L'ami japonais, c'est Kunihiko Morguchi, peintre de kimono.
Marc Petitjean fait le récit de leur rencontre, et de la biographie de l'artiste qu'il a filmé, en apnée parfois, dans son atelier pendant trois mois.
L'ouvrage est construit et découpé avec soin.
Marc Petitjean offre au lecteur une approche sensible et délicate. le père de Kunihiko Morguchi, Kako, était lui-même un artisan reconnu "trésor national vivant" et inscrivait son art dans la tradition yuzen. Il ne fut pas aisé pour le fils de trouver sa place face à une figure paternelle quelque peu écrasante. Aussi, il a voulu prendre de la distance. Trois années passées à Paris lui ont permis de côtoyer les grands artistes de l'époque. Il se lie d'amitié avec
Balthus. Il découvre en France une liberté totale, mais ce sentiment est mêlé de désenchantement.
Kunihiko Morguchi décide de rentrer au Japon et d'y rejoindre son père dans la maison familiale.
Marc Petitjean évoque avec profondeur les relations père-fils difficiles des Morguchi. Kuni fait preuve d'une grande ouverture au monde et est choqué par l'organisation quasi féodale de la vie chez son père. Malgré tout il réussit à s'inscrire dans la lignée familiale, sans abandonner l'apport nouveau qu'il a puisé de son parcours en France. Il y parvient en toute sérénité.
L'admiration transpire dans le récit de
Marc Petitjean, notamment dans un très beau passage ou il filme son ami Kuni au travail dans une proximité fusionnelle.
L'ami japonais est aussi un ouvrage didactique qui explique les techniques de création de kimono en détail, schémas à l'appui. Il aborde la symbolique des motifs, et la façon dont les kimono s'accordent avec les saisons. de belles photographies accompagnent le texte. Il va plus loin que l'aspect technique de l'art. Il met en avant l'esprit respectueux du travail de Kuni qui, dit-il, est un "hommage à la beauté des femmes".
Marc Petitjean glisse dans son ouvrage une réflexion sur l'impermanence, celle de la ville de Tokyo, celle de l'habitat traditionnel, qui est aussi celle de la philosophie japonaise, et sur la transmission des savoirs, qui n'empêche pas le renouveau. Son écriture se fait à certains moments très poétique. La cérémonie du thé, la baguette et le jardin japonais qu'il décrit échappent complètement au cliché. L'auteur décrypte et fait preuve d'une fine et authentique connaissance de la culture nippone.