De ce point de vue, le développement fulgurant du SMS ("Short Message Service") est édifiant. Le SMS fut d'abord ajouté aux téléphones mobiles comme une option de second ordre. De plus, à l'époque de son introduction, le SMS était une innovation très peu ergonomique. Il fallait taper son message sur un clavier trop petit qui avait été fabriqué pour numéroter et non pour écrire. De même, l'écran était à peine suffisant pour lire un numéro de téléphone. Or, le SMS est devenu l'une des innovations les plus massivement diffusées du siècle dernier. Un peu de sagacité permet d'expliquer, a posteriori, le destin paradoxal de cette innovation. Malgré tous ses défauts, le SMS faisait sens pour l'utilisateur. Il offrait aux adolescents l’opportunité d'une conversation qui échappe à la fois aux règles classiques de la grammaire et au langage non-verbal. Si l'on saisit l’importance parfois douloureuse du rapport au corps dans la vie des adolescents, alors on comprend le succès qu'il a pu rencontrer chez eux, entre autre. Le SMS n'était pas beau. Il n'était pas directement utile. Il n'était pas forcément attirant. Assurément, il n'était pas facile. Mais il avait du sens pour l'utilisateur. C'est très paradoxal. Très étrange, même. Dès lors, c'est passionnant à comprendre.
Toute innovation met en scène un paradoxe qu'elle résout dans le même mouvement.