Cet ouvrage retrace l'histoire d'un des mécénats les plus actifs en France : celui de la famille Rothschild, dont tous les membres furent des amateurs distingués.
Pauline Prévost-Marcilhacy orchestre de main de maître cette anthologie, à laquelle ont participé de nombreux auteurs, spécialistes des arts représentés dans les cabinets « Rothschild » de la IIIe République jusqu'à nos jours : l'enluminure, l'orfèvrerie, le bijou, la peinture, la tapisserie, l'estampe, le mobilier, les tissus...
Il serait difficile de faire une énumération complète tant l'ensemble, qui se déploie dans trois grands volumes généreusement illustrés, est vaste, riche et parfois surprenant : en témoignent le chapitre sur les montres et écailles piquées de la baronne Salomon de Rothschild ou celui sur les fourreaux de pipes donnés en 1927 à la bibliothèque de Grasse par Alice de Rothschild.
Il ne s'agit heureusement pas dans ce livre de décrire tous les objets donnés aux musées et aux institutions, mais de faire découvrir au lecteur les plus beaux, les plus intéressants et les plus célèbres. Car en parcourant les pages, on réalise que de nombreuses pièces maîtresses de nos musées proviennent de dons ou de legs des Rothschild, comme le trésor d'argenterie romaine de Boscoreale acquis pour le Louvre par le baron Edmond James en 1895, unique en son genre. Sa collection d'estampes et de livres illustrés, qui occupe une part importante du troisième volume, constitue également un des fleurons du département des Arts graphiques du musée du Louvre.
Mais l'on est aussi frappé par des personnalités moins connues, qui apparaissent dans l'ouvrage pour la première fois en pleine lumière : Charlotte de Rothschild, que l'on savait être la généreuse donatrice de la collection Strauss au musée de Cluny, était aussi aquarelliste et férue d'art contemporain. Elle fut une des premières à acheter des oeuvres à Camille Claudel, ainsi qu'à toute une cohorte d'artistes en difficulté, parfois demeurés obscurs, qu'elle soutenait en vue d'enrichir les musées de province. Sans elle, le musée de Morlaix posséderait-il une toile de Lucien Laurent-Gsell ? le musée de Saint-Dizier une belle étude de Victor Prouvé ? Rien n'est moins sûr... le caractère biographique du livre, construit autour des différentes figures de la famille Rothschild, permet précisément de donner vie à des dons désormais bien désincarnés sur les cartels des musées.
De ces petits « romans » de collectionneurs, on tire du reste plusieurs enseignements qui ne laissent pas d'étonner. Tout d'abord, il n'y avait certainement pas de « goût Rothschild » car la diversité est le maître mot de toutes ces collections. de même, certains Rothschild étaient des sortes de « cousins Pons » passionnés par la quête de la pièce rare ; d'autres étaient des philanthropes, surtout intéressés par la réputation attachée à leur nom. Enfin, le mécénat des Rothschild fut, au-delà d'une affaire d'hommes, également une affaire de femmes, dont on redécouvre ici le caractère et l'originalité.
Par
Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 529, décembre 2016