de l'île, il s'installe à Souvarof, une des îles Cook, de très petites dimensions, et plus précisément à Anchorage, au large des îles Samoa, à l'écart de toute route maritime, et à plus de deux cents mille de l'être humain le plus proche. Il est néo-zélandais, a cinquante ans. Il est en pleine forme. Il est le prototype de l'homme à tout faire, il a servi sur différents bateaux, et fuit son métier de boutiquier et la civilisation. Premier acte de liberté, il se débarrasse de son short et enfile un bout de paréo comme cache-sexe.
Anchorage est un caillou de corail, avec des cocotiers, des pandanus, des tamanu, et des papayers, et de nombreuses frégates qui sont les tyrans de la nature. Très vite, Neale , qui a consolidé sa cabane avec des haubans,s'installe dans une routine de travail. Levé au chant du coq, il paresse un moment et savoure la chance qu'il a d'aborder une journée qui ne lui apportera que de la joie. le manque de fourneau lui coûte beaucoup, mais il palliera cet inconvénient. Il coule des jours très heureux, et a parfois le sentiment qu'une beauté si parfaite doit être partagée. le soir, il boit le thé dans son fauteuil sur la plage et assiste au coucher du soleil. Dans son lit, avant de s'endormir, il lit Conrad, Huxley. Il a beaucoup de boulot : il doit pêcher pour les chats, qui lui sont une compagnie nécessaire, diverses réparations sont à faire, il lui faut cultiver son jardin. Il reconstruit la jetée qui lui a paru déplorable quand des gens sont venus sur l'île. Cela faisait dix mois qu'il n'avait vu personne. Cette reconstruction est comme le paiement d'une dette pour une vie si pleine, et aussi il y entre un peu d'orgueil car jusque-là, il a réussi tout ce qu'il a entrepris. Elle exige des efforts titanesques qui l'épuisent. L'énergie l'a quitté. Il est obligé de faire de longues siestes. Il se dit qu'il manque de viande, il est saturé de poissons et n'aime pas le poulet (il élève des poules sur son île) Il déprime, son besoin de viande tourne à l'obsession, auquel s'ajoute le besoin de tabac. Il rêve même de manger le canard suavage qui est apparu de lui-même sur l'île et qu'il a eu tant de mal à apprivoiser. de peur de lui tordre le cou, il ne lui donne plus à manger dans sa main. Désorienté, le canard disparaît. Il maigrit. Il se sent seul.
Cependant il trouve une tortue. Enfin de la viande, c'est le bonheur.
L'ouragan survient, qui brise sa jetée.
Un jour, alors qu'il est au mieux de sa forme, son dos se coince. Crise aiguë d'arthrite. Il se pose des questions concernant sa survie. Il est sauvé de façon inespérée par deux jeunes gens aventuriers qui mouillent à Anchorage. Il ne part pas avec eux, car il a besoin de temps pour quitter son île, car pour lui, vivre sur l'île n'est pas une aventure, mais un mode de vie.
Six ans plus tard, il y retournera avec plus de nourriture, de meilleurs outils. Il y vit bien sans jamais se sentir seul, et en ayant pris conscience qu'il n'a pas à travailler comme un forcené, mais qu'il doit savourer le temps, ce à quoi justement convie l'île. Un jour, il accueille des naufragés avec qui il vivra deux longs mois en bonne intelligence malgré le désarroi que constitue pour ses hôtes cette façon de vivre.
Il quittera l'île deux mois après le départ des naufragés parce que des pêcheurs de perles viennent troubler la sérénité de l'île.
C'est un livre très intéressant à lire : l'expérience est passionnante, et
Tom Neale, qui a le sens de l'amitié, qui s'apostrophe en s'appelant par son nom, est une personne attachante. Oui, Tom, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ces pages.