On lui avait appris que c’étaient deux cuisiniers américains qui avaient fait boire Silvère. Il alla les trouver, tirant son frère par la main et non pas doucement. (…) Voyant Laurent, ils lui tendirent un verre. Il l’écarta d’un geste, tout en leur faisant son compliment. Les deux Américains se levèrent comme ils le purent et l’un d’eux se mit en garde pour boxer.
- Ah ! fit Laurent ! C’est comme ça, messieurs les embusqués !
Il ôta ses lunettes et sa veste et, sans plus de discours, leur sauta dessus. (…)
Le lendemain, tout un tremblement(…). Le vieux Léonard, présent, s’écria :
- Hors d’ici, les Américons !
Mais tout doux, tout poli, tout joyeux, invita le maire qui riait et les gendarmes, sérieux comme les papes. (…) La bagarre avec les Américains ne lui avait pas nui dans l’esprit des gens .
Fumier d’Américon ! (...)
Les Américains ne méritaient pas qu’on leur jetât de tels regards. D’ailleurs, ils n’avaient pas à se plaindre sur ce point ; hormis le bonhomme de la scierie, tout le monde leur faisait plaisant accueil. (...)
Ils buvaient à grands coups, insensibles à la qualité, si inférieurs en cela aux Français que le vice d’ivrognerie ne leur procurait même pas de plaisir.
L’argent leur coulait des doigts comme d’une source profonde. On les enviait un peu d’être si jeunes, si allègres et si bien pourvus.
Cette fois, en approchant à la Cabane, il entendit qu’on y chantait. C’étaient des gars d’Amérique. Au milieu d’eux Silvère qui menait un train endiablé et Gina versa du vin mousseux dans leurs verres.
Laurent dit :
-Hors d’ici, les embusqués !
Cela fit presque une bagarre. »
« Alors, furibond, la nuque du cou violette, d’une seule bouffée il lâchait le pire :
- Fumier d’Américon !
- Oh ! fit Laurent, la première fois qu’il entendit cette étrange insulte .
L'argent leur coulait des doigts comme d'une source profonde. On les enviait un peu d'être si jeunes, si allègres. A Sérigny, celles qu'ils embrassaient, elles l'avaient bien cherché. Peu nombreuses, au reste. On les connaissait.
(au sujet des soldats américains)
Elle n’y fut pas plutôt installée que Maxime s’approcha en tapinois et lança un pavé dans le canal. Une gerbe d’eau jaillit, puis retomba sur les épaules de Francine qui se retourna, s’efforçant de prendre un air très sévère. Elle ne savait plus bien quelle contenance tenir avec cet enfant dont les mauvais tours ne se comptaient plus .
Poésie - Si j'avais une bicyclette - Ernest PEROCHON