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sur 413 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Après le départ des troupes américaines au Vietnam en 1973, la guerre continue entre le Sud et le Nord malgré les accords de Paris. Et pendant les jours qui précèdent la chute de Saïgon, c'est le sauve-qui-peut pour beaucoup de Sud-vietnamiens qui cherchent à quitter leur pays.

Le sympathisant, agent double au service des communistes et aide de camp d'un général, est chargé d'organiser l'exil de celui-ci vers les Etats-Unis. Pour ses frères d'armes qui sont aussi ses ennemis c'est la fin de leur monde, alors que pour lui ce n'est qu'un changement de monde. L'homme, qui a des loyautés divisées car fils d'une Vietnamienne et d'un prêtre catholique français, communiste mais pas ennemi des capitalistes, se remémore avec humour et ironie sa carrière d'espion, la chute de Saigon, l'exil avec les boat people et son retour au Vietnam où il est prisonnier du régime.

Un récit original — puisqu'il raconte la guerre du Vietnam surtout du point vue des réfugiés vietnamiens — qui repose sur des faits historiques. L'histoire est en partie inspirée par celle de l'auteur : américain et vietnamien, immigré aux Etats-Unis avec ses parents, Viet Thanh Nguyen pendant ses études, sans devenir communiste, face au racisme anti-asiatique qu'il attribue au capitalisme, s'est radicalisé politiquement. Une prise de conscience qui a été le point de départ de ce roman dense et percutant sur l'ambivalence interdisant tout manichéisme, récompensé par le prestigieux prix Pulitzer.

Challenge MULTI-DÉFIS 2018
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Le Sympathisant nous plonge dès la première phrase dans l'ambiance ; avec un incipit qui sonne comme une confession, nous savons d'emblée à quel type de héros nous avons affaire : « Je suis un espion, une taupe, un agent secret, un homme au visage double ». En fait, tout le livre, et c'est un choix narratif original, est au sens propre une confession.

Ces premiers mots renvoient bien sûr aux maîtres du genre. On pense à Graham Greene (L'Agent secret, Un américain bien tranquille) et à John le Carré (La Taupe). Il est d'ailleurs fait référence dans le livre, comme par un effet de miroir, à Un Américain bien tranquille et à son personnage Alden Pyle (page 136). Logique, nous sommes à Saïgon. le narrateur, dont on ne connaîtra jamais le nom, a écrit un mémoire sur le livre de Graham Greene. Mais ici, le narrateur à la double face ne peut se contenter du côté Pyle… car il est plutôt de l'autre bord !

Le Sympathisant est un agent communiste infiltré qui roule en réalité pour le Viêt-Cong, et qui, après une première période aux côtés des Français d'Indochine, dont nous retiendrons du récit quelques madeleines de Proust bien croustillantes (les biscuits Petit Ecolier), aura passé presque toute sa vie aux côtés des Américains, en adoptant « l'American way of life » pour mieux se fondre dans le décor et mieux observer ses ennemis.

Cette position l'amène à tout moment à devoir trancher des choix cornéliens intenables. Si les situations sont prises au début avec cocasserie et humour par le narrateur (avec un rire que l'on peut toutefois qualifier de « jaune »), le ton général ne tarde pas à plonger dans la désillusion, l'amertume et la noirceur.

Le héros cornélien peut s'aventurer sur le terrain de la tragédie grecque, une sorte de voyage au bout de l'Enfer personnel. Car contrairement aux apparences, on est plus ici chez Cimino que chez Coppola. Notre homme dont on ne connaît pas le nom a fait un pacte avec ses deux amis d'enfance, Bon et Man. Un pacte du genre : on se mélange nos sangs et on devient des frères à vie, ce qui va quand même un peu plus loin que la simple fanfaronnade du juré craché par terre. Or, Bon deviendra le bon soldat du Sud-Vietnam, anticommuniste, assassin sans sourciller des basses oeuvres de l'armée en exil, un peu bourrin mais pour la bonne cause. Man lui, deviendra l'officier traitant du narrateur, resté au pays, anticapitaliste et commissaire politique de l'autre bonne cause. Trois frères, deux camps, un frère dans chaque camp et le troisième au milieu. le narrateur, le traître quoi qu'il puisse arriver, devra choisir. Ou pas. le drame peut donc se jouer.

L'effet cornélien est renforcé par le choix de personnages archétypaux, dont on ne connaît jamais les noms. Ce procédé donne un côté allégorique et théâtral à la tragédie. Certains des personnages (mais pas tous) sont nommés par leur rôle : le général, Madame (la femme du général en question), L'adjudant glouton, le congressman, L'Auteur, le Comédien, etc. Dans cette tragédie, les personnages, tout comme le narrateur, avancent masqués.

Un épisode du roman évoque le tournage mouvementé du film Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. L'auteur (avec un a minuscule) ne s'en cache pas, et cite dans sa postface sa source d'inspiration. L'American way of life montre alors un visage plus cynique et beaucoup moins souriant.

Mais le pire reste à venir, avec la confession d'un souvenir occulté, l'aveu des méthodes de torture de la CIA, à la guerre comme à la guerre, c'était pour la bonne cause n'est-ce pas mon général ?

Quant aux camps de rééducation de l'autre bonne cause, auxquels le narrateur, le « sympathisant », sera confronté tout en restant fidèle jusqu'au bout à ses convictions, ils montrent in fine comment se terminent généralement toutes les idéologies révolutionnaires.

Je m'interroge sur la phrase de Man, le commissaire politique, qui écrit à son agent de terrain dans une correspondance cryptée : « Ne reviens pas. On a besoin de toi en Amérique, pas ici. C'est un ordre. » A posteriori, cela ressemble plus à une mise en garde qu'à un ordre de mission secrète, cela sonne comme une mise à l'abri de son frère de sang, comme l'aveu d'un mauvais choix idéologique et d'une cause qui tourne mal.

Presque tous les personnages du roman, sympathiques et pleins de bonnes intentions au départ, se révèlent être les bourreaux ou les victimes d'un système, guidés par leur aveuglement idéologique. le sympathisant est un livre étonnamment ambitieux pour un premier roman, qui donne à réfléchir, mais qui en n'adoptant aucun autre point de vue que celui de son narrateur au double visage, brouille les pistes et reste finalement assez ambigu dans son éventuel message.

Pour terminer, je remercie comme il se doit l'éditeur Belfond et Babelio de m'avoir fait découvrir ce premier roman d'un écrivain prometteur qui possède déjà à son palmarès le Prix Pulitzer fiction 2016.
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Zut, me direz-vous, encore un roman sur le Vietnam ! En effet... Sauf que celui-ci ne ressemble pas tout à fait aux autres.
Écrit par un Américain d'origine vietnamienne, il raconte l'histoire des véritables perdants, ces Sud-Vietnamiens qui ont dû fuir leur pays sur des rafiots surpeuplés pour se soustraire aux déportations, aux équipes de déminage et à la rééducation forcée à laquelle voulaient les soumettre « pour leur bien » leurs gentils frères du nord. Un sauve qui peut tragique qui a conduit les plus chanceux d'entre eux jusqu'aux rivages de l'Amérique des années soixante-dix, une Amérique raciste, traumatisée par son échec et peu encline à faire une place à cette nouvelle minorité.
Toute l'histoire du Sympathisant est racontée par un narrateur anonyme, individu pas toujours fréquentable, que traversent la plupart des lignes de faille de la société vietnamienne : catholique, dans un monde majoritairement bouddhiste, marxiste, mais fasciné par le mode de vie et la culture occidentales, il est un espion communiste infiltré dans les rangs de l'armée capitaliste ; mais surtout, pour ses compatriotes, ce n'est qu'un « bâtard », né de mère vietnamienne et de père français : cette faute originelle lui est constamment reprochée et l'empêche de s'insérer dans quelque milieu que ce soit.
En résultera une personnalité complexe et douloureuse, jusqu'à la transformation finale du personnage, dont je ne dirai rien pour ne pas déflorer une intrigue extrêmement soignée.
Le Sympathisant, de Viet Thanh Nguyen, est un roman puissant, qui traite de la condition de l'exilé, et de la difficulté que celui-ci éprouve à se reconstruire une fois qu'il a coupé les ponts avec sa terre natale.
C'est aussi le livre des grandes amitiés et des idéaux défigurés, à l'image du visage d'un des amis du narrateur, calciné par le napalm (on songe à Dorian Gray).
C'est enfin à une satire férocement drôle de l'Amérique et de l'american way of life que se livre ce Persan d'Extrême-Orient, qui écrit régulièrement des lettres chiffrées à une mystérieuse parente :
« Oh, le nuoc-mâm ! Comme il nous manquait, chère tante, comme plus rien n'avait de goût sans lui, comme nous regrettions ce « grand cru » de l'île de Phu Quoc, avec ses cuves remplies des meilleures anchois pressés ! Les étrangers aimaient dénigrer ce condiment liquide et âcre, à la couleur sépia très foncée, pour son odeur supposément atroce, ce qui donnait un autre sens à l'expression : «  Ça ne sent pas bon ici », car c'est nous qui ne sentions pas bon. de même que les paysans de Transylvanie arboraient des gousses d'ail pour repousser les vampires, nous nous servions du nuoc-mâm pour tracer une frontière avec ces Occidentaux incapables de comprendre que ce qui ne sentait vraiment pas bon, c'était l'odeur nauséabonde du fromage. Qu'était le poisson fermenté comparé au lait caillé ? »
En dépit de quelques longueurs dans sa partie centrale (largement compensées par un "finale" digne du 1984 d'Orwell), le Sympathisant est une fresque superbement écrite et qui ne laissera personne indifférent.

Un grand merci aux Éditions Belfond et à Babelio pour cette excellente lecture.
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Il m'a fallu attendre de l'avoir presque terminé pour apprécier pleinement le sympathisant, un roman gratifié du prix Pulitzer l'année dernière. Tout au long des dix-huit premiers chapitres de ce livre qui en compte vingt trois (et cinq cents pages), j'ai savouré les belles qualités littéraires d'une narration présentée sous forme de confession, tout en me demandant, avec un peu d'agacement, quel pouvait bien être le sens que son auteur avait voulu donner à cette oeuvre.

L'auteur, justement, Viet Thanh Nguyen. Dans sa vie comme dans son livre, tout commence en 1975. Il a quatre ans. Avec la chute de Saïgon, c'est la fin de la guerre du Vietnam. Ses parents fuient et, comme des centaines de milliers de Vietnamiens, se réfugient aux Etats-Unis, où ils réussiront à reconstruire leur vie. Sous le regard fuyant ou condescendant de l'Américain blanc moyen, l'Américain Viet Thanh Nguyen prend conscience de l'ambiguïté de son identité. Il constate aussi que sa nationalité d'origine ravive la mémoire d'une défaite américaine cuisante et d'une guerre jugée aujourd'hui infamante.

C'est pour exorciser ce sentiment perçu comme une injustice, qu'il écrit le sympathisant, l'histoire fictive d'un homme qui aurait pu connaître le même exode que ses parents. Cet homme, dont la double identité est poussée jusqu'à l'absurde, se voit comme un bâtard. Les autres aussi le voient comme tel. Né de la séduction scandaleuse d'une très jeune fille vietnamienne par un prêtre français installé en Indochine, sa peau n'est ni jaune ni blanche… à moins qu'elle soit à la fois jaune et blanche. Sa culture est à la fois orientale et occidentale… à moins qu'elle ne soit ni l'une ni l'autre.

En fait, l'esprit de cet homme est double, ce qui lui permet de voir les problèmes des deux côtés. Dans sa longue confession, dont on ne connaîtra le contexte qu'à la fin, c'est en toute logique qu'officier américain au Sud-Vietnam, puis membre d'une diaspora revancharde exilée en Californie, il assume ses agissements d'agent double au profit de l'ennemi affiché. Voilà un sympathisant communiste qui consomme avec opportunisme et délectation l'american way of life. Appelons les choses par leur nom : un traitre qui ne recule devant rien, pas même le meurtre, sans que sa conscience en soit profondément perturbée... Mais on peut changer, tant qu'on reste vivant !

Le livre est une critique féroce d'une société américaine, dont les archétypes amènent les minorités ethniques à se sentir inférieures, tout intégrées qu'elles soient sur les plans intellectuel et économique. Sous la forme d'un épisode aux Philippines, il lance un violent coup de gueule à l'encontre d'Apocalypse Now, ce film halluciné des années soixante-dix, proclamant avec tambours, trompettes et napalm, que le destin des combattants américains est la gloire, les Vietnamiens n'étant voués qu'au silence et à la mort.

Mais malgré toutes ses carences, l'Amérique n'est pas pour autant l'enfer. L'enfer, selon l'auteur et, finalement, son personnage du roman, ce serait plutôt le monde communiste et ses pratiques de « rééducation » normalisatrice. Tout sympathisants qu'ils soient, leur esprit double comprend qu'une révolution menée au nom du principe que rien n'est plus important que l'indépendance et la liberté, conduit à une société policière où indépendance et liberté valent moins que rien. Car les révolutionnaires d'aujourd'hui sont les impérialistes de demain.

L'écriture, complexe et envoûtante, mêle narrations et dialogues sans ponctuation spécifique, tout en enchevêtrant les faits vécus par le narrateur avec ses souvenirs, ses réflexions et ses rêveries. Un ton très libre d'humour et d'autodérision. Très peu de noms. On ne connaît pas celui du narrateur, pas plus que ceux de la plupart des personnages, notamment des militaires : on a ainsi l'adjudant glouton, le lieutenant insensible, l'opérateur radio maigrichon, l'infirmier philosophe et d'autres. Sans oublier les Marines mat, plus mat et très mat, trois GI qui sont restés au Vietnam, et dont le soleil a tanné la peau à des degrés différents.

Un roman puissant et profond, associant recherches historiques, méditations politiques, études ethnologiques et profilages psychologiques, pour une lecture qui laisse leur part à l'émotion et au burlesque.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Ce roman, premier roman de l'auteur amérasien Viet Thanh Nguyen, a reçu le prix Pulitzer 2016 et a l'ambition formidable de traiter de la guerre du Vietnam a été un sujet amplement traité aux Etats Unis, mais uniquement racontée du côté des Américains. et jamais des vietnamiens.

" Je gardais mon regard accroché au sien, tâche extrêmement difficile, étant donné la force gravitationnelle exercée par son décolleté…le décolleté séparait l'homme de la femme. Les hommes n'avaient pas l'équivalent sauf, peut-être, le seul type de décolleté dont se souciait vraiment la femme: l'ouverture d'un portefeuille bien garni »

L'occasion de porter un regard inédit sur une guerre du Vietnam loin d'Apocalypse Now et autre Platoon où les vietnamiens étaient considérés comme de simples silhouettes.

L'intrigue , pour le moins dense et complexe, débute à la chute de Saïgon en avril 1975, signant la fin de la Guerre du Vietnam et l'exil du narrateur qui n'a pas de nom, aux Etats-Unis, et narre ses aventures de taupe auprès d'un général pro-américain.

Une plongée à l'intérieur de la guerre du Vietnam, à travers la passionnante et pleine de surprise confession d'un agent secret. La chute de Saigon, les bombes au napalm, les camps de rééducation, la terreur,les interrogatoires où le prisonnier est prêt à avouer n'importe pour abréger ses souffrances : tout est raconté avec autant d'acuité que d'humour par la plume particulièrement en verve de Viet Thanh Nguyen qui propose une oeuvre aussi exigeante que foisonnante.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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J'ai en mémoire le précédent roman récompensé par le Prix Pulitzer de littérature, donc, lorsqu'on m'a proposé de découvrir, en avant-première, le dernier lauréat,  le sympathisant de Viet Thanh Nguyen, je ne pouvais pas refuser,  ce célèbre prix américain étant synonyme de qualité.
L'auteur, avec ce titre, se voit pour la première fois publié en France.
Saïgon 1975, dans un chaos indescriptible et sous les bombardements les Américains tentent d'évacuer leurs représentants et leurs principaux alliés d'une guerre qui se termine par un échec.
Le narrateur,  Capitaine au service d'un général de l'armée du Sud Vietnam, fidèle parmi les fidèles, réussi à fuir et gagner les États-Unis,  sa terre d'adoption.
Cet homme,  dont on ne saura jamais le nom, annonce la couleur.
Je suis un bâtard.
Chahuté dans son enfance parce que le fruit du péché entre une jeune fille vietnamienne et un prêtre français, il est aussi, il le reconnaît  dès ses premières paroles,  un agent double, bâtard là encore, puisque navigant dans les eaux sombres de l'espionnage, contre ses concitoyens réfugiés,  dans un pays qui l'a accueilli,  pour le compte d'une idéologie communiste qui n'est pas tendre même avec ceux qui se prétendent sympathisant. ..
Viet Thanh Nguyen ne nous parle pas de l'Amérique terre d'accueil, la débâcle vietnamienne a traumatisé ce pays qui tournera vite le dos à ses vétérans vaincus.
Il nous raconte, parfois avec humour,  le parcours de ce soldat sans foi ni loi, prêt à tout pour sauver sa peau. Il nous raconte le Vietnam et sa population, victime d'un terrible conflit militaire puis victime de la répression et de l'endoctrinement mis en place par le nouveau régime et dont la seule échappatoire semble être la corruption et la fuite.
Ces fameux Boat People dont se souviennent les gens de ma génération,  terribles images qu'une actualité récente nous a remise en mémoire avec l'afflux de ces réfugiés fuyant les différentes guerres qui enflamment notre monde.
Malgré quelques longueurs, j'ai découvert avec plaisir cette belle écriture et ce grand roman qui mérite à n'en pas douter les éloges qui lui sont faites.
Merci aux éditions Belfond et à Babelio.


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La triste farce d'un homme invisible et désenchanté.

Si on a pu être confronté à maints récits sur la Guerre du Viêt-Nam, ceux-ci se positionnaient côté des américains, capables de se hausser du col en antihéros glorieux, même dans une guerre perdue.

Quant aux communistes indigènes, la réunification du pays après le départ de l'Oncle Sam a dû les occuper à plein temps et a produit peu de fictions arrivées jusqu'à nous.

Voici donc un roman ambitieux sur un agent dormant communiste, "taupe" dans les rangs de l'armée Sud-vietnamienne, participant à l'expatriation forcée vers les États Unis à la fin du conflit. Continuant à rendre des comptes à son officier traitant, sa confession s'apparente à un documentaire sur une époque, sur la confrontation de deux cultures et sur les notions intellectuelles de l'engagement idéologique et de la fidélité.

Mais l'individu isolé en milieu hostile doit aussi faire face à d'autres enjeux: la désillusion, la perte de l'innocence, le doute insidieux et l'attrait pernicieux d'un mode de vie confortable. Ceci produit un homme double, ambigu, tirant le meilleur parti d'une situation trouble. Un sympathisant opportuniste, façonné par son histoire personnelle.

Une écriture travaillée, alerte et décomplexée, joyeuse et ironique par instants, jouant l'autodérision pour confronter les identités américaines et vietnamiennes, des personnages en clowns tristes, une charge féroce envers les États Unis...
Le tout produit une tragi-comédie décalée, faisant revivre les temps forts de la guerre et de l'après-guerre: la fuite cataclysmique de Saigon devant les troupes communistes, l'adaptation sociale aux États Unis, le fossé entre les deux peuples stigmatisé par le tournage burlesque d'Apocalyspe Now (excellent!), la parodie de reconquête de déracinés, les camps de rééducation...

Roman original, touffu, documenté, aux multiples facettes d'intérêt.
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Avant de me lancer dans la critique proprement dire de ce livre, je remercie encore Babelio et les Editions Belfond pour l'envoi de ce " sympathisant ".
C'est une plongée dans un épisode douloureux du passé que nous fait faire Viet Thanh Nguyen. La guerre du Vietnam, qui n'a pas fini de faire couler de l'encre et d'être à l'origine de certains grands succès cinématographiques est au centre de ce livre.
Pour une fois, le narrateur n'est pas un ancien soldat américain, mais un vietnamien. Cet homme, dont nous ne saurons jamais le nom est déchiré par son ambivalence. Il est métis ( et il précise bien en plus affublé du statut de bâtard ), officiellement d'appartenance politique sud vietnamienne , mais en réalité communiste.
Il débute son histoire en racontant la chute de Saïgon et la fuite de certains réfugiés aux États Unis. le narrateur va évoquer de manière fort pertinente les difficultés d'intégration de ces " migrants".
L'histoire se lit avec beaucoup d'intérêt, on a envie de savoir ce qui va se passer pour le narrateur qui essaye de poursuivre ses idéaux et aussi sa mission. En effet, il est une taupe au service de l'armée nord vietnamienne.
La lecture de cette histoire m'a renvoyée à certains films qui parlent de cette époque et qui m'avaient beaucoup marquée. Apocalypse Now évidemment ( l'auteur cite d'ailleurs Coppola à la fin de son livre ), mais aussi Platoon et surtout La déchirure ( oui, je sais, l'histoire ne se déroule pas au Vietnam, mais au Cambodge...)
Une plongée dans une époque pas si lointaine que ça et on n'a pas toujours pas fini avec les boat-people, même s'ils ne viennent plus du même endroit...
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Un narrateur sans nom né d'une mère vietnamienne engrossée par un prêtre français et formé (formaté?) par la culture américaine livre sa confession d'agent double pendant et après la guerre du Vietnam.

Un roman d'espionnage? Que nenni! Mais un témoignage troublant, drolatique et détonnant sur l'identité et la difficulté de positionner cette dernière quand on n'est ni Vietnamien au Vietnam, ni Américain aux Etats-Unis, et de surcroît affublé d'une paternité aussi française qu'indicible. Quel meilleur contexte pour dérouler cette irrésoluble équation que la plus tranchée des guerres : la guerre froide, Orient contre Occident dans les méandres desquels le narrateur se faufilera avec l'agilité de la taupe, jusqu'à devoir affronter la torture de la question ultime : qui suis-je?
Mais "le sympathisant" n'est pas que ça, c'est aussi un regard peu habituel sur la guerre du Vietnam car vue du côté américain mais pas par un prisme américain; c'est aussi une plongée dans la déchirante réalité de l'immigration forcée et l'intégration impossible, à l'image de ces compatriotes du narrateur, anciens valeureux soldats de l'armée du sud Vietnam, échoués dans des sous emplois de pompiste ou livreur de pizzas réservés aux sous citoyens qu'ils sont devenus.
Certes, il y a bien un peu d'espionnage dans tout ça, mais cela me parait être un vecteur plus qu'une fin en soi dans le livre, à l'exception de la terrifiante scène de torture finale qui rappelle 1984.
Lecture difficile? de nouveau, que nenni! car on rit aux éclats à de nombreuses reprises tant l'humour distancié de l'auteur est ravageur.
Voilà un Pulitzer bien mérité!

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Une taupe communiste nord-vietnamienne dans l'armée sud-vietnamienne. Ce récit, dans lequel je suis plongé depuis quelques jours, débute dans un aéroport lors de la chute de Saïgon. La défaite des américains. La fuite des troupes US. La détresse des vietnamiens voulant fuir l'arrivée des communistes. L'espoir déçu de ne pas tous pouvoir partir. Ceux qui partent ne seront que des exilés désenchantés, ceux qui restent seront opprimés. Comment ne pas faire un parallèle troublant avec les images médiatiques actuelles de la prise de Kaboul par les Talibans ? La réalité se mêlant à la fiction, ma lecture a été d'autant plus captivante. Au-delà de la confession d'un agent double, ce roman nous interroge de manière ironique au sujet de la condition humaine et de l'absurdité des guerres. Même si ce livre aurait pu être allégé de quelques pages, j'en ai apprécié la lecture.
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