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EAN : 9782875720764
160 pages
CFC-Editions (17/06/2022)
4.2/5   5 notes
Résumé :
Temples de l’accumulation des marchandises, lieux du spectacle de l’innovation mais aussi de la tradition, les Expositions universelles ont concentré bon nombre des contradictions du XIXe siècle. Étaient-elles compatibles avec l’architecture moderne?

En 1894, L’architecte belge Paul Hankar – un des trois pères de l’Art Nouveau, avec Victor Horta et Henry van de Velde – conçoit un projet de «Quartier moderne» pour l’Exposition universelle de 1897 à Bru... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Quelque chose me dit que je ne vais pas attirer les foules avec cette critique d'un essai qui ne s'attaque pas précisément à l'histoire des expositions universelles ou à l'histoire de l'Art Nouveau, ou encore à l'architecture à la fin du 19ème siècle, mais à tout ça à la fois en croisant les thèmes et selon le postulat suivant (je sens que j'ai déjà lâché pas mal de lecteurs) : bien que la majorité des historiens et historiens de l'art aient retenu la prédominance de l'Art Nouveau et du fonctionnalisme en architecture dans les expositions universelles de 1851 à 1900, force est de constater que la modernité architecturale n'y a eu que peu de place.


Au vu de ma présentation, vous serez peut-être étonnés d'apprendre que lorsque j'ai repéré le titre de cet essai dans la dernière masse critique Non fiction de Babelio, je me sois dit : "C'est pour moi, je le veux absolument !" le fait est que, amateure d'Art Nouveau, je pensais que, naturellement, les expositions universelles avaient tout à voir avec l'Art Nouveau (car j'avais toujours été honteusement trompée par les fameux historiens et historiens de l'art cités plus haut). À lire cet essai de Yaron Pesztat, je me suis rendu compte que je ne m'y connaissais guère en expositions universelles, mes principales références étant le Crystal Palace bâti en 1851 à Londres (puis démonté - puisque c'était un leitmotiv des expositions universelles de construire des machins monstrueux qu'on détruisait ensuite- , puis remonté, puis détruit par un incendie), la Tour Eiffel en 1889 (ben oui, forcément) et l'Atomium de Bruxelles en 1958. Pour faire bonne mesure, j'avais (quand même) entendu parler de l'Exposition universelle de 1900 à Paris, et notamment du rôle qu'y avait joué Alfons Mucha en concevant le stand de la bijouterie Fouquet et le pavillon de Bosnie-Herzégovine (je fais ma maligne maintenant, parce que ça va être plus compliqué par la suite). J'avais donc une vision assez fantasmée des expositions universelles.


Yaron Pesztat part d'un contentieux entre Paul Hankar et (un instant, je vérifie le nom exact que je vais devoir citer) L'Oeuvre Nationale pour l'Art Appliqué à la Rue et aux Objets d'Utilité Publique qui eut lieu alors que Bruxelles se préparait à accueillir la je ne sais combientième exposition universelle (c'était très à la mode, il y en avait quasiment tous les ans) en 1897. Pas de panique si vous ne connaissez pas Paul Hankar. Même s'il est une référence chez les experts de l'Art Nouveau, il a toujours été éclipsé par d'autres architectes, en particulier par Victor Horta, considéré comme l'architecte belge Art Nouveau par excellence. Vous avez tous vu au moins une fois dans votre vie une photographie de l'hôtel Tassel de Horta, il est moins certain que vous ayez en tête les réalisations de Paul Hankar ; pour ma part, seul son nom m'évoquait quelque chose. Quant à L'Oeuvre Nationale pour l'Art Appliqué à la Rue et aux Objets d'Utilité Publique, institution vouée à la fin du 19ème siècle à l'amélioration de l'urbanisme (comme son nom l'indique)... C'est bien simple, je n'en avais jamais entendu parler.


Pesztat explique bien quels étaient alors les enjeux de l'exposition universelle de 1897 pour Hankar, chantre de la modernité avec l'Art Nouveau, d'une part, et pour l'Oeuvre d'autre part. Hankar s'appuyait sur un mouvement neuf, profondément utopique (au sens noble, et au non au sens dévoyé et méprisant le plus souvent usité de nos jours), qui se voulait à la fois un art total et accessible au plus grand nombre (ce qui n'est pas sans rappeler les visées de William Morris avec les Arts and Crafts). Quant à l'Oeuvre, l'institution souhaitait rénover l'espace public, mais en intégrant à son vocabulaire architectural les influences du passé. Les deux avaient pour l'exposition universelle un projet de "quartier XXème siècle" - ce qui provoqua moult disputes et débats - et qui furent tous les deux refusés.


Tout ce qui concerne Paul Hankar, la place de l'Art Nouveau en architecture (car l'Art Nouveau fut un mouvement dont le socle était l'architecture), L'Oeuvre Nationale pour l'Art Appliqué à la Rue et aux Objets d'Utilité Publique et la volonté de rompre avec les (déjà) vieilles habitudes des expositions universelles est tout à fait intéressant. Mais l'essai devient encore plus captivant quand est abordée la question de l'éclectisme en architecture - ce style (ou non-style, comme on voudra) qu'on assimile volontiers au Second Empire en France - et que Yaron Pesztat remet en cause le mépris qu'on lui voue depuis plus d'un siècle, ainsi que la façon dont on sous-estime encore aujourd'hui son importance (c'est un peu un équivalent de l'académisme en peinture et en sculpture).


S'ensuit une partie sur l'histoire des expositions universelles au 19ème en quelques dates qui marquèrent leur histoire, et qui démontre comment on est alors passé d'une sorte de grande foire consumériste à l'utilisation des beaux-arts comme valeur uniquement marchande, pour aboutir enfin à un espace de divertissement gigantesque à la fin du siècle (la volonté d'éduquer les foules, toute relative qu'elle ait pu être, ayant alors disparu). Tout cela en utilisant l'architecture à des fins uniquement spectaculaires, pour ne pas dire complètement idiotes, les faux quartiers "indigènes" et autres reconstitutions factices ayant pullulé pendant pas mal de temps dans les expos universelles, laissant de côté toute réflexion sur ce que pourrait être l'architecture "moderne". Je ne sais si je m'explique bien...


Je ne suis pas suffisamment (c'est-à-dire pas du tout) calée sur le sujet pour venir confirmer ou infirmer la thèse de Pesztat, mais c'est un fait qu'elle amène à reconsidérer l'histoire de l'architecture Art Nouveau et de l'architecture éclectique sous un angle rarement abordé, ainsi que sur l'évolution des expositions universelles au 19ème siècle. Souvent objets de fantasmes (Ah le Crystal Palace ! Ah l'inauguration de la Tour Eiffel ! Ah, ah, ah !!!), elles sont ici scrutées de façon particulièrement intéressante, et, disons-le, elles perdent un peu de leur superbe. Cet essai peut donc être considéré comme un morceau d'un puzzle dans la bibliothèque de qui s'intéresse plus spécifiquement à l'Art Nouveau et, évidemment, aux expositions universelles (et à l'architecture, à la question de la modernité, à la naissance du capitalisme, et à tout plein d'autres choses). Est-ce à dire qu'il s'agit là d'un essai pour un public de niche ? Difficile à dire, car si le sujet n'attirera pas d'emblée les foules, le livre m'a semblé abordable pour les curieux non experts en la matière (ce qui est mon cas, vous l'aviez compris).


Ajoutons que les éditions cfc proposent moult titres sur Bruxelles et son histoire, entre autres. J'allais dire que j'avais découvert une nouvelle maison d'édition pour l'occasion, sauf que non : en parcourant le catalogue de cfc, je me suis aperçu que je possédais un de leurs titres sur l'Art Brut. Que je n'ai pas encore lu, comme une grande partie de ce qui se trouve dans ma bibliothèque personnelle. Je me dois donc de vous faire une de ces promesses que je ne tiens pas ou que je tiens des années après l'avoir faite : celle de lire cet autre essai sur l'Art Brut et de vous en parler un de ces jours...
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Je l'avais oublié cet essai sur les Expositions universelles, reçu pourtant très rapidement après la Masse critique de juin 2022. Merci CFC. Pourtant, le procès perdu de l'architecture moderne replace l'Art nouveau au centre des vitrines que furent les Expositions universelles comme autant de rendez-vous manqué. L'essai développe un argumentaire étayée de documents d'archives, au langage accessible et surtout présentant une série d'illustrations choisies avec soin pour permettre une compréhension plus aisée.

Trois chapitres pour ce petit recueil qui tient facilement dans la main. le premier chapitre présente les deux projets Art nouveau refusés par l'Exposition universelle de 1897 à Bruxelles, dont celui de Paul Hankar, architecte précurseur de l'Art Nouveau associé à Adolphe Crespin, peintre décorateur.

La figure pourtant importante de Paul Hankar m'était parfaitement inconnue. L'Art nouveau belge se définissait principalement par Horta. J'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir son quartier du XXè siècle, mais aussi ses convictions : cette figure précurseuse mettait son talent au service d'un idéal social et politique assez novateur. Les copies de document d'archives rendent attractive cette découverte.

L'opposition entre Paul Hankar et le journal L'Oeuvre y est décrite. Ce dernier cherchait à s'octroyer la paternité du projet de ce quartier moderne à créer pour l'Exposition. Certes, je ne suis pas assez calée pour juger de la pertinence des arguments. Pourtant, j'ai aimé les suivre dans des chapitres courts, concis et documentés-

La seconde partie analyse l'évolution du rapport entre commerce et art au cours des différentes Expositions universelles en commençant par celle de Londres en 1951 et en finissant par celle de Chicago en 1893, véritable initiatrice des parcs d'attractions. A travers l'évolution des Expositions universelles, Yaron Pesztat démontre que l'art devient une marchandise comme une autre avec le monde, en spectacle.

Le troisième chapitre démontre comment les Expositions universelles ont raté le renouveau de l'architecture en passant à côté de l'Art nouveau privilégiant la présentation des objets plutôt que le bâti.

Yaron Pesztat était un homme politique belge licencié en philosophie. Actuellement, il est directeur du Département de l'Architecture Moderne à la Fondation CIVA à Bruxelles.

Cet essai qui regorge de documents d'archives explique l'importance des Expositions universelles à la fois pour le commerce bien sûr, mais aussi pour aborder la mondialisation économique transformant par la même occasion l'Art en marchandise tout en flattant le visiteur devenu spectateur passif. Il m'a permis de faire la connaissance aussi avec un artiste important de l'Art nouveau belge , Paul Hankar que je ne vais pas manquer de continuer à découvrir. Un petit format pour de grandes découvertes !
Remerciements
à @Babelio pour sa Masse critique et les éditions CFC et Yaron Pesztat pour son essai sur les Expositions universelles
Lien : https://vagabondageautourdes..
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Les expositions universelles m'ont toujours intéressée : j'apprécie croiser les vestiges de précédentes expositions au cours de mes voyages, qu'ils soient « en état de marche » et visitables, ou bien réduits à l'état de sites fantômes. J'ai trouvé relativement peu de livres traitant du sujet sous un angle qui m'a plu… à la fois scientifique et divertissant. Je remercie donc les éditions CFC et Masse Critique pour cette nouvelle chance !
Je ne vois quasiment que des points positifs… En 160 pages, le livre prend le temps de développer son sujet, ce n'est ni trop court, ni trop long. le grand format du livre, qui permet aux illustrations pleine page de prendre toute leur importance. Ces illustrations sont très belles : principalement des reproductions de documents d'origine, elles m'ont entraînée dans la folie et la démesure des concepteurs des expositions d'autrefois.
L'axe choisi par l'auteur est également un bonus, avec une focalisation sur les polémiques de l'époque. L'auteur s'appuie entre autres sur des sources journalistiques et archivistiques pour nourrir cette discussion… passionnant, de mon point de bibliothécaire patrimoniale !
La 2e partie, sur l'absence de l'architecture moderne, m'a peut-être moins convaincue. Mais le contenu reste intéressant à lire. Je serai curieuse de voir d'autres critiques sur cette partie-là.

Ce livre est donc assez pointu, pas vraiment pour le grand public, mais reste toutefois abordable pour des amateurs, ou pour un public motivé, et éblouira le lecteur amateur de belles illustrations… Quant à moi, il me reste à préparer les prochains voyages de découverte des anciens sites d'expositions universelles…
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
Après avoir abrité le spectacle de la marchandise - auquel rien n'échappe, pas même l'art -, après être devenues elles - mêmes un spectacle, les Expositions universelles vont désormais servir de modèle à de nouvelles urbanités. Ce qui jusqu'alors se donnait comme espace de divertissement, simulant l'architecture et l'urbanité, sort en quelque sorte d'un monde fantasmagorique pour entrer dans le réel : la fiction devient réalité.
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" Imaginez un espace de la taille d'une petite ville, hérissé de douzaines d'immenses bâtiments situés dans de magnifiques jardins; remplissez ces bâtiments avec tous les types de marchandises concevables et toutes les activités connues, et ce dans les plus grandes quantités possibles; entourez-les des produits miraculeux des sciences de l'ingénieur, de tribus primitives, de reconstructions de rues anciennes et de rues exotiques, de restaurants, de théâtres, de stades sportifs et de kiosques à musique. Ne lésinez pas sur la dépense. Invitez toutes les nations de la terre à prendre part à l'événement en envoyant des objets à montrer et en érigeant leurs propres bâtiments. Après six mois, rasez la ville au sol et ne laissez rien derrière vous. Préserver I'un ou l'autre point de repère.» Paul Greenhalgh . 2011
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En outre, ils soutiennent que la beauté n'est pas une affaire de privilégiés, qu'elle doit être accessible à tous, ne peut se limiter aux seuls œuvres d'art et doit s'étendre à la vie quotidienne. Enfin, ils promeuvent un dépassement de la distinction classique entre Beaux-Arts et arts appliqués au profit de l'œuvre d'art totale promue par Goethe : le Gesamtkunstwerk.
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L' Art nouveau, qui vient d'émerger, y voisine en effet avec le néogothique, défendu en Belgique par le pilier catholique pour l'architecture publique, tant civile que religieuse. Le style néo-Renaissance flamande, très répandu également, prétend quant à lui au titre d'architecture nationale parce qu'il permet de se démarquer clairement de l'influence française en renouant avec une période glorieuse du «pays»
Quant à l'éclectisme, il séduit massivement une bourgeoisie qu'il rejette tant l'unité imposée par les styles «historiques» que l'Art nouveau, juge tantôt décadent tantôt trop industriel.
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"(...) L'emploi du fer, de la céramique polychromée et du verre donnent aux constructions une gaieté, une fragilité apparente, une impression de confortable, de richesse et de grace qui sera, à en croire les promesses électorales de tous les partis, parfaitement en situation. Une aube lumineuse va éclairer notre vieux monde, l'égalité fera renaitre la prospérité. Les tristes casernes, les sombres prisons vont être démolies et sur ces vastes emplacements les conceptions architecturales les plus riantes vont être réalisées à l'usage des prolétaires.» Journal Le Mondain. Octobre 1894
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