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« Le conservateur déroule le châle devant moi, sur une table de la réserve. Il n'a pas d'odeur, sauf peut-être un léger badigeon de renfermé, une teinte nouvelle du temps arrêté aux narines, mais il a gardé la trace des plis, les plis que faisait ma tante Nella en le rangeant dans sa boîte. Je retrouve les taches, les petits trous dans ce tricot très fin, à des endroits plus fin qu'à d'autres, les endroits d'habitudes, les endroits usés, les endroits de contact avec nos peaux à toutes les deux, nos peaux consanguines. »

Ainsi débute ce petit livre et toute la suite est concentrée dans ce début. Nous partons de la découverte d'un châle rare, en soie de mer, remis au Musée des Confluences de Lyon par la narratrice, nièce de Nella, qui va en se dépliant faire renaître une histoire d'amour et de haîne entre un frère et une soeur dont la narratrice nous dit : « Je n'ai jamais su du début à la fin de leur relation, ce qu'il y avait d'amour, à la limite de l'inceste, ou de haine, à la limite de l'inceste aussi, parce que haïr aussi fort son frère, sa soeur, haïr au point de livrer une guerre, de brouiller et séparer toute la famille, haïr si fort qu'on en tremble, je crois que c'est de l'inceste. »

C'est un livre écrit à fleur de peau, brûlant de sensualité qui dit la vie des deux soeurs Nella et Bice isolées dans la maison familiale de Stellanello en Ligurie dont le frère, chef d'entreprise, dominateur, leur a laissé la jouissance. Lui, a hérité de tous les biens et a fondé une famille.

Nella est une rebelle qui tient tête à son père et à son frère, qui aime courir les bois non pour leur ombre mais « pour la lumière au contraire, piégée par la fente des frondaisons (…) apercevoir par les trouées,… La lumière à travers. » comme à travers les trames du châle lorsqu'éclairé il perdait son aspect terne et redevenait chatoyant.

Ce châle lui fait retrouver toute sa féminité quand elle le déploie, c'est son bien le plus précieux qu'elle lèguera à sa nièce :

« Nella n'avait aucun sens des usages, elle lâchait ses cheveux qui tombaient défaits et longs, à peine brossés, sur ses épaules, son torse et son dos, comme les cheveux du châle, lorsqu'elle s'en revêtait en cachette, les mèches de byssus à peine retenus par le galon, chavirant ambrés sur sa peau un peu boucanée et desséchée parce que trop souvent découverte. »

Je sors de cette lecture avec l'impression d'avoir vécue une grande aventure. Ce petit livre m'a fait découvrir l'existence de la soie de mer, et ma curiosité (en tapant soie de mer sur google) m'a menée en Sardaigne où une femme, Charia Vigo, initiée par sa grand-mère, est la seule artiste qui utilise encore la soie marine comme fil de broderie. L'histoire du livre se prolonge et s'enrichit de celle de Charia
Allez faire sa connaissance ici : http://www.sardolog.com/bisso/france/index.htm

Et puis visionnez ici : http://www.museedesconfluences.fr/fr/en-cheveux-emmanuelle-pagano , plutôt après avoir lu ce beau petit livre, la vidéo où Emmanuelle Pagano, alors résidente à la villa Médicis, nous raconte les « hasards » qui l'on conduite à écrire cette histoire qui vient enrichir la nouvelle collection des Editions Invenit, « Récits et Objets » créée en collaboration avec le Musée des Confluences de Lyon qui doit ouvrir ses portes le 20 décembre prochain.
Ce petit livre, peu onéreux, beau par son aspect et son contenu peut faire un cadeau plein de richesses.

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La collection Récits d'objets qui existe depuis la création du Musée des confluences en 2014 propose à des écrivains de s'emparer d'un objet parmi les plus de deux millions que compte le musée pour en faire oeuvre de fiction.
A ce jour, la collection dirigée par Dominique Tourte (Invenit) et Cédric Lesec (musée des Confluences) est composée de huit ouvrages, écrits notamment par Jean-Bernard Pouy, Philippe Forest, Valérie Rouzeau, Olivia Rosenthal ( atour des momies de chats du musée)
Parmi eux, la romancière Emmanuelle Pagano, l'auteur notamment d'une « Trilogie des rives" paru chez POL, a imaginé de sa plume poétique un joli récit autour d'un châle italien, datant du 19è siècle et qu'elle a retrouvé dans la réserve du Musée. Un texte court mais sensuel
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Un petit livre à l'écriture aussi fine que de la soie marine. Autour d'un objet, un châle de soie marine ayant appartenu à sa tante et désormais au musée, la narratrice raconte son père et sa famille, le patriarcat italien et le fascisme.

Un bijou de délicatesse finement tissé
Lien : https://www.noid.ch/en-cheve..
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Voici un livre que je n'attendais pas. Il était sur le présentoir des nouveautés. Ce qui m'a attiré c'est son format presque carré comme les livres des Editions Wespieser. La couverture avec une illustration de femme de dos : une chevelure flamboyante et un dos nu criblé de taches de rousseurs. le titre : "En cheveux", emblématique.
Et puis une citation en quatrième de couverture : "Il faut pêcher deux mille nacres, les sortir de l'ombre, pour obtenir deux cent cinquante grammes de fil de soie de mer, deux cent cinquante grammes seulement de lumière avec un millier de gros coquillages."

Cela a suffit à m'intriguer et à lire ce livre. Et c'est une agréable surprise. C'est bien écrit, sensuel, avec deux portraits de femmes et un portrait d'homme auxquels on s'attache. Une fratrie où tous les sentiments sont exacerbés surtout l'amour et la haine cristallisés autour d'un châle en soie de mer. La narratrice est une femme, la nièce des deux femmes et la fille de leur frère. Elle vient revoir le châle qu'elle a donné à un musée celui-là même que sa tante avait substitué à son frère pour lui remettre.

Un bon moment de lecture avec ce court roman.
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Voici un livre dont la genèse diffère de mes lectures habituelles. le musée des Confluences de Lyon et les éditions Invenit nous font découvrir un objet du musée à travers la plume d'un auteur. Ce n'est pas une description technique ou historique car Emmanuelle Pagano autour de ce châle a tissé une histoire. Ce châle ancien dont " il faut pêcher mille grandes nacres, les sortir de l'ombre, pour obtenir deux cent cinquante grammes de fil de soie de mer, deux cent cinquante grammes seulement de lumière avec un millier de gros coquillages", elle l'attribue à une famille italienne. Un frère autoritaire et ses deux soeurs.

Lui s'est marié et a eu une fille qui est la narratrice. Ses soeurs sont restées célibataires. Nella la cadette refusant d'obéir aux règles et notamment à celles du mariage. Rebelle, elle rejette les ordres ou les idées de son frère, s'habille comme elle l'entend (elle porte des pantalons) et aime se promener dans les bois. Cheveux roux aux vents et le châle sur les épaules. Elle habite avec sa soeur aînée Bice dans la maison familiale qui appartient à leur frère. Toutes les deux n'ont rien reçu comme héritage à la mort des parents car seuls les hommes héritent. Et ce frère possessif, machiste ne les aident pas ou si peu "les deux soeurs descendaient dans la fraîcheur de la cave pour survivre."La relation entre Nella et son frère a une autre facette où l'amour se mêle à l'orgueil.

la suite sur : http://claraetlesmots.blogspot.fr/2014/12/emmanuelle-pagano-en-cheveux.html
Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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...."Mon père était un macho, une caricature. Il répétait j'aime ma fille, je pense à elle, elle aura quelque chose, mais elle n'héritera pas, parce que c'est une fille. Il m'aimait, oui, comme un père aime sa fille, souvent plus que son garçon, mais il ne m'aimait pas autant qu'il aurait pu."

L'héritage repose sur un bout de tissu, un châle précieux car "[il] faut pêcher mille grandes nacres, les sortir de l'ombre, pour obtenir deux cent cinquante grammes de fil de soie de mer, deux cent cinquante grammes seulement de lumière avec un millier de gros coquillages".

La singularité du châle ne repose pas seulement sur la richesse de son matériau, la Pinna nobilis, la grande nacre de Méditerranée. C'est le seul objet dérobé au père que la narratrice tente de dénouer pour nous livrer les mystères du tissage.Un père qui aimait sa soeur Nella comme sa propre fille, la narratrice. Nella ne souhaite pas que la tradition misogyne se perpétue, elle faisait de ce désaccord un combat social, un combat féministe.

Le châle comme un vêtement de femme, défendue par Nella, celle qui s'habillait en pantalons et prônait l'égalité des sexes, n'est pas un objet de séduction féminin. Il est le symbole de la féminité, le balancier des pleins et des creux féminins dans sa rareté et sa préciosité.La bouche qu'on enterre qui ne doit que se taire en terre fasciste italienne, l'hypocrisie offerte au père.Un corps qui s'efface sous le châle.

La femme n'est pas absente sous les traits de Nella, elle est libre, en fragile équilibre au nom de toutes celles qui n'ont pas pu se délier.

Le fil se dénoue au fil des pages pour murmurer au lecteur l'histoire familiale sous l'Italie fasciste. La figure paternelle impressionnante dans son ardeur à défendre les idées fascistes qui garde son ascendant sur toute chose et sur tout le monde auquel seule Nella tient tête.
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A l'occasion de l'ouverture du Musée des Confluences, celui-ci s'est allié aux éditions invenit pour lancer une collection de quatre petits livres, où, partant de quatre objets du musée, quatre auteurs écrivent un texte.

Emmanuelle Pagano parle d'un carré de soie - une soie un peu particulière, la soie de mer - dont la photo orne l'entrée du livre. Comme avec une vieille photo, à partir d'un objet, on peut écrire une histoire, créer une ambiance, retrouver des personnages.

A partir de ce carré de soie qu'elle a donné à un musée, la narratrice se remémore sa tante Nella, enfant puis jeune femme fantasque, vieille femme étrange, toujours rebelle, rejetant les conventions et les compromis dans une famille italienne fasciste, Elle vit une relation complexe faite d'amour passion et de haine rejetante avec son frère beaucoup plus âgé qu'elle, fasciné et horrifié à la fois par les choix de sa soeur.

Cela, donne une belle ambiance à ce récit écrit d'une plume poétique à la fois douce et intransigeante. Il révèle plus d'attachement au personnage qu'à l'objet de départ de l'oeuvre, et j'ai regretté que cet aspect n'ait pas été plus creusé. On apprend des choses intéressantes sur la soie de mer, dont je ne connaissais pas l'existence, mais le lien avec l'histoire est finalement assez léger. Il n'en demeure pas moins que la tante Nella fascine avec ses promenades en forêt, ses récoltes et accumulations d'objets inutiles, qui sont autant de clins d'oeils aux cabinets de curiosité mis en avant dans le musée. On aurait sans doute aimé en savoir un peu plus sur elle.

N'ayant ni tablette, ni smartphone, je n'ai pas pu bénéficier de la Réalité Augmentée proposée en parallèle à la lecture et l'ai profondément regretté. Mais quand on choisit de vivre dans une caverne, on l'assume
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L'histoire d'une famille à travers un objet, un châle en soie de mer. Cet objet est arrivé entre les mains d'une jeune femme à qui sa tante l'a donné. Il est le symbole de sa résistance à son frère et aux convenances d'une époque auxquelles elle refusait de se soumettre dans l'Italie Fasciste. Une belle histoire sur la résistance aux pressions sociales et sur le statu des femmes dans la société italiennes des années 30-40.
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Voici le portrait d'une femme indépendante dans l'Italie fasciste, refusant de se marier, préférant marcher aux alentours de la propriété familiale. Refusant de s'habiller et de paraître en société, préférant les bains dans le lac, nue sous la lune. Refusant d'attacher ses cheveux comme le lui demande son frère.

Voici l'histoire d'une guerre larvée entre un frère et sa petite soeur qui s'adoraient étant enfants mais que l'âge adulte et les conventions sociales ont séparées.

Un bémol toutefois. le point de départ est ce fameux châle que le père d la narratrice cache au fond d'une malle pour ne pas que sa soeur cadette le trouve ni le vende. Or, il en est très peu question tout au long du récit. Il n'est que le symbole matériel de la désunion du frère et de la soeur.

L'image que je retiendrai :

Celle du châle de soie de mer, exposé au tout nouveau Musée des Confluences à Lyon.
Lien : http://alexmotamots.wordpres..
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Première lecture de la collection "récits d'objets" issue du partenariat des éditions Invenit et du musées des confluences, c'est une belle découverte.

Au premier abord, on ne sait pas trop à quoi s'attendre. Tout part d'un châle. Un châle, héritage de famille, témoin d'une époque sombre en Italie fasciste....

Quand la narratrice se rend au musée, où est conservé le fameux châle familial c'est toute une trame d'histoire qui se tisse, parfois même s'effiloche, pour nous livrer les souvenirs douloureux d'une famille torturée et torturante.

Un récit touchant et sans fausses notes.
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