Un homme effacé, d'
Alexandre Postel
Comme évoqué dans un précédent billet, j'ai découvert
Alexandre Postel dans des Podcasts de France Inter. L'homme m'avait semblé sympathique et sérieux, et très volontaire quant à son envie d'oeuvrer pour la diffusion de la littérature.
En fouillant sur lui, j'ai appris qu'il avait eu le Goncourt du premier roman pour cette oeuvre en 2013. Anecdote intéressante : ce manuscrit a été refusé par tous les éditeurs de la place parisienne. Au bout du rouleau,
Alexandre Postel, également professeur de français, décide de prendre son courage à deux mains et de transmettre ce manuscrit à un ancien professeur de français devenu écrivain,
Daniel Pennac, parce qu'il sentait bien « qu'il y avait quelque chose à faire avec ce manuscrit malgré tout ».
Daniel Pennac, manifestement un mec sympa, lit ce manuscrit de ce type qu'il ne connaît ni d'Ève ni d'Adam. Plutôt bluffé, il le transmet à son éditeur chez Gallimard. La suite, je vous l'ai dévoilée : Goncourt du premier roman,
merci Daniel ! Comme quoi, et malheureusement, publier est aussi (surtout ?) une affaire de réseau…
Bref, de quoi parle ce premier roman au prix prestigieux ?
L'histoire est plutôt originale. Elle retrace la vie d'un professeur de philo, Damien North, interpellé par la police pour visionnage et commande d'images pédopornographiques. À tort ou à raison, je ne vais bien sûr pas le dévoiler, mais c'est une question que l'on pose pendant les deux tiers du livre. Mais somme toute, ce n'est pas qui compte dans cet opus bien construit et bien mené.
Ce qui fait sujet ici, ce sont les autres, avec leurs masques et leurs conventions. À partir du moment où l'interpellation résonne dans la presse, et avant même que l'homme soit jugé ou non coupable, les proches changent leur fusil d'épaule. Car bien que tout homme soit présumé innocent avant d'être jugé coupable, cela n'existe plus lorsqu'il s'agit d'enfants. Ainsi, une interpellation fait office de verdict. Les proches s'inquiètent du temps que leurs enfants ont passé avec North ; la faculté qui emploie le professeur revisite les relations avec les étudiants ; le voisinage a finalement toujours trouvé bizarre ce type, etc. Une fois le ver dans le fruit, il est extrêmement compliqué de l'en retirer, à moins bien évidemment d'une preuve d'innocence irréfutable (ce qui, d'un point de vue judiciaire, est une folie). Par ailleurs, personne ne cherche à comprendre réellement qui est Damien North, ni si une telle accusation est fondée. À commencer par son avocat, qui ne peut s'empêcher de traiter cette affaire comme toutes les autres affaires du même acabit. Mais les affaires peuvent-elles être similaires sur des sujets si compliqués ? C'est bien là, entre autres, la question.
On pourrait en dire beaucoup plus sur l'histoire mais il ne s'agit pas de vous révéler ce qui fait l'intérêt du livre. Vous avez le début, à vous de découvrir le milieu et la fin.
Il y a quelques passages flottants, peut-être inutiles, mais jamais dérangeants. C'est un peu la signature que je perçois de Postel dans ces deux romans. Une écriture toujours belle et fluide, qui sauve les moments où la narration se traîne ou se perd un peu en chemin. J'ai un ressenti un peu ambivalent sur cette écriture si « parfaite » en un sens, et souvent « plate » dans un autre. Tout y est toujours bien senti, bien amené, bien expliqué, et pourtant on peut s'ennuyer, divaguer… Mais peut-être est-ce aussi cela, la littérature ? Une façon de nous tenir et de nous lâcher dans le même temps, de nous rendre libres d'aller jusqu'au bout, ou pas, sans chercher la mise en haleine permanente.
Il y a des trucs chez cet écrivain que j'aime bien et que je ne sais pas nommer. Sa ténacité et sa grande discrétion, sûrement.
Jo la Frite
Lien :
http://coincescheznous.unblo..