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Citations sur Le livre de l'intranquillité (816)

Entre la vie et moi, une vitre mince. J'ai beau voir et comprendre la vie très clairement, je ne peux la toucher.
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Lorsque viendra le printemps, si je suis déjà mort, les fleurs fleuriront de la même manière et les arbres ne seront pas moins verts qu'au printemps passé. La réalité n'a pas besoin de moi. J'éprouve une joie énorme à la pensée que ma mort n'a aucune importance.
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J'écris avec un accablement étrange, esclave d'une asphyxie intellectuelle née de la perfection de cette fin de jour. Ce ciel d'un bleu précieux, s'évanouissant en des tons de rose pâle sous une brise égale et douce, m'éveille à une conscience de moi-même qui me donne envie de crier. Ecrire, en fin de compte, est une fuite et un refuge.
J'évite les idées. J'oublie les expressions exactes et elles se mettent à resplendir pour moi dans l'acte physique de l'écriture, comme si ma plume les créait elle-même. De ce que j'ai pensé, ou même seulement éprouvé, il me reste, obscurément, une envie stérile de pleurer.
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Ma pensée se perd en rêverie, et je suis certain d'avoir déjà écrit ce que j'imagine en ce moment. Je me souviens. et je me demande, à ce qui en moi s'imagine être, s'il n'y pas dans ce platonisme des impressions une autre anamnèse, plus orientée, un autre souvenir d'une vie antérieure qui serait seulement celui de cette vie-ci...
De qui donc, mon Dieu, suis-je ainsi spectateur ? Combien suis-je ? Qui est moi ? Qu'est-ce donc que cet intervalle entre moi-même et moi ?
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Que de fois ma propre rêverie, si futile, me laisse-t-elle l'horreur de la vie intérieure, la nausée physique des mysticismes et des contemplations. Avec quelle hâte je cours de chez moi (ce lieu choisi pour y rêver) à mon bureau ; alors je vois la figure de Moreira [son chef] comme si j'étais enfin au port. Tout bien considéré, je préfère Moreira au monde astral ; je préfère la réalité à la vérité ; je préfère la vie, oui, au Dieu même qui l'a créée. C'est ainsi qu'il me l'a donnée, c'est ainsi que je le vivrai. Je rêve parce que je rêve, mais je ne supporterai pas cette injure, faite à moi-même, de donner aux rêves une autre valeur que celle de constituer mon théâtre intime, de même que je ne donne pas au vin, sans pour autant m'en abstenir, le titre d'aliment ou de besoin vital.
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Et puis le rêve, la honte de m'enfuir en moi-même, la lâcheté d'avoir pour existence ces ordures de l’âme que les autres ne connaissent que dans leur sommeil, dans cette image de la mort qu'ils sont en ronflant, dans cette placidité qui les faits ressembler à des végétaux évolués !
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Je suis une sorte de carte à jouer, une figure ancienne et inconnue, seul vestige d'un jeu perdu. Je n'ai aucun sens, j'ignore ma valeur, je n'ai rien à quoi me comparer pour me trouver, je ne possède aucune utilité qui m'aiderait à me connaître. Et ainsi, dans les images successives par où je me décris (non sans vérité, mais avec quelques mensonges), je me retrouve davantage dans ces images qu'en moi-même, je me raconte tellement que je n'existe plus, et j'utilise comme encre mon âme elle-même, qui n'est bonne, d'ailleurs, à rien d'autre. Mais la réaction cesse, à nouveau je me résigne. Je reviens en moi-même à ce que je suis, même si ce n'est rien. Et quelque chose comme des larmes sans pleurs brûle dans mes yeux fixes, quelque chose comme une angoisse qui n'a pas été, gonfle ma gorge sèche. Mais je ne sais pas même ce que j'aurais pleuré, si je l'avais fait, ni pour quelle raison je ne l'ai pas fait. La fiction me suit comme mon ombre. Et tout ce que je voudrais, c'est dormir.
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Il est humain de vouloir ce qui nous est nécessaire, et il est humain aussi de désirer, non ce qui nous est nécessaire, mais ce que nous trouvons désirable. Ce qui est maladif, c'est de désirer avec la même intensité le nécessaire et le désirable, et de souffrir de notre manque de perfection comme on souffrirait du manque de pain. Le mal romantique, le voilà: c'est vouloir la lune tout comme s'il existait un moyen de l’obtenir.
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L'éveil d'une ville - dans la brume ou non - est toujours, à mes yeux, un spectacle plus émouvant que la naissance de l'aurore sur la campagne. Elle renaît bien davantage, il y a bien plus à en espérer lorsque - au lieu de dorer simplement, d'abord d'une obscure clarté, puis d'une lumière humide, enfin d'un or lumineux, les prés, la silhouette des arbustes, la paume ouverte des feuilles - le soleil multiplie tous ses effets possibles sur les fenêtres, les murs et les toits, -sur les fenêtres si nombreuses, les murs si différents et les toits si variés - matins vastes et divers par tant de réalités diverses. L'aurore à la campagne me fait du bien ; l'aurore sur la ville me fait à la fois du mal et du bien et, pour cette raison, me fait plus que du bien. Oui, car l'espérance plus vaste qu'elle m'apporte garde encore, comme toute espérance, un léger goût d'amertume, empreint du regret qu'elle ne soit pas réalité. Le matin de la campagne existe ; celui des villes promet. L'un fait vivre, l'autre penser. Et je sentirai toujours, comme tous les grands maudits, que mieux vaut penser que vivre.
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Je professe les opinions les plus opposées, les croyances les plus diverses. C'est que jamais je ne pense, ne parle ou n'agis. Ce qui pense, parle ou agit pour moi, c'est toujours un de mes rêves, dans lesquels je m'incarne à un moment donné.
Je discours et c'est un autre moi qui parle. De vraiment moi, je ne ressens qu'une incapacité énorme, un vide immense, une incompétence totale devant la vie. Je ne connais aucun des gestes qui aboutissent à un acte réel.
Je n'ai jamais appris à exister.
J'obtiens tout ce que je veux, pourvu que ce soit en moi-même.
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