Autant Gros Ours et P'tit lapin* s'adresse aux enfants, autant Gros ours & Petit lapin aux adultes. Même si celui-ci reprend une apparence extérieure enfantine - les noms des protagonistes, les couleurs vives de la couverture -, le dessin des deux protagonistes sur la première de couverture donne le ton (au moins graphique) de cette bande dessinée.
Dès qu'on la feuillette, il est évident qu'elle s'adresse aux adultes : la totalité des dessins n'utilise que le noir et le blanc, ils sont faits uniquement de traits et de hachures, et les deux protagonistes se fondent et se confondent dans la nature au point de parfois disparaître, ce qui nécessite de se concentrer pour les retrouver. Dès qu'on la lit, il est évident qu'elle s'adresse aux adultes : la bande dessinée se compose de longues discussions entre Gros ours et Petit lapin suivies de longues planches contemplatives sans dialogues, le tout dans une nature presque déserte à l'exception des deux protagonistes et de quelques escargots.
Beaucoup de choses opposent les deux animaux : gros/petit, carnivore/herbivore, bienveillant/égoïste, … Mais ils sont amis, même si cette amitié est parfois cruelle du fait de leur différence de caractère. Et chacun des deux voudrait devenir l'autre, ce qui n'est évidemment pas possible.
Les discussions de Gros ours et Petit lapin sont d'ordre philosophique et poétique : ils parlent de Dieu, de la disparition des abeilles, du sens de la vie, de l'impact des inondations sur leur vie, du pouvoir et du fascisme, de leur envie de devenir l'autre, de vérité,… :
« Je ne pensais pas voir ça de mon vivant. C'est un désastre.
- Mais de quoi parles-tu ?
- Je parle de la mortalité chez les abeilles. De quoi veux-tu que je parle d'autre ?
- Les abeilles ? C'est pas important les abeilles… Enfin, si, pour vous, les ours. Mais nous les lapins, on risque rien.
- Détrompe-toi. Tout le monde a à craindre de la disparition des abeilles.
- Ouh ! J'ai peur.
- Tu veux que je t'explique ?
- Non !
- C'est parce que les abeilles butinent et pollinisent et que sans les fleurs, les fruits, les plantes, rien ne pousse.
- Et alors ?
-Tu fais bien parti des gens qui ne mangent que des légumes.
- Oui, très bien. Mais moi, quand il 'y aura plus de légumes, je mangerai des boîtes. »
Par ailleurs auteur des aventures de Jérôme d'Alphagraph, d'un livre sur les Cabanes et de Porsmeur, Nylso propose avec Gros ours & Petit lapin un véritable petit bijou de poésie, de philosophie et d'humour triste et les éditions Misma une très belle et bien faite bande dessinée.
* Gros Ours et P'tit Lapin de Adeline Ruel
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Le splendide dessin, au rendu « poilu », restitue l’évidence de la simplicité et crée une poésie au timbre mélancolique. Et confirme qu’un trait, seul, pour peu qu’il soit virtuose, suffit à dire beaucoup.
Lire la critique sur le site : BoDoi
Graphiquement, Nylso est minimaliste, mais même quand il fait le minimum, il réussit à étonner.
Lire la critique sur le site : BDZoom
Gros ours : Tu as des enfants, petit lapin ?
Petit lapin: Plein, plein partout.
Gros ours : Tu t'en occupes souvent ?
Petit lapin : Jamais ! Ils ont grandi très vite et ils se débrouillent comme leur papa. Et toi ?
Gros ours : Un, j'ai un enfant. Un jour la mère et l'enfant avaient faim. J'ai marché tout droit pour essayer de trouver un truc à manger. J'ai trouvé au bout de plusieurs jours. j'avais faim. J'ai tout mangé. Après j'ai dormi. J'ai jamais retrouvé le chemin du retour.
Petit lapin : Dis-moi, je sais pourquoi t'as jamais froid, c'est cette fourrure. A ta mort, je pourrai en hériter ?
Gros ours : C'est de famille, mon fils avait la même.
- Je ne pensais pas voir ça de mon vivant. C'est un désastre.
- Mais de quoi parles-tu ?
- Je parle de la mortalité chez les abeilles . de quoi veux-tu que je parle d'autre ?
- Les abeilles ? C'est pas important les abeilles… Enfin, si, pour vous, les ours. Mais nous les lapins, on risque rien.
- Détrompe-toi. Tout le monde a à craindre de la disparition des abeilles.
- Ouh ! J'ai peur.
- Tu veux que je t'explique ?
- Non !
- C'est parce que les abeilles butinent et pollinisent et que sans les fleurs, les fruits, les plantes, rien ne pousse.
- Et alors ?
-Tu fais bien parti des gens qui ne mangent que des légumes.
- Oui, très bien. Mais moi, quand il 'y aura plus de légumes, je mangerai des boîtes.
- Tu crois en Dieu ?
- En quoi ?
- En Dieu !
- Non. je ne crois pas.
- Tu crois que tu ne crois pas, ou alors tu ne crois ni en Dieu ni en diable ? C'est trop compliqué pour toi. J'aurais dû m'en douter.
- Pour commencer, je ne comprends pas ta question. Quand il m'arrive quelque chose de très grave,
- Oui ?
- Oui. Alors, je tombe à genoux. Et là, oui, je prie.
- Le Dieu des Ours !
- Quoi ? Le Dieu des Ours ? Mais les ours n'ont pas de Dieu que je sache.
- Ah oui ? Et là tu faisais quoi ? On peut savoir ?
- Je faisais semblant pour te montrer.
- Mais avec Dieu on ne fait pas semblant. C'est très grave, c'est un crime.
- En travaillant, je peux devenir un lapin (dit gros ours)
- Non (répond petit lapin)
-Sans relâche, pas de vacances, pas de repos
- Non
- Et pourquoi ? Dis le moi, je peux tout entendre.
- Non
- Je suis un ours, je digère tout même le lapin et très vite.
- C'est ça justement.
- Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ?
- Rien, comme d'habitude.
- Super !
- "Super" ? Comment ça ?
- Juste : super.
- Tu n'es pas content de moi, petit lapin. Je le vois bien.
- Non, je ne suis pas content de toi ! Mais de quoi je me mêle ? Après tout.
- C'est vrai.
- Jamais, comme moi tu ne pourras être heureux. Mais pire, jamais tu ne seras un lapin.
- Quoi ?
- ... tu n'es qu'un ours. Je sais que c'est difficile à avaler.
- Qu'est-ce que tu veux dire exactement ?
- Oublie !
- C'est pas important.
- Pas important ? Quand j'apprends que malgré tout mes efforts, jamais je ne serai... un lapin.
- C'est hard.
- Oui quand même assez.
Nylso - Kimi le vieux chien