Rosemarie Hirt est une femme de 52 ans qui lentement mais sûrement se tatidaniellise et sait que dans peu de temps, elle ne sera plus considérée comme une célibataire mais comme une vieille fille. Si elle a connu dans le passé quelques amants éphémères, elle n'a jamais rencontré le grand amour et est consciente qu'aucune cinquantenaire ne trouve plus le grand bonheur sur son chemin. Elle est résignée à se satisfaire de bonheurs petits ou brefs jusqu'au jour où, assistant à une conférence donnée à l'université populaire de Mannheim, elle tombe sous le charme du Professeur Rainer Engster qu'elle identifie instantanément comme son alter ego masculin.
Rosi tombe amoureuse comme une jouvencelle, retrouve jeunesse, élan, énergie. Elle provoque des rencontres pseudo-fortuites avec son idéal viril, sombre rapidement dans une obsession maladive nourrie de désirs inassouvis, connaît une excitation mêlée de crainte qui la pousse à agir, à épier puis harceler Rainer. En rêve, elle imagine les rendez-vous pleins d'amour et de tension érotique de deux âmes en parfaite affinité alors que dans la réalité elle découvre un charmeur, un bourreau des coeurs, un Don Juan de bac à sable ou thé dansant dont les comportements frôlent l'indécence, qui joue avec son succès auprès des femmes, séduisant indistinctement mère ou fille, étudiante ou collègue. Il devient de plus en plus clair pour Rosi qu'un amour inconditionnel n'induit pas la réciprocité et que pour cet homme, elle ne sera jamais rien de plus qu'une passade, et encore avec beaucoup de chance. Il ne restera pas avec elle, ne sera ni loyal ni fidèle. D'autres femmes qu'elle connaîtront ses cendriers débordants de mégots, ses pyjamas défraîchis, ses chaussettes humides de sueur abandonnées au pied du lit, son after-shave bon marché. Pourtant, elle en fait des efforts Rosi pour ne l'avoir rien qu'à elle, elle ne manque pas d'imagination. Mue par une jalousie pathologique, elle hait toutes ces femmes, plus jeunes, plus jolies et intelligentes qui tournent comme des mouches à viande autour de son Rainer. Elles les hait
Ecrit en 1991 et traduit en 1996,
Rien que pour moi n'a rien perdu de sa férocité, de son humour noir ou de son amoralité. Les tribulations meurtrières de Rosi sont rapportées comme des conséquences logiques et naturelles de ses pensées et de ses déceptions. Les récits et descriptions de crimes, randonnées alsaciennes ou dégustation de baeckeofe sont drôles même si le rire est parfois jaune. Pourtant, et c'est bien là le miracle de l'écriture lucide et réaliste d'
Ingrid Noll, Rosi reste attendrissante dans sa peur universelle du vieillissement, dans le constat que sa féminité est soluble dans de transpirantes bouffées de chaleur, dans sa quête éperdue d'un prince charmant qui n'existe pas. L'épilogue est particulièrement émouvant.