Je peux me targuer d'avoir constitué au fil des ans une riche bibliothèque de traductions du roumain et de livres en marge de la culture roumaine. J'ai ainsi comptabilisé 321 traductions du roumain (dont beaucoup, hélas, introuvables aujourd'hui) et plus de 1000 titres en roumain où dans d'autres langues, dont le sujet est la Roumanie ou la littérature roumaine. Rassurez-vous, à l'exception des traductions qui sont mon défi (permanent) de lecture, je ne vais plus « encombrer » la base babelio de nouveaux titres en roumain. Je vais déjà tâcher de chroniquer (il me faudra un bon bout de temps pour cela) ceux déjà présents ici. J'ai donc « écumé » les derniers titres dignes de figurer sur ce site (qui m'est si cher), et je suis tombée sur cette sérieuse étude éthologique sur le vêtement en Roumanie, qui n'y était pas encore.
Elle fut publiée, dans des conditions assez obscures, en Allemagne en 1984. Toutefois, bon nombre des traditions décrites, telles que celle du « mărțișor » (cf. ma citation) ont perduré et subsistent toujours. C'est en cela que le livre est digne d'intérêt.
Tout d'abord il y a une pertinente introduction intitulée « se vêtir ou s'habiller : une question de langage » où sont éclairés certains termes récurrents comme vêtement, costume, traditions, folklorique ou villageois.
Je juge souvent un livre à son incipit. En l'occurrence, je le trouve très entraînant : « Se vêtir n'est pas toujours conçu ni perçu de la même manière par tous les peuples de la terre. Les milieux naturels diversifiés imposent aux êtres humains des comportements différents en matière de protection corporelle. Malgré le grand dénouement du petit des hommes à sa naissance, protéger son corps en le couvrant n'est pas une nécessité vitale universelle. Chez certaines ethnies, ce geste procède impérativement de la permanence de leurs besoins. Chez d'autres, se parer le corps de décor peint, de tatouage et de quelques objets de parure est la seule préoccupation du groupe, à tous les âges de la vie. »
Cette étude, je le rappelle, pointilleuse (publiée avec le concours du CNRS), est structurée en trois parties :
1) Tisser, coudre, broder aborde successivement les outils des femmes, le métier à tisser, les techniques de tissage encore en vigueur, les outils des hommes, le rôle des broderies sur les costumes traditionnels, des explications à propos des motifs décoratifs et les dénominations populaires des graphisme pour finir sur une note sur l'évolution de leurs ornementations.
2) le port du costume avec les différentes fonctions signifiantes (de différenciation, d'appartenance et d'identité, esthétique, érotique, cérémonielle et rituelle).
3) le rôle vestimentaire dans les rites de passage : à la naissance, à la puberté (entrée dans la « hora » [ronde]), lors du mariage, à la mort, pour le culte des défunts, les fonctions magiques attribuées à certaines pièces du costume.
Après une transition assez « coquine » (pourquoi se déshabiller ?) qui évoque la nudité ou bien le fait de mettre ses vêtements à l'envers on peut lire une conclusion sur l'évolution des fonctions du costume. À la fois le rôle du profane dans le maintien du costume et le rôle du sacré dans l'évolution de ses fonctions.
Une abondante iconographie est constituée de photographies aussi bien en couleurs mais surtout en noir et blanc que
Denise Pop-Câmpeanu a prises elle-même durant ses séjours en Roumanie en 1976, 1977, 1979 et respectivement 1981.
C'est écrit dans un style rigoureux et précis, parfois savoureux et cela se termine sur ces mots : « La mode, cette déesse toute-puissante et rassurante, reconnue par tous les milieux et vénérée de tous, est vécue par les populations rurales de Roumanie comme rationalisation des conduites individuelles passéistes et des spiritualités réprouvées dans le contexte politique de cette fin de vingtième siècle. »
J'ai commencé par une longue digression et je finirais par un court conseil : si vous croisez la route de ce livre, ne le pilonnez surtout pas !