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EAN : 9782918698692
76 pages
Editions Invenit (14/11/2014)
3.48/5   22 notes
Résumé :
« Il faut pêcher mille grandes nacres, les sortir de l’ombre, pour obtenir deux cent cinquante grammes de fil de soie de mer, deux cent cinquante grammes seulement
de lumière avec un millier de gros coquillages. »
Un châle, à première vue commun s’il n’était constitué de fils de Pinna nobilis, la grande nacre de Méditerranée. Lorsqu’elle retrouve l‘objet précieusement conservé dans les réserves du musée, les souvenirs reviennent à la narratrice. Se dépl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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« Le conservateur déroule le châle devant moi, sur une table de la réserve. Il n'a pas d'odeur, sauf peut-être un léger badigeon de renfermé, une teinte nouvelle du temps arrêté aux narines, mais il a gardé la trace des plis, les plis que faisait ma tante Nella en le rangeant dans sa boîte. Je retrouve les taches, les petits trous dans ce tricot très fin, à des endroits plus fin qu'à d'autres, les endroits d'habitudes, les endroits usés, les endroits de contact avec nos peaux à toutes les deux, nos peaux consanguines. »

Ainsi débute ce petit livre et toute la suite est concentrée dans ce début. Nous partons de la découverte d'un châle rare, en soie de mer, remis au Musée des Confluences de Lyon par la narratrice, nièce de Nella, qui va en se dépliant faire renaître une histoire d'amour et de haîne entre un frère et une soeur dont la narratrice nous dit : « Je n'ai jamais su du début à la fin de leur relation, ce qu'il y avait d'amour, à la limite de l'inceste, ou de haine, à la limite de l'inceste aussi, parce que haïr aussi fort son frère, sa soeur, haïr au point de livrer une guerre, de brouiller et séparer toute la famille, haïr si fort qu'on en tremble, je crois que c'est de l'inceste. »

C'est un livre écrit à fleur de peau, brûlant de sensualité qui dit la vie des deux soeurs Nella et Bice isolées dans la maison familiale de Stellanello en Ligurie dont le frère, chef d'entreprise, dominateur, leur a laissé la jouissance. Lui, a hérité de tous les biens et a fondé une famille.

Nella est une rebelle qui tient tête à son père et à son frère, qui aime courir les bois non pour leur ombre mais « pour la lumière au contraire, piégée par la fente des frondaisons (…) apercevoir par les trouées,… La lumière à travers. » comme à travers les trames du châle lorsqu'éclairé il perdait son aspect terne et redevenait chatoyant.

Ce châle lui fait retrouver toute sa féminité quand elle le déploie, c'est son bien le plus précieux qu'elle lèguera à sa nièce :

« Nella n'avait aucun sens des usages, elle lâchait ses cheveux qui tombaient défaits et longs, à peine brossés, sur ses épaules, son torse et son dos, comme les cheveux du châle, lorsqu'elle s'en revêtait en cachette, les mèches de byssus à peine retenus par le galon, chavirant ambrés sur sa peau un peu boucanée et desséchée parce que trop souvent découverte. »

Je sors de cette lecture avec l'impression d'avoir vécue une grande aventure. Ce petit livre m'a fait découvrir l'existence de la soie de mer, et ma curiosité (en tapant soie de mer sur google) m'a menée en Sardaigne où une femme, Charia Vigo, initiée par sa grand-mère, est la seule artiste qui utilise encore la soie marine comme fil de broderie. L'histoire du livre se prolonge et s'enrichit de celle de Charia
Allez faire sa connaissance ici : http://www.sardolog.com/bisso/france/index.htm

Et puis visionnez ici : http://www.museedesconfluences.fr/fr/en-cheveux-emmanuelle-pagano , plutôt après avoir lu ce beau petit livre, la vidéo où Emmanuelle Pagano, alors résidente à la villa Médicis, nous raconte les « hasards » qui l'on conduite à écrire cette histoire qui vient enrichir la nouvelle collection des Editions Invenit, « Récits et Objets » créée en collaboration avec le Musée des Confluences de Lyon qui doit ouvrir ses portes le 20 décembre prochain.
Ce petit livre, peu onéreux, beau par son aspect et son contenu peut faire un cadeau plein de richesses.

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La collection Récits d'objets qui existe depuis la création du Musée des confluences en 2014 propose à des écrivains de s'emparer d'un objet parmi les plus de deux millions que compte le musée pour en faire oeuvre de fiction.
A ce jour, la collection dirigée par Dominique Tourte (Invenit) et Cédric Lesec (musée des Confluences) est composée de huit ouvrages, écrits notamment par Jean-Bernard Pouy, Philippe Forest, Valérie Rouzeau, Olivia Rosenthal ( atour des momies de chats du musée)
Parmi eux, la romancière Emmanuelle Pagano, l'auteur notamment d'une « Trilogie des rives" paru chez POL, a imaginé de sa plume poétique un joli récit autour d'un châle italien, datant du 19è siècle et qu'elle a retrouvé dans la réserve du Musée. Un texte court mais sensuel
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Voici un livre que je n'attendais pas. Il était sur le présentoir des nouveautés. Ce qui m'a attiré c'est son format presque carré comme les livres des Editions Wespieser. La couverture avec une illustration de femme de dos : une chevelure flamboyante et un dos nu criblé de taches de rousseurs. le titre : "En cheveux", emblématique.
Et puis une citation en quatrième de couverture : "Il faut pêcher deux mille nacres, les sortir de l'ombre, pour obtenir deux cent cinquante grammes de fil de soie de mer, deux cent cinquante grammes seulement de lumière avec un millier de gros coquillages."

Cela a suffit à m'intriguer et à lire ce livre. Et c'est une agréable surprise. C'est bien écrit, sensuel, avec deux portraits de femmes et un portrait d'homme auxquels on s'attache. Une fratrie où tous les sentiments sont exacerbés surtout l'amour et la haine cristallisés autour d'un châle en soie de mer. La narratrice est une femme, la nièce des deux femmes et la fille de leur frère. Elle vient revoir le châle qu'elle a donné à un musée celui-là même que sa tante avait substitué à son frère pour lui remettre.

Un bon moment de lecture avec ce court roman.
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Deuxième livre, après « L'enfant fossile », dans la série « récits d'objets » initiée par le Musée des Confluences de Lyon.

Cette fois, l'«  objet » est un châle, doux et mordoré, frangé sur les quatre côtés et venu d'Italie, probablement fin XIX ème. Sa particularité est d'être fait de « soie de mer  tricotée », une matière si rare qu'il n'existe qu'une soixantaine d'articles (gants, bonnets, étoles) qui en soient constitués dans le monde entier. Destinés à des gens riches, ecclésiastiques ou nobles, il figurent aujourd'hui dans les musées comme celui de Lyon, sagement rangés dans des tubes cylindriques quand il s'agit de ce châle, à l'abri de la lumière, des regards et du moindre contact avec les mains.

C'est la narratrice qui a donné le châle au musée et qui raconte aujourd'hui tout une vie dont il a été témoin. Et d'abord elle raconte avec tous les détails la fabrication de ce tissu si rare et étonnant à partir de fils de Pinna nobilis, ce mollusque bivalve qu'on trouve dans la Méditerranée.

« Il faut pêcher mille grands nacres, les sortir de l'ombre, pour obtenir deux cent cinquante grammes de fil de soie de mer, deux cent cinquante grammes seulement de lumière avec un millier de gros coquillages .»

Ce châle fait partie de l'héritage de la famille, caché dans des malles avec tous les objets de valeur, retourné à l'ombre par la volonté du père de la narratrice dans la maison où il « autorise » ses deux soeurs à vivre dans la gêne avec pour tout moyen de survivre de vendre les objets à des antiquaires. Tous, sauf le châle, ornement féminin qui pour cette raison doit rester entre les mains des femmes, les deux soeurs, la douce Bice et la rebelle Nella. Deux portraits de femmes, l'une soumise au moins en apparence, l'autre qui se coupe les cheveux, refuse le mariage et porte des pantalons pour résister à son machiste de frère, politicien fasciste aux grandes heures mussoliniennes.

Le châle, doux et résistant, précieux et en apparence malléable, représente assez bien la condition féminine en ces temps où une femme n'avait à peu près aucun droit personnel, placées sous le contrôle des pères, des frères, des maris.

Un livre bien écrit, avec délicatesse et poésie, sans concession toutefois ni féminisme exacerbé. Une lecture agréable et intéressante.

On attend avec intérêt les prochains »objets »du musée qui donneront lieu à de nouveaux textes.
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...."Mon père était un macho, une caricature. Il répétait j'aime ma fille, je pense à elle, elle aura quelque chose, mais elle n'héritera pas, parce que c'est une fille. Il m'aimait, oui, comme un père aime sa fille, souvent plus que son garçon, mais il ne m'aimait pas autant qu'il aurait pu."

L'héritage repose sur un bout de tissu, un châle précieux car "[il] faut pêcher mille grandes nacres, les sortir de l'ombre, pour obtenir deux cent cinquante grammes de fil de soie de mer, deux cent cinquante grammes seulement de lumière avec un millier de gros coquillages".

La singularité du châle ne repose pas seulement sur la richesse de son matériau, la Pinna nobilis, la grande nacre de Méditerranée. C'est le seul objet dérobé au père que la narratrice tente de dénouer pour nous livrer les mystères du tissage.Un père qui aimait sa soeur Nella comme sa propre fille, la narratrice. Nella ne souhaite pas que la tradition misogyne se perpétue, elle faisait de ce désaccord un combat social, un combat féministe.

Le châle comme un vêtement de femme, défendue par Nella, celle qui s'habillait en pantalons et prônait l'égalité des sexes, n'est pas un objet de séduction féminin. Il est le symbole de la féminité, le balancier des pleins et des creux féminins dans sa rareté et sa préciosité.La bouche qu'on enterre qui ne doit que se taire en terre fasciste italienne, l'hypocrisie offerte au père.Un corps qui s'efface sous le châle.

La femme n'est pas absente sous les traits de Nella, elle est libre, en fragile équilibre au nom de toutes celles qui n'ont pas pu se délier.

Le fil se dénoue au fil des pages pour murmurer au lecteur l'histoire familiale sous l'Italie fasciste. La figure paternelle impressionnante dans son ardeur à défendre les idées fascistes qui garde son ascendant sur toute chose et sur tout le monde auquel seule Nella tient tête.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Je crois qu'elle aimait les bois pour la même raison de transparence contrariée, de luminosité en alternance, je crois que ce qu'elle aimait dans les bois, ce n'était pas l'ombre, non, c'était la lumière au contraire, piégée, par les fentes des frondaisons, tombant en rayons comme des branches cassées, ou réservée au regard de bascule en arrière, vers la rosace du ciel dessinée par les hauts épicéas lorsqu'elle se laissait aller allongée sur le dos dans une courte clairière. Y voir menu, apercevoir par les trouées, c'était ce que ma tante préférait.
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Il a gardé la trace des plis, les plis que faisait ma tante Nella en le rangeant dans sa boîte. Je retrouve les taches, les petits trous dans ce tricot très fin, à des endroits plus fin qu’à d’autres, les endroits d’habitudes, les endroits usés, les endroits de contact avec nos peaux à toutes les deux, nos peaux consanguines. Il est plus lourd qu’un châle en soie ordinaire, un châle en soie domestique. Je le soupèse et le touche avec un gant de caoutchouc nitrile, l’acidité de la peau pourrait endommager la soie. Le conservateur ne me permet pas de le prendre avec les doigts, pourtant je l’ai si souvent touché, avant qu’il ne soit protégé.
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L'été, les fleurs des arbres fruitiers fanaient dans les feuillages verts et copieux, il faisait bien trop chaud pour s'évader en milieu de journée, mais fuir les soirées mondaines était un ravissement à la fraîche, toute agitation de la journée tue, Nella pouvait sentir le respire des arbres, les lucioles occupaient les haies de myrte, et les oliviers centenaires semblaient se densifier plus encore lorsque la lune se rétrécissait pour laisser la place au sombre. Au-delà des collines, au sud, on apercevait certains jours clairs l'éclat métallique de la mer enflée.
p.56
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Elle fuyait cette société en s'en allant à travers les bois des collines, dans les halliers fournis, presque inhospitaliers. Elle s'en allait à l'ombre, à l'abri des arbres, accompagnée de ses chiens, la moindre lueur ravivait les reflets cuivrés de ses cheveux comme ceux du châle, et ces feux mon père ne voulait pas que l'on puisse les apercevoir.
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Je n'ai jamais su, du début à la fin de leur relation, ce qu'il y avait d'amour, à la limite de l'inceste, ou de la haine, à la limite de l'inceste aussi, parce que haïr aussi fort son frère, sa sœur, haïr au point de livrer une guerre, de brouiller et séparer toute la famille, haïr si fort qu'on en tremble, je crois que c'est de l'inceste.
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Vidéo de Emmanuelle Pagano
Emmanuelle Salasc - Ni de lait ni de laine - éditions P.O.L Où Emmanuelle Salasc - qui s'est appelée Emmanuelle Pagano - tente de dire de quoi et comment est composé son recueil de nouvelles "Ni de lait ni de laine" et où il est notamment question de l'écriture de textes courts, du je et du nous, du il et du elle, de familles dysfonctionnelles et d'autobiographie, d'identification aux personnages et de non fiction, de la parution en "formatpoche de '"Nouons nous", -et où Emmanuelle Salasc lit la nouvelle "A trottinette"-, à l'occasion de la parution aux éditions P.O.L de "Ni de lait ni de laine", à Paris le 17 avril 2024
"La famille, tout le monde en a une, même ceux qui n'en ont pas, même ceux qui en ont plusieurs. La famille, c'est l'endroit au monde où on est le plus aimé, le plus haï, le plus protégé, le plus violenté, le plus soutenu, le plus abandonné, le plus nié, le plus encouragé, le plus cajolé, le plus admiré, le plus dénigré, le plus compris, le plus incompris. La famille est un superlatif. On y est seul, on y est nombreux."
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