« Et dans tout Paulette une question se chuchotait. Que cherchait l'étranger ? Ainsi m'avait-on nommé. » L'étranger, c'est moi. Ce pauvre type venu s'immiscer dans les rêves d'une autre vie, sur une autre rive. Ô Régina, jeune et belle Régina, ô belle mulâtresse aux jambes ensoleillées…
Régina fût kidnappée un matin de soleil rosé, à cause de son teint trop clair, voilà tout le malheur de Marie-Soleil, sa mère.
« J'ai avalé deux ou trois verres de rhum. », l'appel de Cuba, l'appel d'Haïti, l'appel de Sainte-Lucie, de la Jamaïque, de Guadeloupe. Ce n'est pas de ma volonté , ni même celle de Don Papa, mais c'est pour comprendre le mythe de ces îles, moi l'étranger sur cette terre, m'immerger dans ce paysage où le vent soulève la poussière de ma misère. Entre rhum et poussière, vivent des poètes, et des filles si jolies que… que le malheur engloutit ces îles. Ô Régina, ô Cuba, ô Haïti... Au-delà des flots et des cimetières, je croise le raconteur. le raconteur est un conteur d'histoires, un gars qui autour d'un verre de rhum dévoile la vie de Régina, d'une île, de la misère. Celle d'être trop belle dans cette île trop pauvre. Et au milieu de ce malheur, Baron Samedi fait son apparition, tient on est lundi… Peu importe, y'a pas de jour pour le rhum, y'a pas de nuit pour le vaudou.
Sur cette terre sans mercis, il y a ce mystère, une disparition. Ô Régina, soleil de mes nuits, rhum de ma vie, amours qui coulent dans mes veines. Des îles, flots de mes jours, sourires de mes désirs. Une eau ambrée coule dans mon sang, une eau turquoise saoule mes rêves. Accoudé, le verre épanché, le raconteur soliloque au milieu de la nuit, ces étoiles qui brillent sur une plage désertée de sa vie. Il est poète, il est griot, il est Nobel ou Dieu au milieu de la tempête, un cyclone d'émotions qui fouette la poussière de cette terre.
Sous un soleil impitoyable, méprisant de couleur et de vie, le rhum coule dans les yeux, comme la misère dans les caniveaux. Des morceaux de nuages dans le ciel, la Caraïbe se lève. de son paréo aux milles couleurs, elle se déshabille pour mieux envelopper mon âme. Sur la ville, le silence. Dans la terre, les mangroves. Au ciel, le vent. Et au milieu de cette misère, la poésie des îles. Et au milieu du rhum,
le soleil pleurait. Et au milieu de cette histoire, n'aurais-tu pas oublier ô Régina ? Marie-Soleil pleure de toute son âme pour la retrouver. Et au milieu de ces bars de débauche où le rhum lèche le rivage de ta vie, ne l'aurais-tu pas vu, toi, ô l'étranger, ô l'adorateur de jeunes femmes et de rhums plus vieux ?