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EAN : 9782246811039
388 pages
Grasset (03/02/2016)
2.89/5   9 notes
Résumé :
À trente ans, Karl Schuster a déjà conquis le milieu de l'art à Berlin. Il ignore que son voyage au pays natal va bouleverser son existence. Désormais, sa vie sera une aventure de tous les instants.Karl est ébloui par une femme qui accomplit des merveilles dans un monde qui lui est étranger. Plus tard, le rêve d'un bel été devient subitement réalité : avec Esther, il découvre la passion. La séparation, inévitable, ne brisera jamais l'amour qui les a réunis.Avec Jani... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Encore un de ces livres frustrants, parce que l'on adorerait les adorer, mais qu'ils nous perdent en route…

Mais essayons de prendre les choses dans l'ordre. Il s'agit d'un bon pavé (612 pages), suivi de près de 40 pages de postface, d'un glossaire, d'une sérieuse bibliographie. Au total, un « appareil critique », pratiquement, comme diraient les scientifiques, de plus de 70 pages qui accompagne le texte du roman. Cela fait beaucoup, et même, si j'osais, cela fait trop !

D'abord parce qu'en réalité, on a l'impression que l'auteur n'a pas voulu choisir entre les différentes pistes qui s'offraient à lui. Et il l'explique tellement bien dans le premier texte qui suit le roman, intitulé « Témoignage »; dans lequel Jean Octeau indique avoir vécu avec ces personnages depuis plus de 12 ans… Mais, en tant que lecteur, je vois en réalité au moins quatre histoires qui auraient pu être écrites, quasi-indépendantes. Et je vais les distinguer dans mon avis.

La première histoire, qui correspond pour l'essentiel aux 250 premières pages, est centrée sur l'histoire d'amour de Karl et Esther, dans laquelle intervient également la « régulière » de Karl à Berlin, Janina. Cette partie là de l'histoire m'a assez fortement agacée, je dois l'avouer. Karl est amoureux d'Esther depuis qu'il l'a vu apparaître au virage d'une route slovaque, dans sa chemise mouillée. Il l'aime, il est payé de retour, mais elle revendique sa liberté. Alors Karl ne fait pas de choix : après l'avoir un temps accompagné à Berlin, elle retourne en Slovaquie, avec un médecin lui aussi amoureux d'elle. du coup Karl rencontre Janina, qui accepte une sorte de ménage à trois, en se faisant la voix d'Esther – c'est par elle que transitent les nouvelles. Mais Karl ne semble pas se préoccuper de savoir si ce choix convient à Esther, ni à Janina. Et, surtout, il ne veut pas se demander s'il lui convient à lui. Bref, pas ma tasse de thé.

Une deuxième intrigue vient se nouer. Les nazis razzient les musées européens, l'histoire est assez bien connue, Goering amasse dans son château, et pilote un réseau d'informateurs et de voleurs dans toute l'Europe… Que peuvent faire les milieux artistiques en Allemagne pour limiter la catastrophe ? Est-ce bien de plier un peu l'échine pour sauver ce qui peut l'être ? Cette partie là constitue l'essentiel du livre, en gros de la page 250 à la page 350. C'est historiquement intéressant, n'étant pas spécialiste de cette période, l'angle m'a semblé très pertinent. Mais on reste un peu sur sa faim, parce que ce dilemme n'est pas totalement creusé.

Une troisième intrigue serpente dans le livre, autour de ce que font Esther et Janina, ainsi que Karl, pour protéger, comme ils le peuvent, les juifs qui les entourent. La pression augmente, au fil des événements. Et chacun se retrouve confronté à un choix : non seulement celui de s'engager, mais celui de savoir jusqu'où l'on va s'engager. Et, pour certains, se pose la question du départ. Karl, lui, fait longtemps le choix de rester, quitte à ce que cela s'accompagne d'une forme de compromission.

Enfin, une quatrième trame apparaît, à la fin du livre, alors que la guerre est finie. Karl est devenu un réfugié, il n'a plus d'argent, presque plus de perspectives, il a pratiquement tout perdu. Il espère retrouver Esther. Et il hante Vienne. Et là, il croise un groupe composé notamment de déportés revenus des camps. Et on assiste à ce spectacle affreux de ces personnes qui ont survécu, mais qui ne s'en remettent pas, ou si difficilement. Il y a une sorte d'errance dans la Vienne de l'immédiat après-guerre, où tout est difficile… surtout d'apprendre à revivre.

Chacun de ces sujets est intéressant en soi. Mais ils ont du mal à trouver leur place dans ce livre, à s'articuler. On a l'impression que l'auteur n'a pas voulu, su, osé… que sais-je… choisir. Et qu'il se fait promener par ses personnages. du coup, je regrette presque que ce livre n'ait pas été en réalité découpé en trois ou quatre livres différents.

En fait, le passage le plus émouvant n'est pas dans le livre, mais dans le « Témoignage » qui suit immédiatement sa fin. L'auteur, là, se livre sur la relation qu'il a entretenu avec ses personnages, et, là, il m'a touché. Vraiment. le souffle que je n'ai pas trouvé dans les 612 pages qui précédaient, je l'ai trouvé là. du coup, je reste avec l'impression que ce jeune auteur – il s'agit d'un premier roman – de 88 ans a voulu trop en mettre…

Et je ne vous parle même pas de ma frustration. En effet, à plusieurs moments, on est mis en appétit, mais paf ! Une ellipse nous prive du développement qu'aurait pu mériter un sujet. Ainsi, juste un exemple : pages 412-413, on trouve l'extrait suivant :

« Notre action n'aurait pu continuer en vas clos, il nous manquait un certain savoir-faire dans l'art des faux papiers. Les communistes étant débordés, nous étions en rapport avec de mystérieuses entités qui j'imaginais sous forme de puissants réseaux alors qu'il s'agissait le plus souvent de cellules aussi petites que la nôtre. Sans le journal de Ruth Andreas-Friedriech, publié juste après la guerre, je n'aurais jamais su qui se cachait derrière le groupe « Onkel Emil » à Steglitz ».

J'étais là, haletant. Je m'attendais à un développement, bref peut être, mais tout de même, sur ce qu'est ce groupe « Onkel Emil », qui n'est évoqué nulle part dans le livre, ni avant, ni après. Mais non. L'auteur a fait preuve d'érudition, il mobilise tout ce qu'il a pu apprendre en 12 ans de recherches sur le sujet. Mais je ne saurai jamais, sauf à aller creuser par moi-même, ce qu'est ce groupe. Je ne vais pas avoir le temps de lire le journal de Ruth Andreas-Friedriech. Et je reste donc là avec ma frustration.

À la fin du livre, je pense avoir compris pourquoi il y a maldonne. En fait, l'auteur le montre bien dans son traitement du glossaire (regroupé à la fin du livre, un traitement qui ne facilite pas la lecture, et que l'on retrouve souvent dans les ouvrages érudits) et en donnant des pages et des pages de bibliographie. Il a fait oeuvre d'historien, et non de romancier. Ce livre est une ouverture sur des mois ou des années de recherche, pour ceux que les sujets abordés intéressent. Mais ce n'est pas dans cette optique que j'ai lu ce livre… Je lisais un essai en croyant lire un roman. J'attendais d'être emporté par un souffle épique alors que c'était un document circonstancié, mais à compléter, qui m'était offert. Alors je ne peux pas dire que ce n'était pas intéressant. Mais ce n'est pas ce que j'attendais…
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Le roman d'une vie. À plus de 80 ans, Jean Octeau fait paraître son premier roman. Fruit de longues recherches, accompagné d'une bibliographie impressionnante, de notices biographiques et d'un lexique, cet épais volume se lit toutefois sans peine. Car l'auteur a trouvé l'angle idéal pour faire revivre un épisode trop peu exploré de la Seconde Guerre mondiale : le trafic à grande échelle des oeuvres d'art.
Il aura aussi trouvé le narrateur idéal en la personne de Karl Schuster, un jeune Roumain qui, dans l'Europe des années folles, donne des conférences dans les musées et commente avec verve autant que par goût de la provocation les oeuvres accrochées aux cimaises.
Au début du livre, il quitte Berlin pour retrouver ses parents dans sa Transylvanie natale. Un voyage lui permettant d'évoquer sa jeunesse, d'esquisser le portrait de ses père et mère et de rencontrer Esther, une jeune fille dont il tombe quasi instantanément amoureux.
Seulement voilà, à l'époque de la crise de 1929 et de la montée des périls, s'engager une histoire d'amour dans un pays qui fait l'objet de convoitises, avec une juive de surcroît, n'est pas une sinécure.
Au fur et à mesure que le parti national-socialiste installe son discours nauséabond et que les exactions anti-juives prennent de l'ampleur, Karl va devoir louvoyer pour continuer à voyager à travers l'Europe tout en essayant de protéger Esther.
Avec l'aplomb de sa jeunesse et l'idéalisme qui mène son combat, il va même parvenir à mener double jeu pendant la Seconde Guerre mondiale. Parmi les rencontres qui vont l'aider, une autre femme va jouer un rôle déterminant : Janina.
Fouillant les dossiers, recoupant les informations et secouant son protégé, elle va jouer le rôle alors assez répandu d'agent double, et offrir à Karl les renseignements lui permettant de pister les tableaux volés. Un sorte de Monuments Men à lui tout seul.
Mais là où le film de George Clooney adapte la réalité à la sauce hollywoodienne, Jean Octeau fait oeuvre d'historien et replace le combat pour les oeuvres d'art dans le vrai contexte. S'il confirme le rôle de Rose Valland, cette employée du musée parisien du Jeu de Paume qui a tenu au péril de sa vie le registre des oeuvres volées en France, et qu'il rencontre à Paris, il ne fait pas grand cas des autres protagonistes.
En revanche, sa visite dans la mine proche du lac d'Altaussee lui apportera l'éclatante confirmation que son combat n'aura pas été vain. Des découvertes qui sont pourtant loin de le sauver. Quand la tenaille se resserre, il comprend que d'une part l'armée soviétique ne lui fera pas de cadeaux, que son père qui fournissait l'armée allemande en vin, et sa famille sont également menacés. de l'autre côté, les alliés le suspecteront également d'être à la solde des nazis. Il lui faudra alors tenter de justifier son action, ses voyages, ses relations.
«En trois jours, tout allait chavirer. Dimanche Hambourg était bombardée. La ville subissait le même sort que Cologne et Essen, la guerre continuait, rien de nouveau sauf une obscure appréhension. Mercredi, d'un seul coup, l'horreur frappe là-bas, un ouragan de feu dévaste tout sur son passage, aspire l'oxygène des abris, fait fondre l'asphalte des rues, laissant des dizaines de milliers de morts.»
Autour de lui, tout s'effondre. La mort rôde. L'issue fatale est proche. Doit-il croire le cynisme des nazis et leurs mauvais augures : «Réjouissez-vous de la guerre, car la paix sera épouvantable.» Une fois encore, avec l'aide des femmes, il va pourtant réussir à s'en sortir, alors que le crépuscule des dieux recouvre l'Allemagne.
Aussi poignant que documenté, ce récit éclaire d'un jour nouveau cette sombre période de l'Histoire. Un moment où faire un choix n'était pas chose aisée. Un premier roman qui est aussi un grand livre !
Lien : https://collectiondelivres.w..
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Tout d'abord j'ai cru à un gag. "Jean Octeau" ? Orphée serait revenu des Enfers en perdant son initiale ? Ensuite j'ai cru à une erreur d'impression. "Né en 1928" ? J'avais tout faux ! Jean Octeau a bien publié ce premier roman à 88 ans après l'avoir mûri pendant douze ans ! Forcément cela inspire un certain respect pour cette première oeuvre, qui ne fait pas partie de la "sélection officielle" des 68 premières fois mais qui voyage malgré tout...
A vrai dire, j'ai eu un peu de mal à me passionner pour cette histoire qui s'étale sur plus de vingt ans et qui englobe la montée du nazisme, la seconde guerre mondiale et le début de la reconstruction des pays comme des êtres. le point de vue adopté est celui de Karl Schuster, critique d'art d'origine roumaine, qui vit entre Vienne et Berlin, est amené à voyager à travers l'Europe en guerre et à "limiter les dégâts" au risque de se compromettre avec les nazis. Esther et Janina, les femmes qu'il rencontre et avec lesquelles il vit de grandes histoires d'amour, se mettent au service des plus menacés et résistent chacune à leur manière. En protégeant Sarah-Léna et en essayant de lui rendre un souffle vital, à la fin de la guerre, Karl cherche une sorte de rédemption, lui qui n'a pu sauver celles qu'il aimait.
Le souffle... voilà probablement ce qui me semble manquer à ce long, trop long roman. La passion entre Esther et Karl, le danger permanent qui menace les personnages, les alliances pernicieuses à nouer avec les nazis, tout est raconté de manière neutre, sans envolées romanesques, sans que l'on sente véritablement le nerf et les tensions qui devraient irriguer cette histoire. Seule le dernier quart du livre prend une dimension plus vibrante, avec l'évocation du courage des femmes de Berlin et avec le lent retour à la vie de Léna et laisse entrevoir ce qu'aurait pu être ce premier roman, tiraillé entre le besoin d'être exhaustif d'un point de vue documentaire et empoignant d'un point de vue dramatique.
Bon, je m'y risque même si c'est un très mauvais jeu de mots, mais les tilleuls auraient eu grand besoin d'être élagués !
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Malheureusement pour moi, ce livre n'a pas été du tout à la hauteur de mes attentes. Lorsque j'ai lu le synopsis, j'étais emballée, l'histoire se passe sous la seconde guerre mondiale principalement, une histoire ou des histoires d'amour contrariées, une quête de vérité, tous ces ingrédients me donnaient l'eau à la bouche.

J'ai donc commencé ma lecture de façon très enthousiaste et puis après une trentaine de pages, je bloque. Je ne peux pas dire que je m'ennuie, mais je n'arrive pas à me faire au style de l'auteur. Je laisse donc passer un peu de temps et je décide cette fois-ci de me dire qu'il faut que je persévère.

Mais c'est malheureusement encore un échec, je n'aurai jamais dépassé la 153ième page. le temps de découvrir qui est Janina.

Je suis bien consciente de ne pas avoir dépassé le premier tiers de ce roman et voici ce que j'ai ressenti durant toute ma courte lecture. J'ai eu l'impression que l'auteur manquait terriblement de recul sur son histoire. Jean Octeau était tellement pressé d'écrire qu'on ne prenait pas le temps de s'arrêter même quelques lignes par les paysages, les décors, sur les personnages eux mêmes. J'avais vraiment l'impression d'avoir une histoire en accéléré centralisée sur des personnages avec en toile de fond un flou artistique complet, une voile, un floutage délibéré. Vous me direz que 568 pages c'est déjà beaucoup et que si on avait fait apparaitre le paysage, le livre aurait été trop imposant pour le public ? Et bien je pense que beaucoup de passages auraient pu être supprimés au profit du décor.

De plus, j'ai également eu l'impression que les paragraphes étaient décousus donnant l'impression que le personnage principal Karl était en plein délire psychotique, lui non plus n'a jamais le temps de prendre le temps. Même sa relation amoureuse avec Esther semble bâclée, saccadée, vouée à l'échec.

L'écriture de ce roman fait qu'il est assez angoissant à lire.

Le seul moment calme, c'est lorsque l'on se retrouve sous les tilleuls, le temps s'arrête, le parfum nous envahit, laissant vagabonder notre esprit au delà des lignes. On se sent bien, serein, en paix comme le sont les personnages en dessous la ramure de ces arbres.

J'ai donc survolé totalement ce livre, ne trouvant pas d'attaches ni dans les personnages, ni dans l'histoire. Même si Karl est critique d'art, il ne met pas plus de passion dans ses critiques que l'auteur n'en a mit dans ses mots. L'ensemble est malheureusement fade et les pages s'oublient aussi rapidement qu'elles glissent entre les doigts.

C'est vraiment dommage de quitter ce livre, j'aurai juste voulu savoir ce que sont devenus ces magnifiques tilleuls lorsque Berlin sera en ruine ? Car ces arbres sont sûrement les seuls personnages qui ont été travaillés de façon à réapparaitre fleuris chaque année et nous faire oublier le vide de l'année écoulée par le narrateur.

Je vois bien que je suis sévère, je m'en vois navrée, j'espère que j'aurai assez étayé à vos yeux pourquoi, je n'ai pas apprécié ma lecture.

Lien : http://exulire.blogspot.fr/2..
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J'avais l'habitude de lire des romans policiers à l'intrigue prenante et j'ai eu envie de lire ce roman d'amour qui avait fait l'objet d'une critique très élogieuse à la télé.
Surprise! Ce roman me tient en haleine jusqu'à la dernière page. Les situations imprévues et les rebondissements apportent à l'histoire un rythme haletant. le fait de mêler des personnages historiques aux personnages imaginaires rend le récit plus réaliste et fait ressortir les émotions et les passions.
Belle réussite!
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critiques presse (1)
Telerama
03 août 2016
Dans ce premier roman de Jean Octeau, né en 1928, le côté romanesque puise dans la grande histoire.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
La vallée remontait vers le nord jusqu’à Yasinya dans une région reculée de l’Europe que les pays voisins avaient réclamée à travers l’histoire sans vraiment savoir ce qu’ils en feraient. J’entrais dans un royaume aux contours incertains où la beauté du paysage rendait vain l’effort de choisir un nom entre la Transcarpatie des géographes et la Ruthénie des ethnologues.
Vu le mauvais état de la chaussée, je décidai de filer d’une traite. Pourquoi me suis-je arrêté ? Peut-être parce que la porte de mon imagination était ouverte aux fantasmes esthétiques de mon métier. Ici tout était noir : Chorna Gora, la montagne, Chorna Tysa, la rivière. Je réfléchissais à la perception des couleurs quand je remarquai un chemin de charrette menant à un pont en bois. Après avoir rangé la voiture, je me penchai vers l’amont où l’eau reflétait les pentes verdoyantes, puis vers l’aval où la rivière élargie passait du vert au bleu. Appuyé au parapet pour apprécier la subtilité de ces nuances, je surpris tout à coup un spectacle qui relança mon éternel combat avec l’illusion.
Elle est debout dans la rivière, l’eau à mi-cuisse, moulée dans la chemise blanche que portent sous leurs vêtements les femmes de la région. D’un geste souple qui arrondit ses hanches, elle brosse un cheval, elle plonge plusieurs fois, laissant flotter à la surface de l’eau l’éventail de sa longue chevelure noire. Ébloui par le miroitement de la Tysa sous le soleil, je n’ose pas détourner le regard de peur que la fée ne disparaisse dans un souffle de vent.
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Ma fée des rivières dut être surprise de voir avec quelle exaltation je reprenais le fil de mes sentiments depuis le jour où elle était entrée dans mon existence. Je terminais sur un vœu qui me tenait à cœur : « Dans tout ce que tu entreprends, n’oublie jamais qu’il y aurait un vide insupportable dans ma vie s’il t’arrivait malheur. »
Le mois suivant, le courrier de Joël contenait l’enveloppe bleue que j’attendais avec tant d’impatience. Esther blâmait mon manque d’intuition : « Tu crois être le seul à garder intact l’amour que nous avons éprouvé. Mais avec toi, j’ai découvert la femme que j’aurais pu être si je n’avais pas suivi ma voie. Je mène une double vie, je t’assure. Je m’abandonne parfois à cette existence d’un autre moi et je m’imagine dans un appartement joliment meublé. Tu es à mes côtés, je me prête à ton regard, à ta voix, et nous échangeons les paroles banales de tous les jours. Il y a quelque temps, je ne sais trop quel détail infime m’a rappelé un moment que nous avions vécu ensemble. J’étais assise, tu mettais ta main sur mon épaule, tes doigts glissaient doucement dans mon cou. J’ai fermé les yeux, je frissonnais, j’aurais juré que tu étais là, près de moi, j’ai été obligée de me secouer pour retourner à mon travail. »
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Tête bien droite sur un corps raide, l’ami Rudolf devait être très fier des runes SS sur le col de sa veste. Derrière sa prétendue virilité, je soupçonnais une faille, je tenais là l’homme dont j’avais besoin : « Rudolf, si vous n’avez pas trouvé à vous loger, je vous offre l’hospitalité. Dès la fin de votre internat à l’hôpital de Lichterfelde, mon appartement vous est ouvert. »
Je préparais la voie au seul crime que j’allais commettre dans mon existence. Il faut croire que cela faisait partie des effets indésirables que Zeliński m’avait signalés, mais j’étais dans la force de l’âge, je me sentais d’attaque, ce que je voyais autour de moi m’ôtait le moindre scrupule. J’avais mis le doigt dans l’engrenage – le mal par le mal.
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Au lieu de résister comme je le prétendait, je ne faisais que tourner autour d'Esther. Un papillon, voilà ce que j'étais, parce qu'ici, j'affrontais une passion, je me brûlais à une flamme.
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Le tilleul est le poète du crépuscule, il a choisi un papillon de nuit, le sphinx, pour porter le message de ses amours.

Le soleil se couchait, un prodigieux rut végétal était sur le point d’exploser. Au creux des corolles gorgées de nectar, les étamines se raidissaient, annonçant l’éternel retour de la vie.
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