AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782343131061
296 pages
Editions L'Harmattan (15/10/2017)
4.5/5   1 notes
Résumé :
LE TANTRISME TIBÉTAIN EN FRANCE
Le bouddhisme tibétain en France, bien implanté depuis plus d'une quarantaine d'années, continue d'être attractif, dans la diversité des bouddhismes disponible sur le territoire, pour de nombreux français. Après la « bouddhamania » des années 1980-1990, bien des centres tibétains, des « centres du dharma », qui se sont multipliés en vingt ans, ont connu des crises internes souvent cristallisées autour de la figure du maître, l... >Voir plus
Que lire après Le tantrisme tibétain en FranceVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Cécile Campergue nous propose dans cette étude en six parties principales, une forme de suite à son précédent ouvrage « Le Maître dans la diffusion et la transmission du Bouddhisme tibétain en France »* (paru en 2012), en une perspective plus précise en nos contrées.
5 années plus tard, le bilan paraît bien mitigé, pour ne pas dire alourdi d'une adéquation impossible sur une situation en satu quo.
En effet depuis la parution en 2017 de cet ouvrage les évènements n'ont fait que confirmer la “malaisance” qui sévit dans ces milieux, et aujourd'hui c'est loin d'être encore clôt !**
Nous avons bien sûr la lamentable fin de Sogyal Lakar autour de Lérab-Ling (qui n'est qu'à trois quart d'heure de notre domicile …) et la “perduration” d'une irréductible incompréhension de cultures sans doute, mais aussi de façon plus prosaïque, d'intérêts temporels divers et n'hésitons pas à le dire, de politiques d'État en exil.
La “spiritualité” a bon dos ! Encore faudrait-il s'entendre sur ce que cela recouvre … (nous développerons plus tard, sur la “critique” d'un autre livre,  Une boussole dans le brouillard - Gilles Farcet ) ; la “spiritualité” est de l'ordre de l'Humain depuis son origine ancestrale, la “religion” est de l'ordre d'une culture temporelle de cette humanité, s'en réclamant, souvent sans plus … !
Citant Rolf A. Stein, parlant du Tibet historique, lui préfère parler d'État ecclésiastique que d'État théocratique et sans doute à raison.
État ecclésiastique avec une “originalité” depuis le XIIe siècle, celle de “tülku” institutionnel de monachisme avec Dusoum Khyenpa, le premier Karmapa (1110-1193) ; pour situer en Europe c'est le début de la construction de la cathédrale Notre-Dame de Paris ... voilà en fait ce qui a “débarqué” quasiment en l'état brut dans nos contrées, un bon de huit siècles dans le passé et qui plus est d'une culture de l'autre bout du monde ! Il eut été à tout le moins de la plus élémentaire prudence d'agir avec circonspection ! Hélas la situation géopolitique du Tibet aux abois et un Occident en grands bouleversements qui avait du mal à se remettre entre l'abomination de l'après guerre 39/45 et la décolonisation, ont donné un amalgame des plus douteux ...
L'auteure nous donne un descriptif fort intéressant à ce sujet dans l'« Introduction Générale ».
Puis elle nous précise un point effectivement très “négligé” pour ne pas dire passé sous silence, et pour cause ! (mais à notre humble avis que très partiellement formulé, [p. 30]) ; la carence d'une partie fondamentale de la tradition du vajrayana, en particulier celle des chercheurs spirituels «sādhaka» ( tib. སྒྲུབ་པ་པོ། : sgrub pa po) sans attaches particulières(1), assez solitaires généralement, ce qui était fréquent dans le Tibet d'avant 1959. On peut dire à ce sujet que la politique globale des centres tels que nous les avons connus entre 1982 et 93, non seulement rendait la chose peut aisée, mais bien pire, ils s'y sont formellement opposé dans une véritable confiscation voire subversion, de la continuité des transmissions effectuées pas des maîtres “hors-classe” de cette époque au profit exclusif des “retraites” institutionnelles et autres “résidents de centres”. Ceci est très bien décrit page 222 ; la scission sociale arbitraire, artificielle, fratricide et funeste, s'est opérée dès la fin des années 80 début 90, concourant à l'isolement de ces lieux d'ailleurs non fréquentés par la diaspora tibétaine des laïques “non religieux” (p. 31) !
On peut donc dire effectivement qu'il s'agit là d'un “bouddhisme tibétain à la française”, car tronqué d'une part importante de ce qui en faisait le vif-argent dans son origine ! Factuellement donc très restreint dans son contenu et sa “qualité”, n'ayant finalement pas grand-chose à voir avec le Tibet historique … pour tout dire d'un intérêt spirituellement parlant, médiocre, comme d'autres religions trop souvent hélas, quand ce n'est pas pire !
Cela recouvre sans doute le terme employé page 32, de «  bouddhisme “d'export” avec une dynamique missionnaire », une interprétation avec un caractère passablement aléatoire dans les déclarations des associations et activités (loi 1901 ou 1905) du droit associatif par les groupes religieux en question :
« Jane Ardley souligne que la démocratisation du GTE (Gouvernement Tibétain en Exil) avait pour but de plaire à la communauté internationale. Cette démocratisation n'a pas été initiée à la demande du peuple mais par Le Dalaï-Lama, par le haut donc, ce qui rappelle la permanence d'une « opinion populaire conservatrice » selon les termes de Patrick French. » (p. 59)
Le « disneyworld for the Western bourgeois » (p. 59/60) que certains intellectuels tibétains en exils (comme l'écrivain Jamyang Norbu) égratignent souvent, est fort bien décrit dans les tenants et aboutissants.
En fait tout cela évoque plutôt l'entreprenariat d'entreprises religieuses, plutôt que des lieux de “spiritualités” à proprement parler.
C'est l'objet du troisième chapitre.
« Dans ce registre, bien des maîtres du bouddhisme tibétain ont adapté leur enseignement en incorporant des éléments non bouddhiques afin de mieux correspondre aux attentes de leur nouvel auditoire, quitte à proposer un enseignement de type New-Age. Dans leur rhétorique du bonheur, de la paix, de la responsabilité individuelle et de la liberté, ils participent pleinement au capitalisme néolibéral, qui, même s'ils le critiquent parfois fortement, concourt à le faire perdurer. (p. 131) »
Nous ne nous étendrons pas trop sur les “sādhanā” d'Amitabha (ou Eupamé) et états de consciences intermédiaires divers afférents du troisième chapitre, cependant il doit être quand même bien clair que ce sont de puissants moyens de modifications des perceptions et que en avoir le dépôt demande une maturité dans la pratique, une stabilité de tempérament aguerrie et un lien de confiance profond avec le détenteur de cette dynamique, faute de quoi cela peut être une source de perturbations importantes.
Quant aux allégations citées concernant Sogyal Lakar : « Malgré ses prouesses technologiques, la société moderne occidentale ne possède aucune compréhension réelle de ce qu'est la mort, ni de ce qui se passe pendant et après celle-ci », nous lui souhaitons d'avoir fait “un bon voyage” … le départ a été semble-t-il tourmenté !
D'ailleurs C. Campergue pointe du doigt le discours dysfonctionnel entretenu sur les rapports de la tradition en question avec le monde des sciences, incompatible dans sa cosmologie et dont « la base expérimentale est restreinte, (la collaboration entre quelques scientifiques bouddhistes et des méditants dont M. Ricard), la confirmation est biaisée et le protocole peu rigoureux. (p. 136) »(2).
Est abordé dans le quatrième chapitre ce que l'on pourrait appeler de façon triviale, l'entrée en concurrence “sur le marché religieux lucratif des décès”, « comme une “spécialité” des lamas tibétains » (p. 150/51), ce qui n'a pas été très bien perçu dans les milieux concurrentiels du clergé séculier catholique, nous en avons été témoin en son temps et ce de façons particulièrement pénibles … !
Suit dans le champ des domaines investis également celui des milieux du végétarisme et autres végétaliens, alors que cela ne constitue pas particulièrement un élément doctrinal de ladite tradition. (p. 151/52)
En outre, comme il est stipulé p. 152, dans certaines pratique du vajrayana il existe des éléments d'offrande nécessaires en particulier boissons alcoolisées et protéines animales ; (pour d'autres “sādhanā”, c'est l'inverse, il ne doit pas y en avoir … et l'on ne doit pas en avoir consommé précédemment).
le cinquième chapitre aborde la très délicate (et souvent controversée, à raison sans doute !) relation de maître et disciple dans un système institutionnel traditionnel, celui des “tülkus” spécifique au Tibet. Nous ne nous attarderons pas sur le sujet, nous bornant à signaler l'excellente biographie de Elijah Ary***
Dans « Tibétains et Occidentaux : Allégeance, Concurrence et Pragmatisme » nous est dépeint une situation fort peu ragoûtante de la situation dans nombre de ces endroits ; la prudence est recommandé !
Vient la “tarte à la crème” du fameux “samaya” ; c'est quoi cette histoire … ? Dans « Le Chemin de la Grande Perfection » de Dza Patrul (édit. Padmakara juin 1987, . 441) : “dam tshig” ( དམ་ (dam) ཚིག​། (tshig) est la relation particulière et personnelle entre un sādhaka postulant et un aîné (Dorje Lopön) qui a parachevé la sādhanā et lui transmet l'autorisation, l'introduction à une pratique de méditation particulière dans le Vajrayana ici, dans lequel les deux parties prenantes s'engagent à mener à terme l'objectif dans un engagement de précieuse fidélité réciproque, qui au final est une loyauté envers soi-même et notre propre nature de “l'indivision souffle-esprit”(ཪླུང་སེམས​། lung-sem) qui doit s'épanouir.
Pour plus de détails sur les types et degrés d'importance des “samayas” ainsi que leurs régénérescences nécessaires, on pourra consulter avantageusement le « Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme », pages 476/479 (3). En outre, et c'est du bon sens, c'est au fils des années voire d'une existence que l'on peut avoir une idée de la vie de ces liens précieux en nous-même dans leurs “qualités” et développements.
De tout ce confusionnisme résultent des centres en crise plus ou moins avérés et grave (sans doute pas tous heureusement !), mais par ailleurs bien implantés en bâtiments et propriétés ; rapports de l'un à l'autre ?
La « moralité douteuse » en question … « les bouddhistes diffèrent peu des autres personnes en général et le fait qu'ils ne souscrivent pas à toutes les doctrines normatives du bouddhisme est une indication de leur similarité avec les autres. » (p. 219). C. Campergue souligne ce fait de bon sens là aussi qui s'est heurté à une image d'Épinal du Tibet historique, et de sa vie traditionnelle, et de poursuivre : « la représentation dominante des Occidentaux à l'égard des lamas (notamment Tibétains mais aussi Occidentaux) est celle d'un sage, un être éveillé aux qualités surnaturelles (omniscience, clairvoyance, etc.). Faure rappelle que la majorité des clercs en Asie est plus préoccupée par des perspectives mondaines qu'extra-mondaines, en quoi les Tibétains seraient-ils ontologiquement différent ? »
Il y a là un aspect dysfonctionnel dans la relation qui mériterait en soi un approfondissement, entre une perception d'idéalité fantasmée et l'incapacité d'appréhender le factuel sur ces “malentendus culturels”, aboutissant au déni pathologique de part et d'autre.
Dans le sixième et dernier chapitre sont abordés les enjeux du “lamaïsme” hiératique tibétain institutionnel. L'auteure nous précise avec pertinence p. 235 que : « La place des Occidentaux dans certaines affaires tibétaines est loin d'être négligeable et elle a même pu contribuer à accentuer certaines rivalités religieuses et/ou politiques, renforçant ainsi le phénomène, déjà présent, de sectarisme des écoles dirigées par un ou plusieurs maîtres. », et que finalement il est reproché au Dalaï-Lama son oecuménisme, ce qui était le cas également de maîtres anciens tel que le 1er Kalù R. (Randjung Kunkhyab) Khyabbjé Dilgo Khyentsé, Lama Thoubten Yéshé, trois personnages incontournables dans l'établissement de la tradition du Vajrayana en Occident dans les années 70/80, d'ailleurs le terme de “converti(e)s”(4) est de ce point de vue dans le contexte de l'époque non seulement inexact, mais abusif dans le sens où il scinderait dans une appartenance communautariste à tendance sectaire, ce qui est le cas en effet ici depuis !
Il est souligné également : « ...le bouddhisme tibétain est pleinement entré dans l'économie capitaliste, c'est un élément à prendre en compte pour comprendre certaines évolutions majeures car cette économie convient tout à fait au développement mondial des différentes lignées. Même si bien des lamas critiquent la modernité occidentale, le capitalisme libéral et le matérialisme, ils profitent entièrement de ces caractéristiques... », nous ajouterons effectivement que début des années 90 l'orientation politico-financière hiératique du Tibet en exil, a tourné le dos dans l'ensemble à certains anciens et premiers maîtres venus en Europe, et en France particulièrement.
Cet excellent travail de thèse de C. Campergue se conclue sur des questionnements devant des attitudes et comportements pour le moins curieux, quand ce n'est pas franchement contradictoires : « Chez les convertis au bouddhisme tibétain, les discours et pratiques mêlent bien des contradictions (absence de dogme affirmé et soumission au maître, déritualisation et participation aux rituels liturgiques quotidiens, rationalisation des enseignements/bouddhisme comme “science de l'esprit” et croyances et pratiques aux divinités protectrices, etc.). Il n'est pas rare d'entendre des fidèles critiquer leur religion d'origine (la religion catholique essentiellement, jugée trop rigide, dogmatique, ritualiste, autoritaire) et de les voir se soumettre à l'autorité des lamas (même s'ils ne sont pas leurs maîtres ...) ! » (p. 277/78)
« Les lamas, ces virtuoses du religieux, sont les détenteurs des biens de salut, ce qui les isole … » (p. 273) , ce qui recèle un danger très réel faute d'être bien au fait de la situation, ce en quoi nous pouvons avoir de la gratitude pour le sérieux des travaux de l'auteure.
« Le tantrisme tibétain en France » semble être le compte rendu d'une pléthore de navires plus ou moins à la dérive sur “l'océan du Grand-Rien”, avec ses inévitables échouages quand ce ne sont pas des naufrages !
བཀྲ་ཤིས་ (tashi) ཤོག​། (shog) ou Mangalam ...
([Cela] puisse t-il être favorable !)
------------
* https://www.babelio.com/livres/Campergue-Le-maitre-dans-la-diffusion-et-la-transmission-du-/644762/critiques/648122
** https://www.sudouest.fr/dordogne/saint-leon-sur-vezere/bouddhisme-en-dordogne-un-lama-vise-par-une-enquete-pour-viol-et-agressions-sexuelles-3622123.php
(nous avons en notre possessions des documents pour l'heure encore confidentiels à ce sujet et affligeants, mais sans surprises pour nous qui avions déjà “signalé” en personne été 1985 et hiver 87 aux hautes autorités tibétaines compétentes de passage en ces lieux, la malfaisance de certains personnages en charge de “responsabilités” de l'endroit …)

(1) — chercheur spirituel (sādhaka, tib. སྒྲུབ་པ་པོ། : sgrub pa po/[phonétique] droub pa po) pratiquant de “sādhanā”(cheminement, quête spirituelle) ; stipulés clairement dans « La huitième stance des Commentaires sur Tārā » du stotra-tantra (de Vajra-Haya/aśva XXX [rdo rje rta mchog]), de ses 21 aspects.
En Inde c'était (et c'est sans doute encore le cas aujourd'hui) le fait de pratiquants plus ou moins solitaires du vajrayana.
(2) — propos assez pédant, nos disciplines scientifiques avancent :
http://versautrechose.fr/blog3/2022/05/la-vision-limpide-le-sens-profond/
*** https://www.babelio.com/livres/Ary-Tulkou--Autobiographie-dun-lama-reincarne-en-Occ/1104872/critiques/2905558
(3) — https://www.babelio.com/auteur/Philippe-Cornu/142721/citations/2721224
https://www.babelio.com/auteur/Philippe-Cornu/142721/citations/2721225
(4) A propos de la « conversion »
Au sens essentiel du terme, la “conversion” n'est pas une démarche consistant à embrasser une religion, mais un retournement intime, un phénomène de redistribution énergétique, pour ainsi dire. p. 100 dans :
« Une boussole dans le brouillard », Gilles Farcet - Éditions du Relié © 2019

Lien : http://camisard.hautetfort.c..
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
Selon l'avocat et spécialiste du droit des cultes en France, Alain Garay, il existe une grande méconnaissance du droit associatif par les groupes religieux et souvent un caractère passablement aléatoire dans les déclarations de l'association et ses activités (loi 1901 ou 1905).
Si l'UBF a été incontournable dans le processus d'institutionnalisation des bouddhismes en France, une autre fédération, propre au bouddhisme tibétain cette fois, a vu le jour en 1991 pour favoriser les venues du Dalaï-Lama, tenter de fédérer les centres existants et promouvoir la cause tibétaine. En 1990, à Dhagpo Kagyu Ling, les principes d'une fédération sont discutés mais certains membres ne sont pas en accord avec la représentation politique du Dalaï-Lama et veulent séparer les activités religieuses des activités politiques. En 1991, 21 centres se fédèrent et Dhagpo Kagyu Ling refuse de s'y intégrer. En août 1991, la venue du Dalaï-Lama en Périgord est encore gérée par l'association régionale ABCD (Association Bouddhiste des Centres de Dordogne) fondée par Dhagpo Kagyu Ling car les statuts de la FBT « Fédération du Bouddhisme Tibétain » ne sont pas encore déposés. Devenue quelques mois plus tard officielle « en réponse aux vœux de Sa Sainteté le Dalaï-Lama », la FBT est un réseau d'entraide et d'échanges pour superviser ses visites en France. Ses représentants sont accueillis en mars 1992 à Dharamsala pour y organiser sa prochaine visite. C'est un lama français, Lama Lodreu, disciple de Kalou Rinpoché, qui en est le président fondateur. La FBT a le statut d'une association culturelle et regroupe actuellement 22 groupes adhérents (environ 35 centres). Liogier souligne que la FBT est « devenue un organe à part entière de l'État tibétain déterritorialisé ».
p. 57
Commenter  J’apprécie          10
… après “l'affaire” des centres OKC, l'organisation bénéficie toujours de la considération et de la caution des autorités tibétaines. La vie communautaire a engendré la création de couples et des naissances (souvent effectuées sur le centre) ont eu lieu. Avec une volonté et un désir d'autogestion, les enfants ont été éduqués sur place. Il s'agit là d'une exception en France, l'éducation des enfants était assurée par la communauté (les parents n'étaient pas toujours présents) ainsi que tous les autres aspects de la vie sociale. La communauté survenait à ses besoins. L'organisation du Lama Kunzang mais aussi sa personne même, ont fait l'objet de critiques d'anciens adeptes, dont certains enfants éduqués au sein du centre, ce qui a débouché sur une instruction judiciaire en 1997. En 1996, ce centre a été listé dans le rapport Guyard de la commission d'enquête de l'Assemblée Nationale contre les sectes comme “secte à dangerosité présumée”. Lama Kunzang a fait l'objet d'une détention provisoire de six mois (sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui) après son arrestation spectaculaire du 30 mai 1997 : plus de 150 gendarmes sont venus perquisitionner à Nyima Dzong alors qu'une opération de même envergure a été diligentée dans le centre de Bruxelles et les boutiques de l'organisation. Lama Kunzang a été arrêté à son domicile. Les attaques à son égard vont de l'enrichissement personnel aux abus sur mineurs. Des témoins de l'époque, dont les récits divergent, témoignent de controverses imputables à d'anciens fidèles, qui, à cause de problèmes de couple et d'éducation des enfants, se sont retournés contre le lama. Lama Kunzang n'habitait pas sur le centre, il vivait chez lui avec femme et enfants. Lorsqu'il s'est fait arrêter, le centre de Chanteloube, auquel il était plus ou moins “relié” a été perquisitionné. Un procès (contre OKC, Lama Kunzang, sa femme et certains adeptes) a débuté en janvier 2016 (une enquête qui a duré 19 ans...) avec 23 parties civiles. Lama Kunzang n'est jamais revenu en France et vit en Espagne, ne participant pas aux audiences pour raisons de santé et son avocat a plaidé l'acquittement. Le procureur a requis 13 ans de prison à son encontre. Le prononcé, rendu le 15 septembre 2016, a condamné Robert Spatz à une peine de prison de 4 ans avec sursis et a condamné OKC (l'association ASBL) à des confiscations de plus de 4 millions et demi d'euros. Le verdict est jugé “insultant et infondé” par les membres actuels de Nyima Dzong. Effectivement, le centre existe toujours, et, en visite sur les lieux en mai 2016, il y avait 7 personnes qui vivaient là, dont un couple de pionniers qui a toujours vécu au centre depuis sa création (cette femme était alors l'institutrice). Un moine tibétain habite sur place, certains lamas tibétains viennent chaque année pour conférer des enseignements et le réseau de centres OKC est placé sous l'autorité de Rabjam Rinpoché, abbé de Shechen. Les quelques personnes qui sont restées, tentent, avec les “moyens du bord”, de faire vivre le centre.
p. 186/87/88
Commenter  J’apprécie          00
En 2008, c'est le plus grand monastère Kagyu auvergnat qui est l'objet d'un scandale qui va secouer la communauté et entraîner des départs. Au centre du scandale, un lama moine parmi les plus prestigieux du monastère, fidèle disciple et traducteur de Lama Gendune, Lama Yéshé Nyingpo, un maître de retraite réputé pour la qualité de ses enseigne-ments et hautement respecté par toute la communauté. Ce lama a été révoqué par l'institution, notamment du fait qu'il entretenait, depuis de nombreuses années, des relations à caractère sexuel avec plusieurs de ses disciples et qu'il a donc “menti” pendant plusieurs années, en ayant brisé ses vœux monastiques. Sa révocation n'a pas été directement le fait de ses disciples (des retraitants l'ont tout de même dénoncé) mais celle de l'institution, qui l'a destitué de son titre de lama et l'a mis à l'écart du monastère en lui interdisant d'enseigner comme lama de la lignée Kagyü dans tous les centres reliés à Dhagpo. Ce dernier ne s'est pas opposé au verdict. Cette histoire a bousculé plus d'un fidèle et a suscité beaucoup d'émotions, de colères et de critiques. Pour certains, il s'agit d'un véritable scandale, d'une honte. Les autorités tibétaines ont agi de manière rapide, la gestion de l'incident s'est faite discrète afin de ne pas éveiller la curiosité des observateurs et des médias, ce qui n'a pas été du goût des personnes concernées par les “frasques” du lama-moine.
p. 207/08
Commenter  J’apprécie          10
La politisation du bouddhisme tibétain en France s'est effectivement effectuée par le haut, par le “truchement d'une cause historique” comme le note Liogier. Au début de l'implantation des premiers centres, tous étaient concernés par la cause tibétaine et la reconnaissance du Dalaï-lama comme autorité religieuse et politique était totale. Cependant, ce modèle a évolué et certaines communautés se sont distanciées parfois radicalement (cas de La Nouvelle Tradition Kadampa) de l'activité politique et religieuse du Dalaï-Lama pour des raisons diverses. La situation de l'exil, le financement du GTE* (par exemple, le financement par la CIA des années 60), la suprématie Guéloug dans les institutions en exil et les problématiques y afférant, les différentes stratégies du GTE conjointes à celles, isolées, de maîtres de différentes écoles et le sectarisme de ces dernières, largement autonomes, ont eu des conséquences sur les relations entre communautés implantées sur le sol occidental, parfois en situation concurrentielle (divisons internes et schismes, sectarisme, factions, jalousies, etc.).
* (GTE : Gouvernement Tibétain en Exil)
p. 29
Commenter  J’apprécie          10
« les différentes lignées religieuses, alternant alliances, rivalités et intrigues » L'inséparabilité du religieux et du politique se traduit par la fusion du pouvoir temporel et spirituel avec l'exemple connu de l'institution des Dalaï-Lamas. La féodalité, déjà présente sous la dynastie royale, a perduré jusqu'en 1959. Le moyen de production étant la terre, les droits sur celle-ci étaient dépendants des statuts sociaux ; au Tibet central, toutes les terres appartenaient au Dalaï-Lama. Seulement lui, le clergé et la noblesse pouvaient être propriétaires terriens. La course au pouvoir entre les lignées religieuses allait de pair avec le pouvoir sur la propriété. La noblesse, exemptée de taxes, devait fournir des fonctionnaires pour le gouvernement (armée et administration). Rolf A. Stein préfère parler d'État ecclésiastique plutôt que d'État théocratique*, les Dalaï-Lamas n'étant pas les seuls à avoir régné sur le Tibet, certains étant décédés trop tôt pour exercer leurs prérogatives. L'institution des Dalaï-Lamas et le règne hiératique qui l'accompagne permettent de comprendre les rivalités entre factions rivales. Avant 1959, les monastères, ressemblant souvent à des forteresses ou à des villes monastiques, regroupaient environ 10 à 20 % de la population masculine, un véritable monachisme de masse. Dans certaines parties du pays, il existait une corvée impliquant que chaque famille, dans la mesure où elle avait plusieurs fils, devait envoyer le cadet au monastère. Mais souvent, les parents décidaient d'envoyer leur fils (vers 5-10 ans) pour des raisons religieuses, sociales et économiques. Un des traits saillants du bouddhisme tibétain est l'importance accordée aux lignées de transmission et au rôle fondamental du maître (moine ou laïque). Toutes les lignées se disent constituées d'une chaîne se voulant ininterrompue de maîtres éveillés qui remonte au Bouddha historique et qui ont transmis la grâce et les bénédictions à leurs disciples.
---
* La civilisation tibétaine, Paris, L'Asiathèque, 1996.
p. 20
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : bouddhismeVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (1) Voir plus



Quiz Voir plus

Jésus qui est-il ?

Jésus était-il vraiment Juif ?

Oui
Non
Plutôt Zen
Catholique

10 questions
1833 lecteurs ont répondu
Thèmes : christianisme , religion , bibleCréer un quiz sur ce livre

{* *}