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EAN : 9782866457266
264 pages
Le Félin (17/05/2010)
4.67/5   3 notes
Résumé :
«Comment était-il possible de s’évader lorsqu’on était esclave des nazis et ce fait rarissime ne se terminait-il pas toujours par l’arrestation, suivie de l’exécution du coupable?
Et pourtant, Yvonne Pagniez nous a livré son témoignage, épisode singulier de sa propre histoire. Femme de caractère, d’un courage peu commun, elle apporte une grande précision dans la description d’événements vécus qui se déroulent dans une ambiance tragique qu’elle restitue d’une ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Passionnée par les récits et autres témoignages de résistants ou d'anciens déportés impliqués dans la Seconde guerre mondiale, je ne pouvais que m'intéresser à cet écrit d'Yvonne Pagniez, récit qui est tombé entre mes mains au hasard d'une promenade dans une brocante bretonne.

Je ne connaissais pas l'auteure et je dois le dire, j'ai été ébahie, après-coup, par son parcours personnel et professionnel fait d'engagements militants mais aussi jonché de livres de qualité (dont celui-ci qui fait partie d'un triptyque : 1/ Scènes de la vie du bagne, 2/ Evasion 44, 3/ Ils ressusciteront d'entre les morts).

Livres de qualité, disais-je... Car ce récit, présenté par l'éditeur (j'ai lu l'édition de 1978 éditée par Ouest France) comme "le récit d'une exceptionnelle aventure. Un témoignage d'une bouleversante authenticité" qui - au-delà du fait d'exister en lui-même et d'évoquer la périlleuse évasion de l'auteure lors de son transfert en train du camp de concentration de Torgau à celui de Ravensbrück et sa survie dans Berlin infestée de nazis - , a le mérite d'être écrit avec une formidable maestria.
Cela fait bien longtemps que je n'avais pas lu un livre d'une telle qualité d'écriture, d'un tel style, d'une telle richesse de descriptions, d'images, de métaphores, de vocabulaire (il n'y a de nombreux mots que je ne connaissais pas et que j'ai découverts). Pas étonnant qu'il ait reçu en 1949 le Grand Prix du roman de l'Académie française.

Quelle énorme différence avec ces auteurs français à succès qui, aujourd'hui, se targuent d'avoir leur place dans le top ten ! Quelle différence indéniable de niveau ! Je crois qu'en tant que lectrice attachée à notre belle langue française, je vais faire de ce livre, un livre de chevet afin d'y retourner et d'y replonger, régulièrement, pour m'enrichir chaque fois de la beauté et de la musique de ses mots !

Il faut dire que Yvonne Pagniez (1896-1981) a suivi des études initiales de philosophie, avant de devenir résistante, écrivaine et journaliste (elle a aussi écrit sur la guerre d'Algérie, la guerre d'Indochine et sur l'aviation).

Donc, si je ne puis que vous recommander la lecture de ce livre pour la qualité de sa forme, je vous le recommande aussi pour le fond. Car, indéniablement, il y a beaucoup à en apprendre.

En apprendre, sur le courage et la détermination de ces générations (femmes et hommes) confrontées à l'horreur quotidienne et qui, pourtant, ont trouvé en eux les ressources pour agir, pour se révolter, pour donner et partager, pour soutenir dans l'adversité et même pour pardonner !
Ce n'est pas un récit misérabiliste. Les conditions de vie dans les camps et leurs exactions ne sont que très peu abordées. L'auteure couvre d'un voile pudique ce qu'elle a vu et vécu et affûte surtout sa plume pour dire son misérable présent dans cette ville de tous les dangers, jusqu'à la possibilité d'une fuite vers la Suisse, puis vers la France.

A savoir un présent qui souligne la façon dont, avec une autre femme, elle s'échappe en octobre 1944 du wagon à bestiaux qui devait la reconduire au camp de Ravensbrück. Cette étape franchie, elles traversent, à pied, en haillons et sans nourriture, la campagne allemande en direction de Berlin. S'ensuit le récit de son arrivée dans la ville, des conditions de sa survie pendant quelques semaines, survie qu'elle doit à son courage, au hasard, mais aussi aux complicités qui lui viennent de Français prisonniers réquisitionnés du STO qui bénéficient d'une relative liberté et d'un certain accès à la nourriture, mais aussi de personnes d'autres nationalités (Allemands, Danois, Suédois, Suisses...) qui, au nom de la solidarité internationale, de la charité chrétienne ou par engagement personnel contre la politique nazie menée dans leur pays, s'attacheront à lui faciliter les choses...

En apprendre aussi sur les conditions de vie des prisonniers Français ou travailleurs du STO. Je savais bien sûr que cela existait, mais dans mon esprit, je n'imaginais pas qu'ils jouissaient ainsi de la liberté dont il est question dans ce livre. Certes, ils sont contraints au travail forcé, sont enfermés dans des camps locaux précaires et insalubres où ils doivent retourner à la nuit, sont entravés dans leur liberté d'action et de communication notamment en direction de leurs familles, mais manifestement, ils pouvaient aussi aller et venir, se restaurer dans des lieux publics, ou encore bénéficier de tickets de rationnement que d'autres ne pouvaient obtenir. du coup, je me suis interrogée, comment vivaient-ils le fait de "collaborer" avec l'ennemi ? Comment ont-ils été accueillis à leur retour en France ? Cela m'a donné envie d'aller à la source de témoignages de cette nature.

En apprendre aussi sur le rôle ambigu d'une certaine élite qui, bien que dans un pays en guerre et une ville dévastée par les bombes, continue à mener grand train, indifférente à la misère de ses compatriotes. Cela vaut pour les Allemands, mais aussi pour les Suisses (la femme qui accompagnait l'auteure était Suisse mais n'a pu obtenir le soutien de son ambassade) et certains Français qui représentaient le pouvoir de Vichy. Certes, ici ou là, de bonnes volontés s'expriment, des personnes font des gestes - au péril de leur vie semble-t-il - mais cela reste néanmoins tellement embryonnaire au regard de ce qu'ils auraient pu faire pour en soutenir plus, pour en sauver plus...

En apprendre aussi sur les conditions de vie des Allemands durant cet hiver 1944 (le manque de nourriture, de vêtements, les conditions climatiques, les attaques des forces alliées, la planque dans des abris de fortune, la destruction intensive de la ville, les marchés parallèles, etc.).

Et puis, on apprendra, en fin d'ouvrage, comment à la faveur de retrouvailles improbables avec sa meilleure amie Olga Weber (agent secret infiltrée de passage à Berlin en "mission"), l'auteure entrevoit la possibilité d'atteindre enfin son objectif : retrouver sa liberté et son pays. le Dieu auquel croit Yvonne ou le destin lui permettront-ils d'atteindre ce Graal tant espéré ?

Je ne dis rien de la fin afin que vous puissiez lire ce livre au rythme effréné et dans la crainte éperdue qui ont été ceux d'Yvonne durant ces quelques semaines. Afin que vous puissiez mesurer et ressentir toute l'embellie que lui a procuré l'arrivée de son amie Olga et, avec elle, sa promesse d'un avenir différent. Et aussi afin que vous puissiez approcher toute la grandeur d'âme qui a été celle de l'auteure face à ses bourreaux d'une part, mais aussi face à ce peuple allemand dont l'ambivalence est à l'image de l'être humain.

D'ailleurs, elle termine son livre par ces mots :

" Etrange aventure, à mes yeux providentielle, qui me fit connaître deux visages contradictoires de l'Allemagne, défigurée par le nazisme, dont je ne veux me remémorer que l'héroïque bonté offerte à grand péril par des êtres d'élite."


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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Ces jardins sans oiseaux, sans enfants, derrière des grilles rouillées, avaient un charme triste. Le vent s'était calmé ; les feuilles ne tombaient plus qu'avec lenteur, en crissant doucement. Parfois, dans l'encadrement de branches dépouillées, un segment du lac apparaissait, dans son bleu irréel où flottaient des blancheurs de mouettes, l'essor d'une voile. Puis l'écran se refermait... Et reprenait, après ce limpide point d'orgue, la symphonie en mineur jouée sur des notes d'or. Toutes les gammes de l'or se mêlaient dans ce concert. Etincellement de sequins d'un bouleau plein de frissons ; braise ardente des kakiers aux feuilles larges qui descendent en planant ; luminescence des jaunes disques attardés dans les tilleuls en robe d'hiver, et qui restent suspendus aux branches comme des lanternes vénitiennes. Rousseur des ormeaux ; fusées triomphales des peupliers en géantes flamberges ; veilleuses pâles des grappes que balancent les vernis du Japon sous leurs ailes orangées. Tons amortis de cuirs anciens de Cordoue aux ramures torses des chênes. Des étincelles, des phosphorescences, des lampes discrètes, des vers luisants sur l'écorce, des éclaboussements d'or, des pluies de feu.
Et cette musique des couleurs où sonnent des timbres de fanfare, l'accompagne, sur un autre clavier, l'éclat sourd des parfums de l'automne, dans ces jardins qui sentent l'humus, le bois mouillé, l'écorce amère. Arome puissant où s'exalte, avant qu'elle ne meure dans la froidure de l'hiver, toute cette harmonie du monde qu'avait chantée en notes étourdissantes la saison des épanouissements ?
Jamais je n'ai compris, comme en ces brèves semaines où la liberté m'apparaissait éblouissante et fragile comme le dernier soleil, jamais je n'ai touché avec cette bouleversante évidence l'accord profond de la nature et de nos êtres. La terre parlait, dans la splendeur de son ultime fête, le langage même de mon élan intérieur, de cette avidité à saisir ce qui ne dure qu'une heure. L'automne reste désormais pour moi la saison des poignants bonheurs qui s'enfuient, et dont on suce le suc à pleine bouche, avec une hâte sauvage où il entre de l'émerveillement et du désespoir.
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Il y a huit jours que Françoise a disparu. Demain, j'irai une dernière fois à Wannsee, pour savoir si ma lettre est partie ; le soir même je commencerai ma retraite dans mon trou à rat. C'est donc aujourd'hui mon dernier jour de liberté. Le ciel ne le favorise pas. Il a fait choir hier de telles cataractes que mes vêtements en sont encore trempés. J'ai grelotté toute la nuit sur mon dossier de canapé. Ce matin, ma chemise colle à mes os comme une chape de givre, mes pieds font floc, floc, dans des godasses imprégnées d'humidité. Et les nuages qui voguent très bas sont encore pleins d'averses. Le vent a un goût d'eau, contre lequel je cours pour me réchauffer, jusqu'à la gare, puis le long du canal au sortir de la station d'Hallesches Tor. Je vais faire une ultime visite au Père de Roton. Hélas ! comme j'arpente le quai devant la Kommandantur après l'avoir fait prévenir, un soldat français s'approche de moi, me murmure à l'oreille :
- Allez-vous-en. Il est filé par la Gestapo. Ne revenez pas avant plusieurs jours.
Un froid plus subtil me glace le cœur.
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