Il faut avoir au sujet de l'Ariège dans son ensemble et du Comté de Foix en particulier, une passion sans frontières pour pouvoir apprécier celle qui se lit, se ressent et se réfléchit dans l'oeuvre de
Claudine Pailhes.
Apprécier dans le sens de goûter et de mesurer, à la fois, la somme de connaissances acquises et la façon de restituer celles-ci, issues d'archives étudiées avec une rigueur et une lucidité servant un goût et un sens inné de l'Histoire. Une perspicacité même ! que je sens animée par une sorte d'intuition mémorielle que l'autrice, trop modeste ou prudente, sans doute, s'efforce de freiner si ce n'est de cacher.
Lorsque des hypothèses sont émises, leur nature hypothétique est immédiatement rappelée.
Le désir de ne pas tromper le lecteur après s'être assuré, durant de longues et actives recherches de ne s'être pas fourvoyé soi-même, est aussi rassurant que sensible.
Aucun " manichéisme" si j'ose dire, dans tout ce qui touche à la Croisade des Albigeois et à d'autres conflits.
Peut-être parceque l'étude généalogique réserve des surprises, démontre ou démonte, notamment les idées reçues et souligne les alliances ambiguës, parfois inconcevables, entre les seigneurs et faidits d'Ariège et les "étrangers" venus d'Île de France les déposséder de leurs terres.
Au sein du Comté de Foix, parmi ces nobles de petite et grande noblesse; ces chevaliers guerriers et parfois poètes; les abris de montagne, pas toujours sûrs, et les conflits de plaine toujours certains... on imagine sans romance, avec effroi et compassion le dédale des faits d'armes et des chemins de croix comme le douloureux et fuyant cheminement des porteurs de la Foi cathare.
Sans appui romanesque nous nous le figurons. Sans illusions !
Au milieu d'autres récits, d'autres enjeux, mettant en scène, sous les projecteurs des notes exhumées du passé, les puissants et rebel
les comtes de Foix... Éclairant les spectateurs que nous sommes sans diriger les acteurs qu'ils furent ni reléguer dans les coulisses les plus simples ou fameux figurants qui leur donnèrent la réplique.
Livre édifiant ou passionnant, oui, pour celles et ceux que cette histoire interpelle ou fascine.
Avec
Jean Duvernoy et comme lui,
Claudine Pailhes a su rendre parlantes ou criantes de vérité les Archives en Pays d'Ariège * avec conscience d'une tragédie explorée, mais sans désir de "prendre des revanches", de dénoncer avec révolte ou de photographier une époque et un territoire en se limitant aux carrés blancs et noirs d'un damier.
Leur façon de " rendre des comptes" est une forme de mathématique historique, transmise avec la plus grande honnêteté.
Ce qu'elle a "d'imparable" ne suffit pas, certes, à nourrir une quête de vérité... mais à nous de savoir ce que nous en ferons pour conforter ou contrebalancer les sommes de "contes" qu'il est possible d'imaginer, d'enseigner ou de détourner.
* À lire aussi, dans la même veine, ce précédent ouvrage de
Claudine Pailhes paru en 2006 aux éditions
La Louve :
" le Comté de Foix. Un pays et des hommes"