AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782877068451
120 pages
Editions de Fallois (27/01/2016)
4/5   4 notes
Résumé :
La guerre de Troie a bien eu lieu. Sergio Claudio Perroni nous en raconte un épisode capital : après des années de combat, un énorme cheval de bois dissimulant des guerriers grecs va tromper les Troyens, qui y voient un don des dieux, et s’apprêtent à le faire entrer à l’intérieur de leurs murailles. Perroni donne la parole à un soldat, un anonyme, enfermé dans la machine en compagnie de trois rois-guerriers : Ulysse, qui n’est pas encore le héros de l’Odyssée ; Epé... >Voir plus
Que lire après Dans le ventreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ils sont des dizaines, dont trois rois, tapis dans le ventre du cheval de Troie. Ils tendent l'oreille au moindre murmure venu de l'extérieur, frémissent au moindre grincement de planche, tremblent au moindre choc d'armure. Que se passe-t-il dehors ? Les troyens ont-ils éventé le piège ? S'apprêtent-ils à mettre le feu au cheval ou à le précipiter d'une falaise ? Par les trous des yeux du colosse, ils n'aperçoivent que la mer désertée par les armées achéennes. Et si celles-ci ne revenaient jamais ? Et si Agamemnon les avait abandonnés, tous autant qu'ils sont, les livrant en sacrifice aux dieux sanguinaires qui s'égaient depuis tant d'années de leurs souffrances ?

Entourés de leurs soldats silencieux et avachis, les trois rois discutent à voix basse. Epéios, le roi charpentier, vante les mérites de son chef d'oeuvre, ce cheval de bois qui leur permettra de mettre fin à dix ans de guerre. Néoptolème, le jeune fils d'Achille, si fier et redoutable dans la bataille, tremble à l'idée d'une mort infamante et cruelle. Ulysse, le stratège, taquine et rassure tour à tour ses compagnons, dissimulant sous des dehors goguenards sa propre angoisse rampante. Ils plaisantent, se disputent, jouent aux dés pour passer le temps. Peut-être même se sont-ils endormis. Peut-être rêvent-ils… Car il est peu probable qu'une femme se soit soudain matérialisée dans le ventre du cheval, une femme étrange qui les provoque, les inquiète, se jouant de leurs craintes et de leurs désirs contrariés.

Intriguée par le pitch de ce très court roman italien, je me le suis procurée pour une bouchée de pain sur internet, m'attendant à un bon petit huis-clos anxiogène. A ma grande surprise et à mon plaisir plus vif encore, « Dans le ventre » s'est révélé être bien plus que cela. De la mythique Guerre de Troie, Sergio Claudio Perroni a retenu ce qu'il voulait et nous offre une variation aussi inattendue que fascinante sur le thème de la peur. « de quoi avez-vous peur, guerriers ? » demande la troublante apparition. Et, en vérité, que craignent-ils ces vaillants monarques ? Pourquoi tremblent-ils et se troublent-ils soudain, eux si habitués et hermétiques aux périls du champ de bataille ? Ce ne sont pas les épées des troyens qui les effraient, leurs angoisses sont plus profondes, plus dissimulées… L'un craint le monstre qui se cache au fond de son coeur et les excès horribles qu'il est destiné à commettre dans Troie dévastée. L'autre redoute en secret le jour où, retournant enfin chez lui, il trouvera son épouse remariée, son fils donnant le nom de père à un autre homme que lui. Doucement, la frayeur monte, les comportements changent, les rôles s'échangent, les caractères se dévoilent. Même le prudent Ulysse finit par perdre son sang-froid en croyant entendre de l'extérieur s'élever la voix de sa femme.

S'il faudrait reprocher quelque chose à cet excellent petit ouvrage, ce serait sa brièveté et sa grande densité. Je me suis surprise à le feuilleter souvent pendant les jours qui ont suivi la fin de ma lecture pour relire certains passages et en saisir ainsi toutes les nuances et la complexité. Et encore, je n'affirmerais pas en avoir fait le tour ! En ce qui me concerne, je le classe sans hésiter parmi les variations les plus intéressantes écrites sur cette légende avec « La guerre de Troie n'aura pas lieu » de Giraudoux.
Commenter  J’apprécie          130
Universellement connue, la ruse du Cheval, qui mit fin à la guerre de Troie après dix ans de combats, n'est pas mentionnée dans l'Iliade (laquelle s'arrête aux funérailles d'Hector) et ne fait l'objet que de quelques vers de l'Odyssée. Les zones d'ombre entourant cet épisode fameux autorisent donc toutes les extrapolations littéraires. L'auteur italien Sergio Claudio Perroni a ainsi imaginé ce qui a pu se passer dans le ventre du cheval de bois entre le moment où les soldats grecs y pénètrent, et celui où ils en sortent pour abattre la cité du roi Priam...

"Dans le ventre" m'a offert deux heures de lecture agréables en compagnie de trois souverains légendaires : Épéios, Néoptolème et Ulysse, qui à eux seuls occupent presque tout l'espace de ce huis-clos mythologique qui, par certains aspects, ressemble à une pièce de théâtre. J'y ai trouvé ce que j'étais venu y chercher, mais je relèverais tout de même deux gros points noirs qui, sans aller jusqu'à gâcher l'expérience de lecture, m'empêcheront de recommander chaudement cet ouvrage à d'autres lecteurs :

Premier point : les notes de bas de page. Il serait temps de réclamer un moratoire contre la prolifération de ces parasites dans les œuvres littéraires. À vrai dire je ne vois guère que deux cas, hors ouvrages universitaires, où elles ont leur place :
1/ Le traducteur peut être amené à expliciter une allusion ou une référence évidente dans la langue d'origine, mais obscure pour des lecteurs issus d'une autre culture.
2/ Si l'auteur s'appelle Terry Pratchett, ses notes de bas de page pleines d'humour participant d'un jeu avec le lecteur.
Ici nous ne sommes dans aucun de ces deux cas. Si Sergio Claudio Perroni croit que son lecteur ignore qui est Arès, il y a toujours moyen d'intégrer l'information subtilement dans la narration, au lieu de nous imposer un "Dieu de la guerre" en renvoi ; le summum de l'absurde étant atteint lorsque des informations effectivement données dans la narration sont répétées en note de bas de page : par exemple la phrase "C'est Néoptolème, le jeune guerrier, le fils orphelin d'Achille" est agrémentée d'un renvoi qui nous dit : "Fils d'Achille" ! C'est le genre de chose qui a le don de me mettre d'emblée dans de mauvaises conditions de lecture, même si, fort heureusement, cette manie de l'auteur (ou de l'éditeur d'origine ?) s'estompe au fur et à mesure que le texte avance.

Second point : le prix de vente. "Dans le ventre" n'est pas un roman : avec ses 120 pages bien aérées, il s'agit précisément d'une novella, voire, si l'on s'en tient au faible nombre de personnages et de l'unité de lieu, d'une longue nouvelle. Or ce livre est commercialisé au prix de 18 euros, comme un roman grand format de 300, 400 pages ou davantage ! À titre de comparaison, les novellas de la collection "Une heure lumière" du Belial' ou celles des regrettées éditions Griffe d'Encre coûtent environ 9 euros... soit le prix que le bon sens attribue spontanément à des ouvrages de ce type. J'ai acheté mon exemplaire d'occasion, pour 5 euros, et j'estime avoir fait une bonne affaire ; mais qui irait miser 18 euros sur une novella de 120 pages écrite par un inconnu ? Une telle politique de prix revient à condamner cet ouvrage à l'échec commercial (ce n'est sans doute pas un hasard si huit mois après sa sortie je suis son premier lecteur sur Babelio) et cet auteur italien, dont il s'agit de la première parution en France, à rester inconnu par chez nous...

Hormis ces deux gros points noirs sur lesquels je me suis appesanti, il s'agit donc d'une variation plutôt réussie sur un épisode majeur de la Guerre de Troie, et une preuve supplémentaire, s'il en était besoin, que l'on peut toujours trouver de nouvelles choses à faire dire aux mythes antiques.
Commenter  J’apprécie          32

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
« C'est l'épouse d'un guerrier qui est parti au loin, ce sont les hommes qui s'en approchent. Lui, toujours plus éloigné, comme les années de sa jeunesse. Les vois-tu, là tout près de ton fils? Vois-tu comme il est en quête d'un père parmi ceux qui sont à portée de son cœur? Parmi ceux qui lui apprennent à vivre, et à tirer à l'arc, au lieu d'interroger en vain le silence infini de l'absence? Oui, tu les vois, et tu te vois aussi. »
Commenter  J’apprécie          70
« Rien, nous ne pouvons rien faire, dit Ulysse, implacable. Il n'existe pas de câble assez solide pour redresser le sort que tu redoutes, ni de fer capable de le rompre, ni de feinte qui puisse l'esquiver. Alors, pourquoi craindre une chose à laquelle tu ne peux rien faire? La peur doit être cultivée pour stimuler la ruse, Neoptoleme, pour éclairer l'action et donner de l'intelligence au courage. Mais ta peur à toi n'est qu'un spectre d'air lointain qui empoisonne celui que nous respirons. »
Commenter  J’apprécie          60
"J'ai fait un rêve terrible, s'exclame Épéios. J'ai rêvé que nous assiégions Troie pendant dix longues années..."
Il s'est réveillé en sursaut et agrippe le bras de Néoptolème, qu'il secoue comme une voile qui refuse de prendre le vent. En s'apercevant qu'il est observé par le casque que tient l'adolescent, il écarquille les yeux comme devant un nouveau fantôme.
Néoptolème se dégage d'un geste sec.
"Si c'est ça, ton rêve, alors tu n'es pas encore réveillé, et nous non plus.
— Non, attends..."
Épéios recouvre ses esprits, reconstitue la trame de son cauchemar : "Et quand enfin nous avons pris la ville, au bout de dix ans, nous avons découvert qu'elle était déserte, qu'elle l'était depuis le premier jour... Et durant ces dix années, les Troyens avaient pillé nos terres et conquis nos cités."
Ulysse s'approche en riant, prend le casque des mains de l'adolescent et l'enfonce sur la tête du charpentier : "C'est le mal commis pendant la veille qui trouble les rêves, Épéios. De quelle infamie t'es-tu rendu coupable pour mériter un tel cauchemar ?
— Ne plaisante pas, Ulysse. Mon rêve a-t-il un sens ?
— Bien sûr, comme tous les rêves.
— Que signifie-t-il, alors ?
— Ce que tu veux te dire à toi-même. Comme tous les rêves."
Commenter  J’apprécie          10
Sous le battement des cœurs, on entend le silence imparfait du bois qui marche péniblement, la lente progression de cette bête que, dans le fond, nous voudrions plus agile, pour que soit plus rapide l'avancée de la cité secrète qui s'y dissimule.
Car l'homme, dans sa précipitation à vivre, invente toujours des moyens d'aller plus vite; plus brève est la distance à parcourir, plus courte la route qu'il choisit d'emprunter, sans comprendre qu'en agissant ainsi, il ne fait qu'abréger le voyage auquel il tient tant, celui de la vie elle-même.
Commenter  J’apprécie          10
Épéios lève les yeux au plafond ; il hésite, semble vouloir arrêter une pensée qu'il a sur le bout de la langue, et ne peut résister : "Et un dieu, de quoi peut-il avoir peur ?"
Cette question hasardeuse fait sourire Ulysse. Il cherche des yeux la pointe d'acier fichée dans la paroi et, du menton, montre la réponse : "D'un dieu plus puissant que lui."
Néoptolème détourne la tête comme pour cacher son sacrilège, puis se murmure la réponse : "De se transformer en homme."
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : guerre de troieVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus

Lecteurs (10) Voir plus



Quiz Voir plus

Jésus qui est-il ?

Jésus était-il vraiment Juif ?

Oui
Non
Plutôt Zen
Catholique

10 questions
1833 lecteurs ont répondu
Thèmes : christianisme , religion , bibleCréer un quiz sur ce livre

{* *}