Tu suis un chemin …
Tu suis un chemin, en parallèle, entre deux nuages. Il n’est jamais loin et semble te regarder du coin de l’œil. Entre chaque miette de bitume, il zigzague insaisissable comme une abeille, te titille les neurones jusqu’à plus soif. Tu écoutes son souffle à travers chaque particule de vent, afin de démêler cette apparence brutale et percer au jour sa fragilité. Sa force aussi.
Je me suis assise sur un rocher face à la mer. Le soleil et une petite brise sur le visage. J’ai regardé la mer et j’ai commencé à dessiner des mots en pensée. Ils avaient la forme d’une île, chaque syllabe le grain de sable d’une plage encore déserte. Ils avaient le bruit léger des vagues, un froissement d’ailes dans le bleu.
ÎLE MUETTE, II
Extrait 1
Elle se balance dans la brume comme un hochet d’enfant
ou comme dans son rocking-chair une vieille tricotant
maille après maille ses souvenirs pour mieux les retenir.
Elle se balance dans le silence d’un bateau fantôme.
Tangue comme une bouteille à la mer. Sans message
à l’intérieur. Sans mot ni secret. L’île. L’île en moi est
muette.
Il pleut sur l’île une musique d’herbe…
Il pleut sur l’île une musique d’herbe.
Un duvet de mélancolie se dépose sur
chaque fleur. Le parfum des roses en est
légèrement étouffé. Dans la chambre
l’ombre se déshabille et sa peau frisonne.
Nue comme au premier jour. Elle se glisse
dans les draps et m’étreint comme un
essaim d’abeilles.
Dans la pluie flottent une odeur de marée…
Dans la pluie flottent une odeur de marée
et le rire d’un enfant. L’île se prend à rêver
de neige. Pour sa pureté. Pour l’oubli. Pour
ne plus entendre gémir la mer. Son visage
rugueux porte un masque d’écorce et de
lierre. Je m’enduis le corps d’humus et de
sève.
Dans le cadre du projet "Hair in the Wind", en soutien aux femmes d'Iran, proposé par l'artiste Antje Stehn, Lydia Padellec lit son poème "Cri incandescent des femmes debout".