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Citations sur Les choses : Une histoire des années soixante (148)

De station en station, antiquaires, libraires, marchands de disques, cartes des restaurants, agences de voyages, chemisiers, tailleurs, fromagers, chausseurs, confiseurs, charcuteries de luxe, papetiers, leurs itinéraires composaient leur véritables univers : là reposaient leurs ambitions, leurs espoirs. Là était la vraie vie, la vie qu’ils voulaient mener : c’étaient pour ces saumons, pour ces tapis, pour ces cristaux, que, vingt-cinq ans plus tôt, une employée et une coiffeuse les avaient mis au monde.
Lorsque, le lendemain, la vie, de nouveau, les broyait, lorsque se remettait en marche la grande machine publicitaire dont ils étaient les pions minuscules, il leur semblait qu’ils n’avaient pas tout à fait oublié les merveilles estompées, les secrets dévoilés de leur fervente quête nocturne. Ils s’asseyaient en face de ces gens qui croient aux marques, aux slogans, aux images qui leur sont proposés, et qui mangent de la graisse de bœuf équarri en trouvant délicieux le parfum végétal et l’odeur de noisette (mais eux-mêmes, sans trop savoir pourquoi, avec le sentiment curieux, presque inquiétant, que quelque chose leur échappait, ne trouvaient ils pas belles certaines affiches, formidables certains slogans, géniaux certains films-annonces ?). Ils s’asseyaient et ils mettaient en marche leurs magnétophones, ils disaient hm hm avec le ton qu’il fallait, ils truquaient leur interviews, ils bâclaient leurs analyses, ils rêvaient, confusément, d’autre chose. (p85)
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Il leur semblerait parfois qu'une vie entière pourrait harmonieusement s'écouler entre ces murs couverts de livres, entre ces objets si parfaitement domestiqués qu'ils auraient fini par les croire de tout temps créés à leur usage, entre ces choses belles et simples, douces, lumineuses. Mais ils ne s'y sentiraient pas enchaînés : certains jours, ils iraient à l'aventure. Nul projet ne leur serait impossible. Ils ne connaîtraient pas la rancœur, ni l'amertume, ni l'envie. Car leurs moyen et leurs désirs s'accorderaient en tous point, en tout temps. Il appelleraient cet équilibre bonheur et sauraient, par leur liberté, par leur sagesse, par leur cuLture, le préserver, le découvrir à chaque instant de leur vie commune.
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L'ennemi était invisible. Ou plutôt, il était en eux, il les avait pourris, gangrenés, ravagés. Ils étaient les dindons de la farce. De petits êtres dociles, les fidèles reflets du monde qui les narguait. Ils étaient enfoncés jusqu'au cou dans un gâteau dont ils n'auraient jamais que les miettes.
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Depuis plusieurs années déjà, les études de motivation avaient fait leur apparition en France. Cette année-là, elles étaient encore en pleine expansion. De nouvelles agences se créaient chaque mois, à partir de rien, ou presque. On y trouvait facilement du travail. Il s'agissait, la plupart du temps, d'aller dans les jardins publics, à la sortie des écoles, ou dans les H.L.M. de banlieue, demander à des mères de famille si elles avaient remarqué quelque publicité récente, et ce qu'elles en pensaient. Ces sondages-express, appelés testings ou enquêtes-minute, étaient payés cent francs. C'était peu, mais c'était mieux que le baby-sitting, que les gardes de nuit, que la plonge, que tous les emplois dérisoires - distribution de prospectus, écritures, minutage d'émissions publicitaires, vente à la sauvette, lumpen-tapirat - traditionnellement réservés aux étudiants. Et puis, la jeunesse même des agences, leur stade presque artisanal, la nouveauté des méthodes, la pénurie encore totale d'éléments qualifiés pouvaient laisser entrevoir l'espoir de promotions rapides, d'ascensions vertigineuses.
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ils aimaient la richesse avant d'aimer la vie.
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"Là était la vraie vie, la vie qu'ils voulaient connaitre, qu'ils voulaient mener : c'était pour ces saumons, pour ces tapis, pour ces cristaux, que, vingt-cinq ans plus tôt, une employée et une coiffeuse les avaient mis au monde."
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C’était une pièce presque petite à force d’être encombrée.
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Ils étaient fiers d’avoir payé quelque chose moins cher, de l’avoir eu pour rien, pour presque rien. Ils étaient plus fiers encore (mais l’on paie toujours un peu trop cher) d’avoir payé très cher, le plus cher, d’un seul coup, sans discuter, presque avec ivresse, ce qui était, ce qui ne pouvait être que le plus beau, le seul beau, le parfait.
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Ils étaient un petit îlot de pauvreté sur la grande mer d'abondance.
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Ils se sentaient enfermés, pris au piège, faits comme des rats. Ils ne pouvaient s’y résigner. Ils croyaient encore que tant et tant de choses pouvaient leur arriver, que la régularité même des horaires, la succession des jours, des semaines, leurs semblaient une entrave qu’ils n’hésitaient pas à qualifier d’infernale.
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