Dans ce petit livre,
Luc Ferry, avec le talent qu'on lui connaît, aborde la question de savoir ce que le principe de la ˝ destruction créatrice ˝ mis en évidence par
Schumpeter, comme moteur du capitalisme, peut avoir comme conséquences, au plan philosophique et au plan de l'évolution de nos sociétés, à travers l'autre face de cette destruction créatrice, qui est ˝
l'innovation destructrice ˝.
Le premier point, qu'il n'approfondit à mon sens pas assez, consiste à observer que l'innovation, qui est la condition de survie des entreprises, et a un cheminement tout à fait aléatoire et totalement non maîtrisable, ni même prévisible, peut avoir des conséquences très lourde sur des choses aussi profondes que, non seulement notre mode de vie, nos préférences d'usage de notre temps, mais aussi notre comportement, nos relations aux autres, et même nos valeurs, comme le montre bien l'internet par exemple. le fait que rien de ces évolutions du coeur de notre civilisation ne soit maîtrisable, a comme conséquence une perte totale de sens, ou de l'illusion que l'on pouvait avoir d'être en mesure de donner un sens à notre existence.
Sans avoir été plus loin que cette première analyse, tout de même un peu succincte, il passe à l'autre aspect de sa réflexion, à savoir que l'innovation étant une condition de survie dans le monde tel qu'il est, en occident, depuis plusieurs siècles, et chacun est soumis à ses impératifs, même s'il déplore un certain nombre de conséquences. Par exemple, selon lui, le besoin des entreprises de se créer et de développer la consommation dans le marché où elles agissent, leur impose de favoriser, par la publicité, mais pas seulement, une situation où le consommateur est de plus en plus écervelé, écarté de tout ce dans quoi (culture, spiritualité, profondeur des relations interpersonnelles, etc...) il pourrait alimenter son épanouissement sans avoir besoin de se lancer dans une consommation effrénée d'objet ou de sensations nouvelles.
Il examine plus particulièrement ce qu'il en est dans le domaine de l'art, pour observer que les bohèmes, donc ceux qui jouent, sans en avoir conscience, totalement le jeu de cette rupture créatrice qui constitue l'essence du capitalisme, ont tendance à l'embourgeoisement, et c'était déjà le cas au XIX° s (Nodier,
V Hugo, …). Et réciproquement, les bourgeois ont tendance à jouer le jeu de l'adhésion aux formes de l'art contemporain qui s'expriment par la rupture, et uniquement à cause de cette rupture.
Livre extrêmement stimulant, mais qui manque, dans les enchaînements du raisonnement, de la rigueur que le sujet aurait mérité, et à laquelle on se serait attendu de la part d'un professeur de philosophie.