Merci à Babélio et aux éditions Gallimard pour ce livre que j'ai lu d'un trait, autant qu'il est possible pour un pavé de 685 pages !
Orhan Pamuk est un auteur que je lis volontiers, toutefois, le titre un peu bizarre ne m 'aurait peut être pas attirée. En revanche le sous-titre est beaucoup plus explicite :
La vie, les aventures du marchand de boza
et
l'histoire de ses amis et tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012 vue par les yeux de nombreux personnages
Présenté ainsi, le livre correspond à toutes mes attentes, et ne m'a pas déçue.
Ce livre choral met en scène une famille : deux frères arrivent d'un village d'Anatolie dans le début des années soixante à Istanbul pour chercher fortune en vendant du yaourt et de la boza. Leurs fils, trois cousins tombent amoureux des trois filles d'un marchand de yaourt revenu dans leur village....années d'apprentissage des cousins, service militaire, mariages....Amours agitées, enlèvements ou fugues. Les mariages arrangés sont-ils plus heureux que les mariages d'amour? La jeune fille qui porte foulard est elle plus sage? Pendant une quarantaine d'année la famille grandit, des enfants naissent en ville, s'éloignent du village mais la communauté reste soudée. La solidarité des anciens villageois est encore très forte.
Pamuk raconte la vie du peuple des marchands des rues venus de leur village d'Anatolie chercher fortune en vendant du yaourt le jour et de la boza le soir. de bonne jambes, une perche et des plateaux pour livrer jusque dans les cuisines la marchandise fraîche.
Au fil de la saga, la vie quotidienne évolue. Les marchands des rues subissent la concurrence des produits transformés par l'industrie agroalimentaire. Les yaourts sont conditionnés dans des pots, les glaces se vendent partout dans des congélateurs et Mevlut doit renoncer à fabriquer et vendre ses glaces artisanales...les autorités font aussi la chasse aux vendeurs de rue. La charrette où il vendait du pilaf aux pois chiches est saisie et détruite....
Certains villageois ont quitté le commerce des rues pour celui, beaucoup plus lucratif, de la construction immobilière, de la spéculation des titres de propriété, devenant des personnages considérables qui s'entouraient d'associés, cherchant des appuis politiques ou religieux.
C'est aussi le récit de la construction des quartiers périphériques d'Istanbul, les villageois s'installaient sur des terrains inoccupés, sans titre de propriété, construisaient une cabane, puis une maison de parpaing qui, au fil du temps s'élevait sur plusieurs étages....en 2012, sur ces collines on construit des tours de 20 étages.
Mevlut et son père, arpentaient tous les quartiers de la ville. le lecteur les suit dans leur course quotidienne dans Istanbul. Au fil des années, le centre de la ville se modifie. Les immeubles où vivaient les Grecs chassés en 1964 puis avec la guerre à Chypre, se dégradent, une nouvelle population remplace Grecs, Arméniens et Syriaques. En 1999, le séisme met dehors les habitants. 40 ans d'histoire turque défilent, coup d'état militaire, arrivée sur la scène politique des religieux....
"Mevlut se rappela que cette vue sur la ville était exactement celle qu'il avait observée du sommet de la colline lorsqu'il était arrivéà Kültepe. D'ici, il y a quarante cinq ans on apercevait les usines, les autres collines qui se couvraient rapidement de bidonvilles du bas vers le haut. A présent Mevlut ne voyait plus qu'un mer d'immeubles de hauteurs diverses?-...."
La richesse de ce livre tient dans les détails : on assiste à la fabrication de la boza, du pilaf. On imagine les odeurs, les saveurs, les cris des marchands de rue. On entre dans les intérieurs des héros du livre mais aussi des clients. Pamuk fait vivre tout un monde au quotidien.
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