AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,72

sur 334 notes
5
5 avis
4
8 avis
3
9 avis
2
0 avis
1
1 avis
Une exploration poétique des frontières incertaines et poreuses entre le rêve et la réalité…

Troublant récit que cette Aurélia de Gérard de Nerval…J'avais envie de retrouver la plume de ce Ténébreux, de ce veuf, de cet inconsolé, de ce Prince d'Aquitaine à la Tour abolie dont les vers d'El Desdichado riment encore en moi quelque trente ans après le baccalauréat de français où j'ai eu la main heureuse en tirant cette poésie le jour J. Hasard ? Non, il n'y a que des rendez-vous. Son écriture romantique et sombre m'exaltait tant à l'époque. Force est de constater que Gérard de Nerval me fait toujours beaucoup d'effet même si j'ai lu Aurélia non sans un certain malaise tant son romantisme s'est transformé en véritable folie, folie qui va crescendo au fil des pages…jusqu'au suicide de l'auteur le 26 janvier 1855 à l'âge de 46 ans. Il est retrouvé pendu à Paris.
La longue nouvelle Aurélia, qu'il n'a pas terminée d'ailleurs, parait en deux parties (janvier et février) dans la Revue de Paris puis en un volume au mois d'avril. Force est de se demander si ce texte ultime n'est pas en quelque sorte le Testament de Gérard de Nerval, un texte prophétique dans lequel on ne peut s'empêcher de chercher des messages, des clés, des signes avant-coureur de son geste fatal.
C'est terrifiant de lire ces lignes en sachant que l'auteur se suicidera durant leur écriture.

Troublant de lire ce récit en connaissant donc la chute funeste et tragique de son auteur et surtout de découvrir cette dernière phrase du livre qui semble tellement apaisée et lucide : « Telles sont les idées bizarres que donnent ces sortes de maladies ; je reconnus en moi-même que je n'avais pas été loin d'une si étrange persuasion. Les soins que j'avais reçus m'avaient déjà rendu à l'affection de ma famille et de mes amis, et je pouvais juger plus sainement le monde d'illusions où j'avais quelque temps vécu. Toutefois, je me sens heureux des convictions que j'ai acquises, et je compare cette série d'épreuves que j'ai traversées à ce qui, pour les anciens, représentait l'idée d'une descente aux enfers ».
Combien d'heures après avoir écrit cela s'est-il pendu ?

Troublant aussi de lire ce récit en sachant que Gérard de Nerval passe la majeure partie de son temps dans la Clinique du Dr Emile Blanche, institut spécialisé pour le traitement des maladies psychiatriques. Depuis sa sortie de cette clinique en octobre 1854, Nerval errait… Il errait dans Paris, il errait dans sa tête. Ce texte a une fonction bien précise, un but thérapeutique pourrait-on dire, un projet clinique : son médecin l'incite en effet à relater par écrit ses rêves et ses rêveries. Ce livre est ainsi un texte particulièrement onirique où le rêve est le matériau premier. Force est de se demander quelle analyse ferait un psychiatre à l'aune d'un tel récit, particulièrement foisonnant. C'est dans tous les cas une oeuvre « surnaturaliste » dans laquelle la frontière entre rêve et réalité est floue et qui tourne autour d'une figure féminine aimée mais juste fantasmée : Aurélia, inspirée de l'amour impossible de l'auteur pour Jenny Colon, de sa rencontre avec Marie Pleyel et de la réunion fortuite des deux femmes à Bruxelles. Ses rêves sont nombreux et variés, et on devine son sommeil très agité…

« le sommeil occupe le tiers de notre vie. Il est la consolation des peines de nos journées ou la peine de leurs plaisirs ; mais je n'ai jamais éprouvé que le sommeil fût un repos ».

Le rêve est, pour Nerval, une seconde vie, là où il n'y a pas de limite entre le présent et le passé, la matière et l'esprit. le rêve a une valeur initiatique et permet d'atteindre un autre niveau de réalité qui se joue du temps et de l'espace, où ses « pieds s'enfonçaient dans les couches successives des édifices de différents âges ». C'est un pont, un intermède entre la vie terrestre et l'au-delà. D'ailleurs le texte est en deux parties : dans la première le songe vient s'épancher dans la vie réelle ; dans la seconde l'au-delà s'invite dans le rêve.
Nous avons ainsi une première partie très poétique et onirique dans laquelle Aurélia est au centre d'une nature sublimée et qui se fait Paradis, et une seconde partie plus religieuse et mystique dans laquelle la recherche du pardon obnubile dans un premier temps l'auteur, puis sa transformation en un Dieu, du moins son osmose alchimique avec le reste de l'Univers en une dimension cosmique, constitue l'acmé de sa crise.

Dans les deux parties en tout cas Nerval se dévoile intimement. Après une grave crise de folie, il veut se soigner en trouvant un sens à sa vie, l'écrit est ainsi un exutoire, il veut témoigner de ce qu'il nomme « ses maladies » et aussi prouver qu'il a pris du recul, qu'il est lucide sur sa situation (on trouve d'ailleurs un certain nombre de réflexions appuyées par de nombreux « je veux montrer », « je veux expliquer »…). C'est ainsi un texte déroutant alternant entre des moments de folie qui mettent mal à l'aise et des moments de lucidité touchants, ressac écumeux qui vient nous éclabousser de son émotion, à fleur de peau. Et parfois l'auteur de se demander, comme hébété, s'il n'est pas allé trop loin « dans ces hauteurs qui donnent le vertige »…

« Pendant la nuit, le délire augmenta, surtout le matin, lorsque je m'aperçus que j'étais attaché. Je parvins à me débarrasser de la camisole de force, et, vers le matin, je me promenai dans les salles. L'idée que j'étais devenu semblable à un dieu et que j'avais le pouvoir de guérir me fit imposer à quelques malades, et, m'approchant d'une statue de la Vierge, j'enlevai la couronne de fleurs artificielles pour appuyer le pouvoir que je me croyais ».

La folie est fascinante dans le sens où nous avons tous une part de folie en nous. Il suffit parfois de presque rien pour la sentir venir effleurer, prenant mille et une formes. Elle est fascinante car elle montre ce que nous pourrions être, notre face cachée, une modification de l'état de conscience même infime nous rapproche de cet être vite ressenti comme monstrueux…Où commence et où s'arrête la folie ? J'ai trouvé passionnant de voir quelles visions elle engendrait chez cet écrivain et la dimension poétique qu'elle offrait. Une poésie vaporeuse, brumeuse, décousue. Oui, une poésie en lambeaux, comme le sont les rêves. Alors, si les phrases sont belles, les images marquantes, le récit est à l'image des rêves à savoir décousu, voire incohérent, ce qui peut surprendre, voire gêner, le lecteur. Il ne faut pas lire ce texte pour l'histoire mais pour sa poésie, sa portée mystique, la vision des rêves qu'il offre, la folie qu'il dépeint et les clés qu'il renferme à l'aune du suicide de l'auteur.

J'ai aimé tout particulièrement la première partie du récit dans laquelle l'auteur offre ses rêves. Les paysages dépeints sont des jardins métaphoriques, ces jardins que nous retrouvons dans les autres textes de Nerval, dans lesquels s'épanouissent les fleurs qui plaisent tant à son coeur désolé, et la treille où le Pampre à la Rose s'allie, et où l'auteur va revoir ses proches décédés depuis longtemps. C'est une sorte de Paradis duquel il a du mal à revenir.

« Ça et là, des terrasses revêtues de treillages, des jardinets ménagés sur quelques espaces aplatis, des toits, des pavillons légèrement construits, peints et sculptés avec une capricieuse patience ; des perspectives reliées par de longues trainées de verdures grimpantes séduisaient l'oeil et plaisaient à l'esprit comme l'aspect d'une oasis délicieuse, d'une solitude ignorée au-dessus du tumulte et de ces bruits d'en bas, qui là n'étaient plus qu'un murmure ».


Finalement d'Aurélia il n'en sera pas beaucoup question. Elle apparait ça et là tel un fantôme. Dans la seconde partie mystique elle est carrément absente. Les visées de Nerval sont au-delà de l'Amour. Il se rapproche du soleil et de la connaissance universelle. A s'en brûler les ailes. Fou Nerval ? Non, un Prophète incompris portant le Soleil noir de la Mélancolie sur ses épaules…


Commenter  J’apprécie          9439
Un livre petit d'une soixantaine de pages que j'ai lu comme si c'était un pavé de 600 pages. Je tournais les pages avec difficulté. L'auteur est poétique, sa plume est rempli de figure de style. Ce qui m'a dérangé est que l'auteur est totalement frappadingue. Il croit à son délire, l'écrit et le résultat est dérangeant. On adhère ou pas et pour moi ce fut pas.
Commenter  J’apprécie          10
En 1853 et 1854, Gérard de Nerval vit essentiellement à la clinique du Docteur Émile Blanche, en raison de ses troubles psychiques.
C'est à cette époque, dans ce « paradis » qu'il rédige une nouvelle, Aurélia, le rêve et la vie. La mort de la mystérieuse Aurélia, aimée du narrateur, déclenche une quête identitaire traversée de « visions ». Se voulant comme le récit d'un voyage spirituel, tantôt dantesque tantôt apuléen, cette nouvelle de Gérard de Nerval est avant tout un journal décrivant de façon clinique ses rêves éveillés lors de ces crises de folies.
Associant la folie au rêve, et la réalité à la raison, cette oeuvre est toute remplie de ce symbolisme romantique si cher aux dix-neuviémistes. Ici, le rêve a valeur initiatique, il dévoile les yeux de l'endormi et l'éveille à la réalité du monde. Angoissé par sa terrible inéluctabilité, la Mort apparaît comme la fin irrémédiable de toute chose. Une extinction définitive de la conscience. Mais, au hasard d'une crise (mystique-prophétique), l'auteur apprendra que l'immortalité est accessible, et qu'un bonheur éternel est possible.
Mais hélas, même si sa profession de foi est énoncée avec ferveur et pureté : « Le désespoir et le suicide sont le résultat de certaines situations fatales pour qui n'a pas foi dans l'immortalité, dans ses peines et dans ses joies », Nerval se suicide dans la nuit du 25 au 26 janvier 1855.
Commenter  J’apprécie          160
L'épanchement ou la volonté remarquable de s'appliquer à déjouer les bizarreries de l'inconscient et à parvenir à des songes logiques...surtout Aurélia, ou le rêve de sa vie appartient aux chefs-d'oeuvres de la poésie française. Gérard de Nerval possède l'image mythique de l'idéal féminin, par expérience il sait que le rêve est une seconde vie et que le " moi " sous une autre forme continue l'oeuvre de l'existence, la sienne. Il confère au rêve un pouvoir de découverte et de connaissances, et croit établir une communication avec le monde des esprits pour rompre son isolement à sa conscience, mêlant le souvenir et la fiction. Durant son ultime internement psychiatrique, en menant une vie errante, il mettra fin à ses jours en se pendant à une grille de la rue de la rue de la Vieille-lanterne pas loin du Châtelet.
Commenter  J’apprécie          50
J'ai un avis assez différent de la plupart des critiques que j'ai lues ici. Alors oui, j'ai vu une recherche de l'écriture, une expérience même. Mais ce n'est pas le récit d'un amour, d'une passion même tragique entre Aurélia et le Narrateur, puisque Aurélia disparaît - au sens propre, très vite, sans que le Narrateur ne nous ai livré les conventions habituelles d'un roman d'amour, une description de sa beauté, du son de sa voix, du charme de son esprit. Aurélia ne parle pas, et pour cause, elle n'est qu'un prétexte aux divagations mystiques, aux folles rêveries, aux délires oniriques du Narrateur. Je ne suis peut-être pas assez familière de l'oeuvre de Gérard de Nerval pour pouvoir apprécier ces passages, que j'ai d'ailleurs trouvé assez long, avec des ruptures brutales en quelques lignes - le Narrateur se prend pour Napoléon, assiste à une messe, se bat dans la rue, retrouve un ami - il a de nombreux amis d'ailleurs malgré son comportement... Je me suis retrouvée à survoler ces passages.
En réalité, ce que j'ai apprécié, c'est Cthulhu... Je ne dis pas que Nerval s'est inspiré de Lovecraft, c'est anachronique, mais le contraire serait-il possible ? Dans les délires du Narrateur, outre la figure d'une femme mystique tour à tour Vierge, Isis, Conscience, Ange... - mais sans jamais être incarnée sensuellement, sans devenir désirable d'ailleurs, il y a une insistance sur les anciens dieux, de très anciens dieux, des créatures chtoniennes hantant des grottes ou des nécropoles. Ils ont disparu comme chez Lovecraft dans des catastrophes, des déluges ou des fléaux surnaturels, des épidémies aussi. Comme chez Lovecraft aussi, le texte multiplie les allusions à des cités en ruines, des villes détruites. On retrouve également plusieurs évocations de magies orientales, de sorcelleries cabalistes.
L'amour se mêle donc à la mort, l'ange aux monstres, le souvenir aux visions, comme si tous les écrivains désespérés étaient hantés par les mêmes images.
Commenter  J’apprécie          72
Il est rare qu'un auteur mêle autant sa vie à son récit. Ce dernier, si on ne savait qu'il fût retravaillé, pourrait passer pour une confession, un journal. Cet entrelacement, cette confusion entre l'auteur et son narrateur, c'est aussi la résonance, la correspondance de la même confusion, du même entrelacement entre la vie et le rêve qui animent le récit. Peut-on confondre le narrateur d'Aurélia avec Nerval ? Certainement, tant les expériences décrites sont intrinsèques à son auteur. Mais il faut se garder de confondre Aurélia comme une simple confession, l'écrit d'une expérience de la folie ou des états limites qui la bordent. C'est véritablement une nouvelle, qui a son plan, sa forme, ses conséquences.
Commenter  J’apprécie          80
Un superbe roman de cet auteur au style caratéristique et à la prose splendide : à ne pas manquer car ce court récit vaut vraiment le détour !
Commenter  J’apprécie          60
Je ne connaissais Gérard de Nerval que de nom mais n'avais jamais eu l'occasion de lire l'une de ses oeuvres.

On reconnait tout de suite le courant littéraire auquel appartient l'auteur : la plume est on ne peut plus romantique. Gérard de Nerval dépeint dans cette nouvelle les visions fantastiques qui l'assaillaient lorsqu'il sombrait dans la folie. C'est très poétique mais empreint d'une profonde souffrance.

L'ensemble est forcément décousu puisqu'il est difficile de trouver du sens aux rêves de l'auteur. Il n'y a pas vraiment de fil narratif, l'auteur ayant seulement souhaité partager son expérience.

C'est d'ailleurs à mon sens tout l'intérêt de cette nouvelle, puisqu'elle se base sur ce que Gérard de Nerval a réellement vécu. Elle nous permet de plonger dans son état psychique, de partager sa façon de percevoir le monde et les êtres, de comprendre sa folie.

J'ai beaucoup aimé sa plume mais la nouvelle m'a laissée sur ma faim. J'y ai cherché du sens et n'en ai pas trouvé, ça m'a décontenancée. Mais Aurélia m'aura donné l'envie de découvrir une autre oeuvre de Gérard de Nerval.

PS : je regrette que l'éditeur (Livre de poche - libretti) n'ait pas laissé le lecteur s'approprier la nouvelle, en découvrir le sens, la saveur. Les notes sont presque plus nombreuses que le texte et j'ai horreur de ça. J'ai beau me dire "ne regarde pas la note", le renvoi casse ma lecture et me rassoit dans mon siège. Impossible de savourer les mots. Est-il bien utile pour la compréhension du texte de savoir que telle rue a changé de nom, que tel ami de l'auteur habitait effectivement dans cette rue etc... ? Pour moi, la réponse est clairement non.
Commenter  J’apprécie          360
Après avoir rencontré "Aurélia" de Gérard de Nerval par deux fois dans des lectures, dont "La carte et le territoire" de Michel Houellebecq, je me devais d'aller à la rencontre de cette oeuvre. Cette nouvelle est un voyage étrange que l'auteur nous invite à faire, entre le rêve et la folie sous forme de récit poétique. Cela a sans doute un peu vieilli et perdu de sa splendeur. En tout cas, ce ne fût pas l'extase en ce qui me concerne.
Commenter  J’apprécie          10
Ayant découvert Gérard de Nerval par la lecture d'Aurélia, j'ai abordé ce livre dans le cadre, là encore, du programme du bac de Français.
Bien qu'imposé, comme beaucoup de ses co-listiers, ce roman m'a captivé et permis de découvrir un univers qui, bien que torturé, ouvre des horizons que seule l'imagination de l'auteur - et du lecteur - peut limiter.
Un bon souvenir.
Commenter  J’apprécie          110




Lecteurs (1126) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11162 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}