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Citations sur Un homme qui dort (114)

Tu as tout à apprendre, tout ce qui ne s'apprend pas : la solitude, l'indifférence, la patience, le silence.
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Jadis, à New York, à quelques centaines de mètres des brisants où viennent battre les dernières vagues de l'Atlantique, un homme s'est laissé mourir. Il était scribe chez un homme de loi. Caché derrière un paravent, il restait assis à son pupitre et n'en bougeait jamais. Il se nourrissait de biscuits au gingembre. Il regardait par la fenêtre un mur de briques noircies qu'il aurait presque pu toucher de la main. Il était inutile de lui demander quoi que ce soit, relire un texte ou aller à la poste. Les menaces ni les prières n'avaient de prise sur lui. A la fin, il devint presque aveugle. On dut le chasser. Il s'installa dans les escaliers de l'immeuble. On le fit enfermer, mais il s'assit dans la cour de la prison et refusa de se nourrir.
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Tu attends, tu espères. Les chiens se sont attachés à toi, et aussi les serveuses, les garçons de café, les ouvreuses, les caissières des cinémas, les marchands de journaux, les receveurs d'autobus, les invalides qui veillent sur les salles désertées des musées. Tu peux parler sans crainte, ils te répondront chaque fois d'une voix égale. Leurs visages maintenant te sont familiers. Ils t'identifient, ils te reconnaissent. Ils ne savent pas que ces simples saluts, ces seuls sourires, ces signes de tête indifférents sont tout ce qui chaque jour te sauve, toi qui, toute la journée, les a attendus, comme s'ils étaient la récompense d'un fait glorieux dont tu ne pourrais parler, mais qu'ils devineraient presque.[...]

Non. Tu n'es plus le maître anonyme du monde, celui sur qui l'histoire n'avait pas de prise, celui qui ne sentait pas la pluie tomber, qui ne voyais pas la nuit venir. Tu n'es plus l'inaccessible, le limpide, le transparent. Tu as peur, tu attends. Tu attends, place Clichy, que la pluie cesse de tomber.
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Tu reviens à Paris et tu retrouves ta chambre, ton silence. La goutte d'eau, les foules, les rues, les ponts ; le plafond, la bassine de matière plastique rose; l'étroite banquette.
Le miroir fêlé où se reflétent les traits qui composent ton visage.
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Ta main absente glisse le long de l'étagère de bois blanc. L'eau goutte au robinet du palier. Ton voisin dort. Le faible halètement d'un taxi-diesel à l'arrêt souligne plus qu'il ne rompt le silence de la rue. L'oubli s'infiltre dans ta mémoire. Rien ne s'est passé. Rien ne se passera plus. Les fissures du plafond dessinent un improbable labyrinthe.
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Ils viennent à toi à petits pas avec leurs bons sourires, leurs prospectus, leurs journaux, leurs drapeaux, les misérables combattants des grandes causes imbéciles, les masques osseux qui partent en guerre contre la poliomyélite, le cancer, les taudis, la misère, l'hémiplégie, la cécité, les chansonniers tristes qui quêtent pour leurs camarades, les orphelins battus qui vendent des napperons, les veuves décharnées qui protègent les animaux domestiques.[...] Les teints terreux, les cols élimés, les bégayants qui te racontent leur vie, leurs prisons, leurs asiles, leurs faux voyages, leurs hôpitaux. […] Les vielles peaux à fourrure qui sifflent des Marie Brizard en s'efforçant de rester dignes.
Tu parcours Paris en tous sens. Comme un affamé, comme un messager porteur d'une lettre sans adresse.
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Atteindre le fond, cela ne veut rien dire. Ni le fond du désespoir, ni le fond de la haine, de la déchéance éthylique, de la solitude orgueilleuse. L'image trop belle du plongeur qui, d'un vigoureux coup de pied, remonte à la surface est là pour te rappeler, s'il en était besoin, que celui qui est tombé a droit à tous les honneurs.
La miséricorde de Dieu s'étend sur lui comme sur les habitants des cieux auquels il donne la pâture. Les pêcheurs, comme les plongeurs, sont faits pour être absous.
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Du pot de ta première enfance au fauteuil roulant de tes vieux jours, tous les sièges sont là et attendent leur tour.
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Tu te sens peu fait pour vivre, pour agir, pour façonner. Tu ne veux que durer, tu ne veux que l'attente et l'oubli.
La vie moderne apprécie généralement peu de telles dispositions : autour de toi tu as vu, de tout temps, privilégier l'action, les grands projets, l'enthousiasme : homme tendu en avant, homme les yeux fixés sur l'horizon, homme regardant droit devant lui. Regard limpide, menton volontaire, démarche assurée, ventre rentré.
La ténacité, l'initiative, le coup d'éclat, le triomphe tracent le chemin trop limpide d'une vie trop modèle, dessinent les sacro-saintes images de la lutte pour la vie.
Les pieux mensonges qui bercent les rêves de tous ceux qui piétinent et s'embourbent, les illusions perdues des milliers de laissés pour compte, ceux qui sont arrivés trop tard, ceux qui ont posé leur valise sur le trottoir et se sont assis dessus pour s'eponger le front.
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Tu règles ta vie comme une montre, comme si le meilleur moyen de ne pas te perdre, de ne pas sombrer tout à fait, était de te livrer à des tâches dérisoires, de tout décider à l’avance, de ne rien laisser au hasard. [..] Comme si, à tout instant, tu attendais du moindre de tes fléchissements qu’il t’entraîne tout de suite trop loin. Comme si, à tout instant, tu avais besoin de te dire : c’est ainsi parce que je l’ai voulu ainsi, je l’ai voulu ainsi ou sinon je suis mort.
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