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Citations sur Le peintre de batailles (41)

Les ruines étaient indestructibles, non ? Elles demeuraient là des siècles et des siècles, bien que les gens viennent se servir en pierres pour leurs maisons et en marbre pour leurs palais. Et ensuite venaient Hubert Robert ou Magnasco avec leur chevalet, qui les peignaient. Aujourd’hui, tout a changé. Mets-toi bien ça dans la tête. Notre monde ne fabrique plus de ruines mais des décombres, et, dès qu'il le peut, il envoie un bulldozer qui balaye tout pour laisser la place à l'oubli. les ruines gênent, elles incommodent. Et ainsi, sans livres de pierre pour lire l'avenir, nous ne sommes pas longs à nous voir sur la rive, un pied dans la barque, et sans monnaie en poche pour Charon.
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Il avait aussi reçu confirmation que de ce qu'il savait déjà : la politique, la religion, les vieilles haine, la bêtise unie à l'inculte et à l'abjecte condition humaine avaient anéanti ce pays par une guerre où parents, amis et voisins s'étaient battus à mort.
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L'homme qui peignait cette immense fresque circulaire, bataille des batailles, avait passé beaucoup d'heures de sa vie à l'affût d'une telle structure, tel un franc-tireur patient, que ce soit sur une terrasse de Beyrouth, sur la rive d'un fleuve africain ou au coin d'une rue de Mostar, espérant le miracle qui, d'un coup, dessinerait à travers la lentille de l'objectif, dans la chambre noire -rigoureusement indifférente- de son appareil et sur sa rétine, le secret de ce canevas d'une incroyable complication qui ramenait la vie à ce qu'elle était réellement : une course folle vers la mort et le néant.
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Désormais toutes les photos où apparaissent des personnes mentent ou sont douteuses, avec ou sans légende. Elles ont cessé d'être un témoignage pour faire partie de la mise en scène qui nous entoure.
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Les Anciens contemplaient le même paysage toute leur vie, ou en tous cas très longtemps. Même le voyageur n'y coupait pas, car tout trajet était long. Cela obligeait à réfléchir au chemin lui-même. Aujourd'hui, en revanche, tout est rapide. Les autoroutes, les trains... Y compris la télévision, qui nous montre des paysages qui changent en quelques secondes. On n'a le temps de réfléchir sur rien.
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On arrivait ainsi, derrière les armes de d'obstruction et celles de destruction — Olvido l'avait vu avec une extrême lucidité sur la photo de Beyrouth —, au troisième système : les armes de communication. La fin de l'image aseptisée et innocente, ou de cette fiction universellement acceptée. À l'époque des réseaux informatiques, des satellites et de la mondialisation, ce qui modifiait le territoire et les vies qui le traversaient, c'était la désignation. Ce qui tuait, c'était de désigner du doigt : un pont capté dans le monitor d'une bombe intelligente, l'annonce d'une montée ou d'un écroulement de la Bourse émise par tous les journaux télévisés du monde à la même heure. La photo d'un soldat qui, jusqu'à ce moment, était un visage anonyme parmi d'autres.
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Depuis le début, ce qu'il cherchait était différent : le point d'où l'on pouvait apercevoir, ou tout au moins deviner, l'enchevêtrement de lignes droites et courbes, la trame de l'échiquier sur laquelle s'articulaient les ressorts de la vie et de la mort, le chaos et ses formes, la guerre comme structure, comme squelette décharné, évident, du gigantesque paradoxe cosmique.
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- Il y a des lieux, ajouta-t-il, d'où l'on ne revient jamais.
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La première fois que, des années plus tôt, Olvido Ferrara et lui avaient parlé de la peinture de batailles, c'était dans la galerie du palais Alberti, à Prato, devant le tableau de Giuseppe Pinacci intitulé "Après la bataille", une de ces scènes historiques spectaculaires d'une composition parfaite, équilibrée et irréelle, mais qu'aucun artiste lucide, en dépit de tous les progrès techniques additionnés, ceux du passé comme ceux de la modernité, ne se risquerait jamais à discuter. Il est curieux avait-elle dit - au milieu des cadavres dépouillés et des agonisants, un guerrier achevait à coups de crosse un ennemi à terre semblable à un crustacé, sous le casque et l'armure qui le couvraient complètement -, de constater que presque tous les peintres de batailles intéressants sont antérieurs au XVIIe siècle.
A partir de là, aucun, excepté Goya, ne s'est risqué à contempler un être humain frappé pour de bon par la mort, avec du sang authentique et non un sirop héroïque dans les veines; ceux qui, à l'arrière, finançaient leur travail, considéraient cela inopportun.Puis la photographie a pris la relève. Tes photos, Foulques. Et celles des autres. Mais n'ont-elles pas, elles aussi, perdu leur honnêteté? Aujourd'hui, montrer l'horreur en premier plan est politiquement incorrect. De nos jours, même l'enfant qui lève la main sur la célèbre photo du ghetto de Varsovie aurait le visage masqué, sous prétexte d'atteinte à la loi sur la protection des mineurs.
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- C'est là, sous la peau, dit-il enfin. Dans nos gènes... Seuls les règles artificielles, la culture, le vernis des civilisations successives protègent l'homme de lui-même. Les conventions sociales, les lois. La peur de la punition. (...)
- Et Dieu, Monsieur Faulques ?... Êtes-vous croyant ?
- Et puis quoi encore ? (...)
- Regardez-les. Impossible d'être plus civilisés, tout au moins tant que ça ne leur coûte aucun effort. Polis, disant même encore parfois " s'il vous plaît " avant de demander quelque chose... Mettez-les dans une pièce fermée, privez-les de l'indispensable, et vous les verrez se déchiqueter entre eux.
Markovic les observait aussi. Convaincu.
- J'ai vu ça, confirma-t-il. Pour un quignon de pain, ou une cigarette. Et plus simplement pour rester en vie.
- Vous savez donc, comme moi, que quand le désastre renvoie l'homme au chaos dont il est issu, tout ce vernis de civilisation éclate en morceaux, et il redevient ce qu'il était, ou ce qu'il a toujours été : un parfait salaud.
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