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EAN : 9782748901382
460 pages
Agone (18/03/2011)
4/5   2 notes
Résumé :

Pendant quatre jours je t'ai raconté des trucs sur le travail, les lois Auroux, les trente-huit heures... Seulement ça, je vais te le dire, ça crée un déséquilibre complet, parce qu'une semaine comme ça, c'est pas facile de la vivre quand tu travailles en chaîne et que t'as en plus plein de boulot syndical à faire. C'est pas facile. Alors mes mains, dans tout ça, qu'est-ce qu'elles deviennent, mes mains ? ... >Voir plus
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Face à "Apostrophes"


(...) Les accusations lancées contre le PCF sont de plus en plus violentes. L'émission prend l'allure d'un véritable procès. Le seul personnage qui défende les positions politiques du PC est très "mauvais", ses arguments tombent à plat. Soudain, comme l'émission est près de s'achever, Christian explose : "J'en ai marre, je ne peux plus entendre ça. Tous ces cons d'intellectuels qui parlent pour ne rien dire, je ne peux plus les supporter." Avec une extrême violence, il se met à parler du malaise qu'il a ressenti, de la haine qu'il éprouve pour ces façons de parler, qui lui semblent être une agression, une provocation, une sorte de défi à lui-même. Il développe aussi le thème que tout ce qu'on vient d'entendre n'a rien à voir avec le communisme, que le communisme ce sont d'abord les ouvriers qui sont capables d'en parler... Et puis de quel droit "dégueuler sur la Résistance, le parti de la Résistance, sur les écrivains et les poètes du Parti ?"
Il n'argumente pas vraiment, mais il exprime une sorte de colère contre lui-même, contre son incapacité à parler, à opposer de véritables arguments... Il me prend en quelque sorte à témoin:"Quand je les entends, ces gens-là, je me sens con, je me sens devenir con. Pourtant je ne suis pas un con, le travail que nous faisons ensemble le prouve, tu n'as pas cessé de me le dire... Tu me dis depuis quatre jour que ce que je raconte a un véritable intérêt... Alors pourquoi continuer à écouter ces gens-là ? Pourquoi ne pas prêter attention à ce que moi je raconte ?"
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Pour un prolo c'est dur, il est fatigué, toute la semaine sur une chaîne, il est crevé, surtout un OS qui a gratté sur sa chaîne. Un mec qui a vingt ans, que tu vois son corps, petit à petit, se racornir sur lui-même, ne plus parler, se recroqueviller petit à petit, intellectuellement et puis physiquement. Et ce mec, s'il veut apprendre quelque chose, il est obligé d'aller le samedi, sur son temps de loisir, apprendre, contrairement à tous les autres qui peuvent y aller pendant leurs heures de travail, contrairement à tous, et qui sont payés. Enfin, moi, je trouve ça complètement immoral, dégueulasse, et pourquoi personne n'en parle ? Quand t'es OS et que t'arrives dans une usine comme ça, quand tu veux un livre c'est à Besançon qu'il faut que t'aille l'acheter. Parce que ici t'as même pas un libraire qui est dépositaire de bouquins, qui a tous les bouquins. C'est un choix politique de Peugeot, sans doute. Il règne en maître sur cette région. Mais ça n'a jamais été non plu la revendication d'aucune organisation syndicale ou politique. Et alors, si ce n'est pas une revendication, c'est pas comme ça que le rapport de force s'établira (...)
Avant, en 1966, la bibliothèque du CE était à l'intérieur de l'entreprise. Mais une nuit Peugeot l'a déménagée. Il l'a foutue à l'extérieur, crac! Terminé. C'était en pleine période de conflit. Il est vrai que dans la bibliothèque y'avait des ronéos, et ça faisait beaucoup de boulot syndical. Moi, j'ai jamais dissocié le combat culturel pour la classe ouvrière, qui est vital, du combat de ses organisations syndicales.
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Il y avait, paraît-il, un député socialiste qui avait 10% des actions chez Peugeot. Moi (Christian Corouge) je veux bien de ce genre de politique politicienne mais quand tu vois tout ce nombre de gens qui crèvent. A l'hôpital de Montbéliard, ils ont fait un bâtiment de plus, tellement qu'il y a de crevés à la chaîne. Alors on continue, on en parle pas. Et l'hôpital psychiatrique qui vient de se créer...

Beaucoup d'ouvriers de Peugeot ?

Y'a que ça. Mais tu comprends, personne n'en parle. L'assistante sociale qui vient sur les chaînes, elle va dire au mec d'arrêter de picoler. Le mec va lui dire : "Tiens, tu prends ma pince et puis tu grattes" Bon, t'as compris, quoi! L'hôpital psychiatrique était à côté de Besançon, ça faisait trop loin, tu comprends. Une ambulance par jour pour amener les mecs de Peugeot qui font des dépressions, ça faisait trop loin. Donc on va bâtir un hôpital sur place. Il y l'usine, la morgue et l'hôpital, c'est un relais, c'est impeccable, et tu as le cimetière à proximité du coin et, avant que tu crèves, on te prélève tous les mois, sur ta paye, un franc quatre-vingt-cinq pour avoir le droit d'être enterré dans le cimetière Peugeot. Sur les feuilles de paye, tu as une caisse obsèques.
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Non, la visite de l'usine c'est vraiment pas dangereux pour Peugeot. Là où ça commence à devenir dangereux, c'est quand il y a des visiteurs qui sont un peu vicieux et qui s'approchent des bagnoles. ça nous est arrivé deux ou trois fois que des mecs ne se limitent pas à rester dans l'allée, s'approchent un peu des bagnoles et là... t'as des copains, et quand même de plus en plus souvent qu'avant, qui commence à agresser le monde en disant : " Vous êtes contents de nous regarder travailler, bande de cons ? Prends la pince, prends le marteau!" et là, les mecs se sauvent, et y a le guide qui les tire, qui leur dit : "Non, ne restez pas là" Et ces mecs ont fait la connerie de s'avancer. ça fait un peu comme dans un zoo, quand tu t'approches du gorille, là, qui va t'empoigner... ou d'un lion qui va te bouffer le bras. Eh bien, les mecs sur la chaîne, ils ont le même genre de réaction. Ils guettent, ils guettent, ils guettent, ils attendent, et si y en a un qui fait la connerie de passer, il se fait engueuler quoi. Alors aussitôt, y'a le guide... y'a tout le monde... toute la maîtrise qui est là, qui se précipite en disant au mec : "Toi , tu te calmes, parce que sinon, tu auras un avertissement"... pour impolitesse
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Philippe, lui, devait taper des numéros sur les caisses des bagnoles, les numéros de châssis, neuf numéros, répétés seize cents fois par jour. Tu imagines le nombre de trucs à frapper et la fatigue accumulée. Il est tombé malade et plutôt que de le mettre en "horaire normal" comme le toubib de l'usine l'avait conseillé, ils l'ont bien mis en horaire normal, mais ils lui ont laissé le même poste. C'est-à-dire qu'au lieu d'avoir un boulot plutôt... tranquille, il continuait à faire le même truc, mais avec deux maîtrises différentes, puisqu'il y a toujours deux tournées en production, celle du matin et celle du soir. Mais lui, il travaillait de sept heures à midi et de quatorze heure à dix-sept heures. Il était donc à la fois dans l'équipe du matin et dans l'équipe du soir. Et il fallait que Peugeot paye six dépanneurs pour ses absences ! C'était du massacre ! C'était un jour de mise pied après un jour de mise à pied. A chaque erreur de frappe, c'était un jour de mise à pied. ça c'est accumulé, ça c'est accumulé, et le mec, un jour, il a pris un flingue, puis il s'est descendu. Il avait vingt-cinq ans.
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