Dans la trilogie de
Marcel Pagnol, «
César » est un peu à part. On le comprend facilement : l'action, au contraire des deux premiers volets, n'est pas continue, et se situe vingt ans après. de plus, et c'est peut-être le plus important, l'oeuvre a été écrite directement pour le cinéma, ce n'est que bien après qu'elle a été adaptée pour la scène. Alors que «
Fanny » le film, a été tourné 4 ans après «
Fanny » la pièce, «
César » la pièce, a été jouée 10 ans après «
César » le film ! Et dans les deux cas, il s'est passé 20 ans entre les deux histoires !
Cela bien entendu n'enlève rien à la qualité de l'oeuvre : quand la pièce a été créée (1946, donc) le film était déjà entré dans la légende, comme les deux autres volets, et faisait déjà partie du patrimoine français.
Panisse meurt.
Césariot apprend que
Marius est son vrai père et décide de le rencontrer Mais la légende familiale, qui en a fait une espèce de réprouvé, et les maladresses de divers personnages font que le jeune homme se fait une fausse idée de son père. Ce n'est qu'après une terrible et émouvante explication qu'il comprend enfin le sacrifice de ses parents et le geste magnifique de Panisse, le « père » qui l'a élevé.
De pièce en film et de film en pièce, le ton, bien que toujours familier et bon enfant, se fait plus grave et plus profond : «
César » est la pièce la plus émouvante de la trilogie, parce que les personnages s'y livrent au naturel : ils ne sont plus en représentation, le dialogue est toujours aussi percutant, mais ici il sert les sentiments de façon plus approfondie, et ne contribue plus à montrer le caractère des personnages, comme il l'a fait auparavant, parfois de façon caricaturale (mais jamais grotesque).
La pièce, on le comprend aisément, a eu moins de succès que les précédentes, essentiellement pour deux raisons : le film, bien sûr, qui avait « coupé l'herbe sous le pied » à la pièce, et la mort de Raimu remplacé au pied levé par Henri Vilbert, qui malgré tout son talent, ne pouvait pas remplacer l'irremplaçable.
Il y a donc beaucoup d'émotion dans «
César ».
Pagnol c'est ça : c'est l'émotion, et c'est le rire. C'est aussi une dimension universelle de la condition humaine qui est mise sous nos yeux. le tour de force de l'auteur c'est ce grand écart entre une chronique de province, très typée dans un décor et des personnages communs et familiers, et la portée humaine extraordinaire qui apparaît sous les mots de tous les jours.
On a souvent traité
Pagnol d'amuseur : l'adjectif « pagnolesque » évoque plus le burlesque que le profond et l'émouvant. Et pourtant !
Pagnol nous émeut autant et plus qu'il ne nous fait rire : il y a deux bonnes raisons à cela : il est en empathie complète avec ses lecteurs ou ses spectateurs, il est comme nous et nous sommes comme lui. Et puis il a un regard compatissant sur les affaires humaines, même les tragédies (et il y en a chez
Pagnol) débouchent sur des renaissances et des espérances, même s'il faut en passer par des drames irréversibles (cf « Jean de Florette »).
Marcel Pagnol est un des plus grands écrivains français. Il n'est pas faux, sans doute, de dire qu'il est aussi un grand représentant de la littérature mondiale.