J'ai un avis assez différent de la plupart des critiques que j'ai lues ici. Alors oui, j'ai vu une recherche de l'écriture, une expérience même. Mais ce n'est pas le récit d'un amour, d'une passion même tragique entre
Aurélia et le Narrateur, puisque
Aurélia disparaît - au sens propre, très vite, sans que le Narrateur ne nous ai livré les conventions habituelles d'un roman d'amour, une description de sa beauté, du son de sa voix, du charme de son esprit.
Aurélia ne parle pas, et pour cause, elle n'est qu'un prétexte aux divagations mystiques, aux folles rêveries, aux délires oniriques du Narrateur. Je ne suis peut-être pas assez familière de l'oeuvre de Gérard de
Nerval pour pouvoir apprécier ces passages, que j'ai d'ailleurs trouvé assez long, avec des ruptures brutales en quelques lignes - le Narrateur se prend pour Napoléon, assiste à une messe, se bat dans la rue, retrouve un ami - il a de nombreux amis d'ailleurs malgré son comportement... Je me suis retrouvée à survoler ces passages.
En réalité, ce que j'ai apprécié, c'est Cthulhu... Je ne dis pas que
Nerval s'est inspiré de
Lovecraft, c'est anachronique, mais le contraire serait-il possible ? Dans les délires du Narrateur, outre la figure d'une femme mystique tour à tour Vierge, Isis, Conscience, Ange... - mais sans jamais être incarnée sensuellement, sans devenir désirable d'ailleurs, il y a une insistance sur les anciens dieux, de très anciens dieux, des créatures chtoniennes hantant des grottes ou des nécropoles. Ils ont disparu comme chez
Lovecraft dans des catastrophes, des déluges ou des fléaux surnaturels, des épidémies aussi. Comme chez
Lovecraft aussi, le texte multiplie les allusions à des cités en ruines, des villes détruites. On retrouve également plusieurs évocations de magies orientales, de sorcelleries cabalistes.
L'amour se mêle donc à la mort, l'ange aux monstres, le souvenir aux visions, comme si tous les écrivains désespérés étaient hantés par les mêmes images.