Malgré la modicité de leurs ressources, les parents firent d'abord suivre au jeune homme le cours ordinaire des études, et il y montra les heureuses dispositions dont le Ciel l'avait doué. Mais il ne tarda point à laisser percer un tel goût pour le dessin, que, durant les leçons de ses maîtres, il ne cessait, en dépit de toutes leurs réprimandes, de crayonner, sur les marges de ses livres ou sur les murs de la classe, des portraits et des figures. même de peindre des fleurs" des arbres, des oiseaux, en un mot tous les objets qui frappaient ses regards.
Ce zèle du peintre français était d'autant plus remarquable que la plupart des jeunes artistes romains, d'après les conseils inconsidérés de leurs maîtres eux-mêmes, négligeaient ces études fondamentales de la peinture pour ne s'attacher qu'à l'exercice du pinceau. Aussi tous ses efforts ne parvenaient- ils guère à attirer sur lui l'attention, encore moins la sympathie des connaisseurs.
En cet état de choses, Quentin Varin, peintre d'Amiens, qui jouissait d'une grande réputation en Normandie, ayant été chargé de restaurer le château de Vernon, fit aux Andelys mêmes la rencontre du père de Nicolas. Quand il vit les ébauches de l'enfant, il y découvrit aussitôt, avec ce tact qu'ont habituellement les vrais artistes, le germe d'un talent si précoce et si extraordinaire, qu'il se plut à donner des soins tout particuliers à un élève dont il pressentait l'avenir. Les progrès de celui-ci surpassèrent tellement les espérances du maître, que connaissant la gêne à laquelle était réduite la famille de Poussin, Varin n'hésita point à l'engager à faire de lui un peintre.
Chemin faisant, il frappait, trop souvent en vain, à la porte des châteaux
et des couvents; il peignait des paysages, voire même des enseignes ou des portraits, à l'occasion; il était bravement, par résignation, descendu au métier! Mais qu'il ait travaillé en Bretagne, comme on l'a prétendu à la légère, parce que l'on a cru reconnaître, dans des paysages trouvés à Clisson, la manière du grand artiste, c'est ce qui ne paraît guère probable; car ces sites étaient trop écartés de la route de notre pauvre voyageur pour qu'il pût les visiter en passant.
Mais on ne s'étonne vraiment pas qu'un homme formé à une aussi rude école dît franchement, plus tard, à un personnage qui lui montrait un tableau de sa façon: « Pour devenir un bon peintre, il ne vous manque que d'être moins riche. »