Selon une antique mythologie chinoise, il existe cinq îles situées loin, loin à l’est des côtes de la Chine. Les hommes y ont atteint l’immortalité et vivent en perpétuelle harmonie. […] Sur des grues, les immortels volent autour des sommets des montagnes. Les îles se trouvent sur la carapace d’une immense tortue de mer qui a perdu deux de ses îles après une lutte contre un monstre aquatique. […]
Le mythe des îles des immortels a dû atteindre le Japon avant l’introduction du bouddhisme car il y est déjà fait allusion dans le nihon shoki, les annales du Japon (vers 720 après J.C.). Dans un article concernant l’année 478, […] un certain Urashima parvint aux îles des bienheureux […]
Jusqu’à la fin de la période Edo, [ce mythe] aura une forte influence sur l’architecture des jardins japonais. […] cependant […] le Japon a transformé les cinq îles des bienheureux en une seule île: l’île de P’eng-lai ou encore, en japonais: Horai-zan. Dans le jardin paysager japonais, un Mont Horai, une île Horai ou encore une pierre Horai, parfois même une île des grues ou des tortues, symbolisent l’île des bienheureux.
(Archétypes du jardin japonais: la campagne - shintoïsme - cosmologie hindouiste - mythes taoïstes - bouddhisme et compositions triadiques, Mythologie taoïste: les îles des bienheureux, p.23)
Cette cosmologie d’origine indienne se retrouve dans certains jardins japonais. Symbolisant le Shumi-sen [mont Shumi : montagne cosmique située au centre du disque-monde selon la représentation hindouiste -reprise ensuite par le bouddhisme], une pierre dressée isolément, parfois entourée de pierres plus petites, y tiendra souvent une place privilégiée. Il arrive également que la composition globale d’un jardin reprenne le schéma des neuf montagnes et des huit océans issus de la cosmologie hindouiste. […]
Les jardins ont souvent aussi été conçus comme un mandala avec l’axe du monde en son centre. Cela n’a rien d’étonnant lorsqu’on songe que le mandala est une représentation des principes structurels de la conception hindouiste de l’univers, et qu’il est le principe formel d’un grand nombre d’objets d’art en Extrême-Orient.
(Archétypes du jardin japonais: la campagne - shintoïsme - cosmologie hindouiste - mythes taoïstes - bouddhisme et compositions triadiques, Cosmologie hindouiste: la montagne, axe du monde, p.22)
Le riz destiné à ces offrandes est cultivé à cet effet dans des champs sacrés appelés shinden. Ces rizières constituent le dernier témoignage vivant de la géomancie japonaise ancestrale. Celle-ci est presque totalement tombée en désuétude depuis les époques de Nara et de Heian, c’est-à-dire depuis la première vague d’influence chinoise, pour être remplacée par la géomancie chinoise. […]
Dans leur rapport géomantique, les éléments constitutifs des rizières sacrées sont disposées d’une façon très simple et très claire : d’un côté, l’on a une montagne d’où coule l’eau nécessaire à la culture, sur le côté opposé, on a le torii, c’est-à-dire la très caractéristique arche du shintoïsme, qui sert à signaler au visiteur l’entrée dans le lieu sacré et la séparation avec l’environnement profane. […] Depuis le début de l’époque d’Edo, l’usage sera d’intégrer les rizières aux grands jardins du Daimyo, le grand seigneur de l’époque Edo. Ces rizières avaient souvent la forme d’un carré magique (le carré magique est composé de trois fois trois carrés).
(Archétypes du jardin japonais: la campagne - shintoïsme - cosmologie hindouiste - mythes taoïstes - bouddhisme et compositions triadiques, Croyances du shintoïsme: les archétypes du sacré, L'archétype agraire: shinden, p.19)
Au Japon, le climat se divise en quatre saisons, et il est pour ainsi dire possible d'y prédire au jour près le passage de l'une à l'autre. Les délicates transformations qui parcourent la nature aux périodes de transition n'ont pas seulement inspiré la poésie et la peinture japonaises, elles ont également laissé leur empreinte sur la date des fêtes japonaises, sur les motifs des kimonos, les arrangements floraux des alcôves décoratives des maisons traditionnelles, et même sur les menus des restaurants respectueux de la tradition. Toutes ces évocations de la nature reflètent le cycle des saisons. Jusqu'à nos jours, tout courrier digne de ce nom se doit de commencer par une remarque sur telle ou telle fleur caractéristique de la saison, sur la canicule ou le froid qu'il fait.
(Archétypes du jardin japonais: la campagne - shintoïsme - cosmologie hindouiste - mythes taoïstes - bouddhisme et compositions triadiques, La campagne: îles et étangs divins, p.15)
L'importance de ces agencements de pierres d'influence bouddhiste n'est pas tant leur signification religieuse que leur valeur sur le plan de la composition: une grande pierre centrale, flanquée de deux pierres de plus petite taille. [...] dans la mesure où le triptyque a acquis un droit de cité dans les iconographies les plus diverses, nous sommes en droit de supposer qu'il s'agit là d'un archétype particulièrement profond de l'être humain. C'est pourquoi je pense que les formes esthétiques possèdent toujours un certain degré d'autonomie, une évidence propre, indépendante de la religion.
(Archétypes du jardin japonais: la campagne - shintoïsme - cosmologie hindouiste - mythes taoïstes - bouddhisme et compositions triadiques, Le groupe de trois pierres: recherche de l'équilibre avec des nombres impairs, p.25)