Amours, démons, dragons factices
Vrillent encore et font des bonds ;
Les serviteurs sur les pelisses
Dorment, fourbus, près du perron ;
On tape encor des pieds, on tousse,
On râle, on hue, on siffle, on glousse ;
A l'intérieur et au-dehors
Les lanternes brûlent encor ;
Les chevaux bronchent, ruent, s'empêtrent
Dans des harnais glacés sur eux,
Et les cochers autour des feux
Battent des mains, grondant leurs maîtres,
Mais Evguéni vient de sortir,
Il rentre chez lui se vêtir.
Chapitre Premier, XXII
Oh ! Que vienne ma liberté !
Il en est temps. Je la supplie.
Silence soudain. Les mâchoires
Travaillent. De tous les côtés
On n'entend plus que les fourchettes
Et que le tintement des verres.
Vient un moment où le vacarme
Reprend ses droits. In rit, on crie,
Sans rien écouter ; on discute,
On glapit... Mais la porte s'ouvre.
Entrent Lenski et Onéguine.
" Bonté divine ! Enfin ! C'est lui ! "
Mon oncle a d'excellents principes.
Depuis qu'il se sent mal en point,
Il exige qu'on le respecte.
L'idée est bonne, assurément !
Et l'exemple sera suivi.
Mais, Seigneur Dieu, quelle corvée !
Rester au chevet d'un malade
Nuit et jour sans pouvoir bouger !
Et quelle vile hypocrisie !
On fait risette à un mourant,
On redresse ses oreillers,
On arbore un air lamentable
Pour lui apporter sa potion ;
Et l'on pense : qu'il aille au diable !
Combien de fois, dans l’éloignement
De mon errante destinée,
Moscou, c’est toi que j’évoquais.
Moscou, que de choses dans ce son
Pour un cœur russe sont réunies !
Combien d’échos résonnent en lui.
(traduction de Nata Minor - chez Points)
De belles lèvres sans sourire
Me déplaisent comme du russe
Sans quelques fautes de grammaire.
(Chap. III, 28)
De belles lèvres sans sourire
Me déplaisent comme du russe
Sans quelques fautes de grammaire.
XLI
L'aurore point dans la nuit froide,
La rumeur des travaux s'endort....
Les vaches ne vont plus aux champs,
Le pâtre à l'aube renaissante,
Ne les sort plus ; au soleil lourd
Nul cor ne sonne leur retour.
Dans son isba la vierge chante,
File, et, ami des soirs d'hiver,
Brûle un feu de résine clair.
XLII
Déjà les premiers gels déposent
leurs dais d'argent sur les prairies -
(Le lecteur veut sa rime en "rose" ;
Mais prenez-la, je vous en prie !)
Plus lisse qu'un plancher de lattes,
Luit la rivière blanche et plate,
Le peuple agile des gamins
Fend la glace avec des patins.
Les pattes rouges, l'oie pompeuse,
Croyant flotter sur le courant,
Descend vers l'eau d'un pas prudent,
Trébuche et - pouf... minute heureuse,
La neige , un peu timide encor,
Vole en étoiles sur les bords.
Mortels ! vous êtes tous semblables
À Ève, notre bonne aïeule :
Ce que vous tenez vous ennuie.
Toujours le serpent vous attire
Vers les mystères de son arbre.
Il vous faut du fruit défendu.
Sans quoi l'Éden est insipide.
Oui ! l'oubli et l'indifférence
Nous attendent dans l'au-delà.