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EAN : 9782070249671
208 pages
Gallimard (02/07/1921)
4.12/5   26 notes
Résumé :
1425. En plein été. Le matin, Jeannette, la fille à Jacques d’Arc, file en gardant les moutons de son père, sur un coteau de la Meuse. On voit au second plan, de la droite à la gauche, la Meuse parmi les prés, le village de Domremy avec l’église, et la route qui mène à Vaucouleurs. À la gauche au loin le village de Maxey. Au fond les collines en face : blés, vignes et bois ; les blés sont jaunes.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Je précise que j'ai lu certains passages, les plus spirituels, ceux qui expriment le plus une foi profonde, de façon un peu rapide, n'étant pas catholique contrairement aux personnages et à l'auteur lui-même, les trouvant assez longs.
Néanmoins, j'ai apprécié cette oeuvre pour sa dimension universelle : elle pose deux questions centrales, pour les croyants comme pour les non-croyants - « le mystère de la création » : pourquoi l'homme souffre-t-il ? Et comment peut-on trouver une consolation ? D'ailleurs, malgré le titre, ce n'est pas une pièce véritablement historique : pas de bataille, pas de politique. le personnage est celui de Jeannette, pas celui de Jeanne d'Arc la pucelle combattante, c'est donc la petite fille d'avant la révélation, d'avant les voix qui lui confieront une mission. Cette pièce est donc avant même le très fort roman de Marc Graciano Johanne sorti l'an dernier qui présente le monologue intérieur de Jeanne lors de son départ pour rejoindre le Dauphin, après la révélation mais avant les premières batailles. Quelques rares allusions donc à la guerre qui ravage la France et la Lorraine, aux Anglais aussi, mais ce pourrait être n'importe quelle guerre, n'importe quand et n'importe où.
Cette pièce est un « mystère », terme qui a plusieurs sens au Moyen-Âge et dans le christianisme. Mystère, c'est ce qu'on ne comprend pas. On ne le comprend pas, car on ne sait pas tout, nous ne sommes pas omniscients et omnipotents, contrairement à Dieu. Nous ne pouvons donc pas expliquer ce qui est de l'ordre justement du divin, notamment le principal miracle, le principal mystère du christianisme, l'Incarnation et la Résurrection. Jeannette pose donc des questions, de nombreuses questions, qui sont par nature sans réponse. Mais toutes tournent autour d'une interrogation centrale : pourquoi Dieu, infiniment bon, permet-il que l'homme souffre ?
Ensuite, le mystère c'est une pièce de théâtre de la fin du Moyen-Âge, jouée en public, devant le parvis de l'église ou de la cathédrale, pour enseigner le catéchisme aux fidèles. Or, ici, je parlerai à peine de pièce. Certes, le texte gagne à être lu à haute voix pour son style, mais je l'imagine difficilement sur scène, dans le sens où il est plus une succession de longs monologues qu'un échange de répliques, et qu'il n'y a pas de rebondissements dramaturgiques. le rythme est donc lent, très lent.
Mais c'est bien un mystère qui enseigne, qui enseigne la Passion du Christ, la gloire des saints, et qui enseigne la souffrance. Et le mystère enseigne aussi à chacun son rôle, sa place dans la société, c'est-à-dire dans l'Église pour le Moyen-Âge chrétien, où tout est dans l'Église. Les trois personnages sont trois visions du monde, comme les trois ordres de la société féodale, mais aussi trois types de souffrance : « il faut travailler, il faut prier, il faut souffrir ».
« Celle qui travaille », c'est Hauviette, qui correspond à l'ordre des « laboratores ». C'est une paysanne, qui travaille ou joue selon le moment, qui croit sincèrement en Dieu, mais le matin et le soir, quand elle a le temps, lorsqu'elle fait ses prières. Oui, le travail est dur, le travail est une souffrance, mais il permet de récolter le raisin – qui sera le sang du Christ, et la moisson – qui sera le corps du Christ. le pain matériel est essentiel dans ce texte, où il est beaucoup question de nourriture.
« Celle qui prie », c'est Mme Gervaise, la soeur dédiée à Dieu. Elle prie, elle pleure, mais elle sera sainte. Elle incarne les oratores, les clercs.
« Celle qui souffre », c'est donc Jeannette, elle qui pleure les malheurs du Christ, les souffrances du Christ, les malheurs des saints, les malheurs des chrétiens. Mais on le sait, c'est elle qui rejoindra l'Église militante, c'est elle donc qui rejoindra les bellatores, ceux qui combattent. Elle ne le sait pas encore, mais elle sera une guerrière.
Oui, le rythme est lent. Oui, les questionnements spirituels ne sont pas les miens. Mais il y a une langue d'une richesse et d'une complexité impressionnantes, qui en font toute la beauté. le texte avance doucement, par petits pas, en spirale, avec des mots qui reviennent dans les monologues comme des refrains et des avancées progressives, ce qui peut évoquer une chanson – j'ai ainsi pu comprendre l'écriture de Marc Graciano dans Johanne, qui, elle aussi, avance de façon progressive et mesurée.
Et puis, sans doute surtout, il y a environ soixante-dix pages en vers libres au coeur du texte qui racontent la douleur de la Vierge lors de la Passion. C'est le portrait d'une femme qui pleure, elle aussi, qui pleure sur son fils, en tant que mère, non en tant que mère de Dieu. Ce passage est un long cri de souffrance bouleversant et à l'écriture étincelante.
Je terminerai en conseillant à nouveau de lire Johanne de Marc Graciano, et en citant quelques vers de la magnifique chanson d'Anne Sylvestre "Une sorcière comme les autres" : "Je vous ai portés vivant / je vous ai portés enfant / Dieu, comme vous étiez lourds / Pesant votre poids d'amour / Je vous ai portés encore / A l'heure de votre de mort".
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J'ai un peu étudié l'oeuvre de Charles Péguy à la fin de mes années lycée, il y a très longtemps… C'est loin, mais j'ai en or en tête le souvenir de la beauté des textes…
Charles Péguy s'est dévoué corps et âmes à toutes les causes qu'il a défendues, notamment son immense foi religieuse. Son oeuvre est chargée de spiritualité, inspirée par des saintes, Jeanne d'Arc, la Vierge Marie ou encore sainte Geneviève.

Dans le Mystère de la charité de Jeanne d'arc, il renoue avec le style des mystères moyenâgeux et nous propose deux dialogues entre la jeune Jeannette, bouleversée par la question du mal, d'abord avec son amie Hauviette, une fillette pétillante et délurée, puis avec Madame Gervaise, une religieuse…
Jeannette n'a que 13 ans et demi mais elle est en proie à une foule de questions existentielles sur la souffrance humaine, sur le bien et le mal. Tandis que ses interrogations nous paraissent justifiées et universelles, dignes d'une adolescente révoltée, Madame Gervaise lui répond au nom d'une certaine orthodoxie, toutefois teintée de sincérité.
J'ai beaucoup aimé la fragilité et la résistance de Jeannette, car il est vrai que l'on représente souvent Jeanne d'Arc au cours de sa grande aventure mystique vers les combats et la sainteté. Péguy, au contraire, nous la montre avant la révélation, ressentant une profonde angoisse dans sa chair et dans son âme.

Ce texte est magnifique, entre tourment intérieur, digression, invective et incantation… Sur le plan stylistique, c'est foisonnant, une alternance de prose poétique, de vers libres, de vers scandés, de vers rimés, de vers assonants…

Je viens de le redécouvrir dans une adaptation radiophonique sur France-Culture, ce qui m'a donné envie de le relire.

Lien : https://www.facebook.com/pir..
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Texte mystérieux et envoûtant, qui est étonnement pas du tout le récit de la vie de Jeanne d'Arc, mais deux dialogues(surtout un seul), constitués en grande partie de longs monologues interrogeant Dieu et ses saints, avec au milieu du livre des dizaines de pages sur le Christ, avec en particulier une description émouvante des misères de sa mère. Bref, si vous voulez de l'action, de la chevalerie, des combats, passez votre chemin; si vous voulez enrichir, ou pourquoi pas découvrir plus en profondeur la foi catholique, dans ses mystères, difficultés et puissances, sous le point de vue terriblement révélateur de Peguy et de son style si unique, ce petit bijou aujourd'hui oublié est fait pour vous.
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Une pièce mystique et énigmatique, qui peut paraître un peu austère mais se révèle envoûtante grâce à l'écriture unique de Péguy, toute en répétitions, à la manière d'un artisan patient qui affine son ouvrage avec patience et opiniâtreté.
Les allitérations, le style presque mécanique de la langue de Péguy méritent de lire ce texte à voix haute, pour tenter d'en mieux saisir les mystères ésotériques.
L'excellent film "Jeannette" de Bruno Dumont rend merveilleusement hommage à cette pièce, pour ceux qui seraient rebuté par l'esthétique parfois difficile à appréhender de Péguy.
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Pour ceux qui croient,
comme pour ceux qui ne croient pas :
l'histoire d'un homme et d'une mère
qui pleure son garçon, son enfant,
condamné par la frénésie du peuple
où la fureur cède au mystère.

Péguy nous laisse en partage ce cri,
cet oratorio de l'amour maternel,
comme un objet de culture, au-delà de la croyance.

Illustration : Giovanni Bellini – Pietà (détail).

Ambiance musicale :
extraits du Requiem, opus 48, de Gabriel Fauré,
avec les solistes Suzanne Danco et Gérard Souzay.
L'Union Chorale de la Tour de Peilz et l'Orchestre de la Suisse Romande
sont sous la direction d'Ernest Ansermet.
(enregistrement 1954 – domaine public – Musigratis)
La Passion.

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Lien : http://www.litteratureaudio...
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Faudra-t-il, mon Dieu, que le sang de votre Fils ait coulé en vain; qu'il ait coulé en vain une fois, et tant de fois.
Une fois, cette fois; et depuis tant de fois.

Faudra-t-il, mon Dieu, que le corps de votre Fils ait été sacrifié en vain; qu'il ait été offert en vain une fois, et tant de fois.
Une fois, cette fois; et depuis tant de fois.

Sera-t-il dit que vous abandonnerez, que vous aurez abandonné la chrétienté de vos enfants.

Tout est plein de la guerre et de perdition. Et c'est la guerre qui fait la perdition. Sera-t-il dit que vous nous abandonnerez à la guerre.
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L'orgueil veille.
Le vieil orgueil veille.
Mon enfant, nous ne sommes pas venues au monde dans ce temps-là.
Nous sommes toutes comme tout le monde.
La terre était toute sale, toute boueuse, toute barbouillée
de fange.
En ce temps-là.
In illo tempore.
En ces jours-là.
In diebus autem illis.
Toute fangeuse.
Et nous on nous a débarbouillé la terre, essuyé les plâtres, amassé, préparé les approvisionnements où nous nous ravitaillons éternellement.
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C’est pire que jamais. Seulement si on voyait seulement se lever le soleil de votre justice. Mais on dirait, mon Dieu, mon Dieu, pardonnez-moi, on dirait que votre règne s’en va.
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Depuis trois jours elle pleurait.
Depuis trois jours elle errait, elle suivait.
Elle suivait le cortège.
Elle suivait les événements.
Elle suivait comme à un enterrement.
Mais c'était l'enterrement d'un vivant.
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Et rien, jamais rien, le règne de la terre n’est rien que le règne de la perdition, le royaume de la terre n’est rien que le royaume de la perdition.
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