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L'extraordinaire voyage du fakir tome 1 sur 2
EAN : 9782842637767
252 pages
Le Dilettante (21/08/2013)
  Existe en édition audio
3.12/5   3412 notes
Résumé :
Un voyage low-cost... dans une armoire Ikea! Une aventure humaine incroyable aux quatre coins de l'Europe et dans la Libye post-Kadhafiste. Une histoire d'amour plus pétillante que le Coca-Cola, un éclat de rire à chaque page mais aussi le reflet d'une terrible réalité, le combat que mènent chaque jour les clandestins, ultimes aventuriers de notre siècle, sur le chemin des pays libres.

Il était une fois Ajatashatru Lavash Patel (à prononcer, selon les... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (645) Voir plus Ajouter une critique
3,12

sur 3412 notes
En général je ne dis pas « c'est mauvais », je dis « j'ai pas aimé ».
Oui mais là… c'est vraiment mauvais.
Et en plus j'ai pas aimé.

Je développe ?
Sachant que je me suis (héroïquement) envoyé l'intégralité des 253 pages de ce machin, autant argumenter.
Donc je développe.

L'histoire du fakir qui... que... tout ça, se veut loufoque, originale, irrésistiblement drôle et accessoirement moraliste. Hélas, si l'auteur a puisé son inspiration au pays d'Ikea, ce n'est certainement pas chez Jonasson ou Mankell, ç'eût été trop beau. Les aventures de son indien calamiteux se résument donc à une fablounette approximative et niaiseuse, lestée d'un assemblage de clichés maladroits et dégoulinants de démagogie politiquement correcte.

L'histoire, passe encore, mais comment parvenir à se concentrer sur celle-ci tant le style de la narration pique les yeux ? Lourdingue, indigent, malhabile…. J'en pleure encore.
De rire.
Ou de désespoir, je ne sais plus.

Tiens, exemple-type de la phrase qui pique : « Une vraie caverne d'Ali Baba. Il y en avait de partout.»

Au hasard, autre phrase qui pique (si, j'insiste) : « Si elle voulait quelque chose, elle le prenait de suite.»

J'aime pas quand ça pique.

En revanche, le linguiste avisé notera sans déplaisir un fascinant effort de syntaxe de la part de l'auteur, dont l'étourdissant répertoire d'expressions suggestives telles que joli, jolie, jolis, jolies, belle, belles, beau, beaux, très beaux, vachement beaux… force le respect. De quoi, dans quelques années et avec un peu de pratique, détrôner Enid Blyton et son incontournable Oui-Oui au pays des placards en kit.

Mention spéciale également aux multiples envolées poétiques rivalisant de virtuosité et dont je vous livre ici gracieusement quelques spécimens remarquables :

« Ajatashatru leva ses yeux Coca-Cola vers la jeune femme. Ils pétillèrent comme le soda lorsqu'on le verse dans un verre. »

« Elle reposa le combiné, dévorée par les flammes d'un feu sauvage. » (pardon, j'ai pouffé)

« L'eau qui sortait de la poire des douches avait un aspect sombre et terreux » (chez moi c'est une pomme, mais bon, ça reste du Sacha Distel, on va pas chipoter).

Dans un dernier élan d'indulgence un peu lasse, oublions le style au bénéfice de l'humour. Car bien sûr l'auteur est un comique. Comique érudit qui plus outre, qui recycle avec un opportunisme d'une rare élégance l'humour des années soixante-dix (« il attendait qu'un feu rouge crache sa pastille Valda »), les métaphores subtiles propres aux années quatre-vingt (« il fondait aussi vite qu'un glaçon sur le nombril de Kim Basinger ») ou de saisissantes références à la littérature des années deux-mille (« il ne faut pas tenter le diable… même s'il ne s'habille pas forcément en Prada… »)

LOOOL, MDR, PTDRXXL.

Courage, c'est pas fini, car je tiens à partager l'allégresse qui m'étreint à la relecture du mini-florilège de vannes-à-deux-balles proposé ci-après (dans le texte et non exhaustif hélas) :

« Le président de la France s'appelait Hollande. Tiens, quelle drôle d'idée ! le président de la Hollande s'appelait-il monsieur France, à tout hasard ? » (soupir)

« Taisez-vous et laissez-nous travailler ! Coupa froidement Demarbre, qui avait toujours un peu de mal à le rester [virgule] de marbre. » (re-soupir)

« Sophie Morceaux dut se faire à l'horrible réalité : elle était devenue borgne. Ce qui était intolérable, vous en conviendrez, pour une actrice qui n'avait même pas tourné dans Pirates des Caraïbes. »

LOL, MDR, PTDRXXL bis.

Oui j'ai pris des notes ! D'aucuns trouveront sans doute le procédé mesquin mais ce fut pour moi le seul moyen d'endurer dans la sérénité ce déferlement de pouèt-pouèt-tagada-lol-mdr-ptdrxxl, et d'être à même de rédiger mon commentaire avec l'objectivité que mérite toute entreprise littéraire, fut-elle une bouse cosmique de cette envergure.

Dans sa biographie fantaisiste l'on apprend que Romain Puértolas a exercé à ce jour d'innombrables métiers, de professeur de langues à découpeur de femmes dans un cirque autrichien (LOL, MDR, PTDRXXL). Alors, le plan arnaqueur-plumitif monsieur Puértolas, ça, c'est coché. A présent passez à autre chose hein, ça ne pourra pas être pire.

Quant à toi, vaillant ami lecteur qui aura eu la bonté de me lire jusqu'au bout, j'ose espérer t'avoir épargné la dépense parfaitement inutile de dix-neuf euros, prix-public-conseillé. Si c'est le cas, ne me remercie pas car c'est offert de bon coeur (humour des années quatre-vingt, LOL, MDR, PTDRXXL).


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Mouais, bof ! Voilà ce qui me vient à l'esprit en refermant ce bouquin. Je m'attendais à rire, je n'ai même pas esquissé un sourire. Pourtant, l'histoire loufoque de ce fakir venant en France avec, pour tout argent, un faux billet de 100€ imprimé d'un seul côté, devant servir à acheter un lit à clous dans l'enseigne suédoise pouvait avoir du charme. En général, je suis bon public et je ne demande pas à ce genre de livre d'être d'une grande qualité littéraire. Je veux rire, me divertir, c'est tout.

Mais là, je n'ai rien ressenti. D'abord parce que, d'entrée de jeu, le fait que l'on m'explique les jeux de mots ou qu'on me les mette en italique, des fois que je sois idiote ou myope (barrer la mention inutile), a eu la fâcheuse tendance à me mettre les nerfs en pelote. Ensuite, le style : je le disais, je ne réclame pas de grandes envolées littéraires mais un minimum quand même. J'ai repéré des non-inversions de sujets par exemple. Décidément, j'ai l'impression que c'est à la mode (cf. Hysteresis) ! J'avais lu dans des critiques de presse que ce roman était picaresque, ébouriffant de drôlerie etc. Certes, s'il y a bien des éléments faisant de cette histoire une fable picaresque, on est loin de l'Histoire de Gil Blas de Santillane pour ne citer qu'une oeuvre.

Ce qui est bizarre, c'est que certains passages, notamment ceux qui évoquent de grandes causes comme la misère, sont très habilement menés et fort bien écrits. Je ne connais pas cet auteur mais je me dis qu'il n'est peut-être pas fait pour le comique. Après tout, Racine avait bien subi un échec avec sa pièce comique, Les Plaideurs. Il avait su rebondir en continuant, avec brio, dans un genre qu'il connaissait bien : la tragédie. Romain Puértolas maîtrise peut-être mieux le pathos. A voir...

Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, et bien dommage qu'il n'y soit pas resté coincé avec son livre ! À part ce titre alléchant, rien dans le livre n'a attiré mon attention.

C'est truffé de blagues foireuses du genre "le gardien de la paix Demarbre avait toujours un peu de mal à le rester, de marbre" et les innombrables jeux de mots autour du nom imprononçable du fakir "attache-ta-charrue ou je-chante-dans-la-rue ou..." Non je ne vais pas tous les faire, on s'ennuierait.
Bon pour le résumé, l'essentiel est dit dans le titre. Notre héros va croiser l'amour, voyager à sa façon, se faire courser par un gitan, rencontrer une actrice et devenir écrivain. le tout orchestré par un scénario sans intérêt aussi plat que l'humour qui s'en dégage. Ah j'oubliais ! Une happy end bien sûr puisque notre héros fait le bien autour de lui. Areuhhhhh !

Bref, à part la première de couverture, je ne vois pas d'autre chose à mettre en relief...


Lien : http://mes-petites-boites.ov..
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Je ne sais pas quoi penser
Roman stupide au jeux de mots puérils (arheu arheu comme nous le dit justement « Paroles ») avec une seule et unique idée intéressante et profonde :

A cause du combat qu'ils mènent chaque jour, les clandestins sont les ultimes aventuriers de notre siècle et ils sont horriblement exploités.

Ou bien roman à prendre à un second degré vraiment bien caché ?

On sait qu'en mesurant une cabine téléphonique dans tous les sens, en multipliant le rapport de sa longueur par la moitié de la diagonale du cadran et en l'élevant à la puissance du nombre d'or, on peut trouver la distance séparant la pointe de la pyramide de Khéops du sommet du cratère Clavius sur la lune le jour de son apogée.
De même en triturant copieusement un texte on peut y trouver des sens cachés. Je m'y risque tout de même :
Ce roman pourrait être un éloge de la compassion, du bonheur qu'elle peut procurer et du pas immense qu'elle peut faire sur la voie de l'éveil.
Car notre fakir n'est pas indien pour rien et nous savons l'importance de cette voie pour l'hindouisme et le bouddhisme et l'importance qu'elle devrait avoir pour nous aussi.
Mais nous pouvons aller encore plus loin. Ajatashatru est certes indien mais il n'est pas fakir pour rien, car le fakir est un yogi qui chemine du côté obscur de la force ; un yogi qui atteint la maîtrise de son esprit, non pas pour le salut de son âme et l'extinction du Samsara, mais pour le profit immédiat et sordide, utilisant sa maîtrise acquise pour duper et exercer le pouvoir.

Or quand Ajatashatru vient en aide à autrui ce n'est pas le bonheur de l'autre mais le sien propre qu'il recherche. Ce qu'il cherche c'est le plaisir de s'envoler sur son nuage.

Et oui Ajatashatru tu es démasqué !

Ainsi donc tu vas comprendre que tes talents pourrait être utilisés pour le bien d'autrui mais fakir tu es, fakir tu resteras, tu feras donc un pas sur une autre voie ; mais toujours pas sur la bonne.

Serions-nous la devant un roman de mise en garde de la fausse voie, à ne pas suivre, lorsque l'on veut venir en aide ? Sur l'ineptie qui dirige les hommes dans leurs actes solidaires ? Chaque action menée en faveur des clandestins, chaque geste motivé par la sauvegarde de la planète, de la faune, de la flore, de la paix et, à la fin, de l'humanité est il vraiment un acte gratuit, un acte de véritable sauvetage désintéressé ?

Ce serait vraiment splendide que ce roman soit un message sous forme de mise en garde mais franchement j'ai peur de m'égarer et que, comme l'a dit « isabelleisapure », seul le titre de ce roman puisse expliquer son succès.
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4e de couv': "Une aventure rocambolesque et hilarante (...). Les tribulations d'un fakir devenu culte".
Cherchez pas de meilleure blague, on la tient, elle est là, tant le décalage entre présentation et ressenti procède du grand écart facial sans échauffement. Pour ma part, claquage sévère p.204, le cu-culte, ça va un moment...

Il était une fois un p'tit n'indien dans la ville, fakir de son état, qui s'était mis en tête de se procurer le dernier tapis à clous de chez, non pas St Ma, mais Ikéa. Pour moult raisons capillotractées, ce dernier allait se transformer en globe-trotter patenté, se bonifiant gentiment au contact des divers autochtones rencontrés ça et là tout en s'évertuant à échapper à un taxi gitan qu'il avait précédemment entubé.
Voilà, voilà...le gars vend du rêve en barre. Manque de pot, avec mon claquage, la barre, j'évite au max...

Est-ce que tout est à jeter ? J'ai envie de dire eugsdeblüt. Cherchez pas, c'est du Suédois mélaminé.
J'ai adoré la couverture. Voilà, maintenant, les points négatifs.
Ah non, j'oubliais ce rare contentement ressenti en abandonnant courageusement cette bible Ikéa de près de 1536 p. quand même. Tiens, non, seulement 307 ?! C'est marrant, j'aurais dit plus.
Autre moment de grâce, ces quelques avis émis en seconde de couv'. Jugez plutôt:
"Ces tribulations qui empruntent (...) aux Monthy Python pour l'action, à Michel Audiard pour les dialogues..."
Là j'ai envie de te dire NON mon gars ! C'est vraiment tenir en piètre estime les précédentes références évoquées. Si j'avais été de la famille, j'aurais porté plainte pour atteinte à l'honneur, fut-il des Prizzi ou autre...

"Il convient (...) de ne pas craindre les accélérations et les fous rires."
OK, mais ça commence quand ? Les rares sourires de complaisance ont dû se compter sur les doigts d'un moignon.

"Un grand n'importe quoi."
Visionnaire le gars ! Pouvait pas le dire avant, rogntudju !!!
Oups, je retire l'hommage puisqu'il récidive en affirmant que "Romain Puértolas multiplie les scènes truculentes et les bons mots..."
Après avoir soigneusement vérifié les sens de truculent et bon mot, je ressentis comme une énorme lassitude, allez savoir pourquoi...

Bref, un long moment de solitude que ce satané fakir à jeter au clou, ce qui est un comble.
Totalement hermétique à l'humour pratiqué par l'auteur. Un écrivain visiblement fan d'écologie voire féru de home staging au vu du recyclage pseudo humoristique pratiqué à l'envi.
Ainsi ce pauvre fakir prénommé Ajatashatru se verra-t-il affublé d'innombrables prononciations toutes moins drôles les unes que les autres. "J'attache ta charrue", "Achète un chat roux", "J'ai un tas de shorts à trous"...J'ai arrêté de compter après 500 et autant de paquets de kleenex utilisés.
L'auteur, peu sûr de la clairvoyance de son inestimable public, se fendra également de blagounettes en italiques, histoire de bien montrer l'endroit précis où se fendre la gueule à défaut de hurler à la mort selon la sensibilité éprouvée.
"Le fakir ne pleura pas toutes les lames - italique - de son corps." Clin d'oeil complice les n'amis ;-))

Halte au feu, les balles sont creuses.
Calme plat sur toute la ligne.
La désagréable et persistante sensation de me prendre pour une vache regardant passer les trains. Pas les TGV, hein, trop rapides. Non, ces bons vieux tire-bouchons des familles.

Une étoile pour le papier à base de fibres certifiées. Et c'est bien connu, les fibres, elle font souvent c***r.
Idéal pour le transit...
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critiques presse (5)
Lexpress
14 février 2014
Cela reste léger et simple comme promis par Romain Puértolas. Efficace aussi. Suffisant pour avoir envie de tourner la page.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Culturebox
31 octobre 2013
Une petite dose de Voltaire (conte philosophique), un brin de Coluche (blagues et jeux de mots), une larme de Molière (satire de la société) une pincée de Monty Python (comique de situation), ce conte de fées moderne avec happy end (oui !) se déguste comme une friandise acidulée.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Actualitte
05 septembre 2013
Fantasque et rafraîchissant, son personnage nous embarque dans un véritable conte de fées-kir d'une génération nouvelle.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Bibliobs
03 septembre 2013
Ces tribulations, qui empruntent à Gérard Oury et aux Monty Python pour l'action, à Michel Audiard pour les dialogues, sont écrites avec une virtuosité comique dont le roman français semblait avoir fait le deuil. Et comme l'hilarant se marie très bien avec l'édifiant, on apprécie en outre le portrait clouté de l'Europe de Schengen qui traite mieux les armoires démontables que les clandestins démontés. Lisez Puértolas, et faites passer.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Lexpress
02 septembre 2013
Une intrigue à peu près aussi compliquée -mais plus drôle- qu'un mode d'emploi Ikea.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (223) Voir plus Ajouter une citation
En vérité, gourmand comme il l’était, notre fakir ne pouvait passer plus d’une journée sans s’alimenter. Dès que le soleil se couchait, chaque soir, on était venu refermer la toile de tente pendue devant le figuier et il s’était nourri des victuailles que son cousin Rhibbasmati (prononcez Riz basmati), complice de bon nombre de ses tours, était venu lui apporter. Pour ce qui était des vis et des boulons, ils étaient en charbon, ce qui, loin d’être très agréable à manger, était tout de même plus facile à déglutir que de vrais clous en acier, aussi rouillés fussent-ils.
Mais Ajatashatru n’avait jamais jeûné enfermé dans une armoire sans victuailles cachées dans le double-fond. Peut-être y arriverait-il s’il y était contraint. Après tout, il s’appelait Aja (prononcez À jeun). Le médecin de Kishanyogoor lui avait un jour affirmé qu’un être humain, fakir ou pas, ne pouvait survivre en moyenne plus de cinquante jours sans nourriture et pas plus de soixante-douze heures sans eau. Soixante-douze heures, autant dire trois jours.
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Le premier mot que prononça l'Indien Ajatashatru Lavash Patel en arrivant en France fut un mot suédois. Un comble !
Ikea.
Voilà ce qu'il prononça à mi-voix.
Cela dit, il referma la porte de la vieille Mercedes rouge et patienta, les mains posées comme un enfant sage sur ses genoux soyeux.
Le conducteur de taxi, qui n'était pas sûr d'avoir bien entendu, se retourna vers son client, ce qui eut pour effet de faire craquer les petites billes en bois de son couvre-siège.
Il vit sur la banquette arrière de son véhicule un homme d'âge moyen, grand, sec et noueux comme un arbre, le visage mat et barré d'une gigantesque moustache. De petits trous, séquelles d'une acné virulente, parsemaient ses joues creuses. Il avait plusieurs anneaux dans les oreilles et sur les lèvres, comme s'il avait voulu refermer tout cela après usage à la manière d'une fermeture Éclair. Oh, le joli système ! pensa Gustave Palourde, qui vit là un fantastique remède contre les papotages incessants de sa femme.
Le costume en soie grise et brillante de l'homme, sa cravate rouge, qu'il n'avait pas pris la peine de nouer mais d'épingler, et sa chemise blanche, le tout horriblement froissé, témoignaient de nombreuses heures d'avion. Mais étrangement, il n'avait pas de bagage.
Soit il est hindou, soit il a un sacré traumatisme crânien, pensa le chauffeur en voyant le gros turban blanc qui entourait la tête de son client. Mais son visage mat et barré d'une gigantesque moustache le faisait plutôt pencher pour un hindou.
- Ikea ?
- Ikea, répéta l'Indien en laissant traîner la dernière voyelle.
- Lequel ? Heu... What Ikea ? bafouilla Gustave qui se sentait aussi à l'aise en anglais qu'un chien sur une patinoire.
Son passager haussa les épaules comme pour dire qu'il s'en fichait. Djeustikea, répéta-t-il, dontmatazeoanezatbetasiutyayazeparijan. C'est à peu près ce qu'entendit le conducteur, une suite confuse de gazouillis palataux incompréhensibles. Mais gazouillis palataux ou pas, en trente ans de métier passés chez Taxis Gitans, c'était bien la première fois qu'un client fraîchement débarqué du terminal 2C de l'aéroport Charles-de-Gaulle lui demandait de le conduire dans un magasin de meubles. Car il n'avait pas souvenir qu'Ikea ait récemment ouvert une chaîne d'hôtels à son nom.
Gustave en avait eu des requêtes insolites, mais celle-là décrochait le coquetier. Si ce gars-là venait vraiment d'Inde, alors il avait payé une petite fortune et passé huit heures dans un avion, tout cela dans le seul but de venir acheter des étagères Billy ou un fauteuil Poäng. Chapeau !
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La situation politique du Soudan avait plongé le pays dans un marasme économique qui avait poussé un grand nombre d'hommes, les plus robustes, sur les chemins rocailleux de l'émigration. Mais même les plus forts devenaient, hors de chez eux, des hommes vulnérables, des animaux battus au regard mort, les yeux pleins d'étoiles éteintes. Loin de leur maison, ils redevenaient tous des enfants apeurés que rien ne pouvait consoler si ce n'est le succès de l'entreprise.
Avoir le coeur qui frappe fort dans la poitrine, avait résumé Wiraj en se frappant le thorax. Et un bruit puissant avait résonné jusque dans l'armoire d'Ajatashatru. Avoir le coeur qui frappe fort dans la poitrine chaque fois que le camion ralentit, chaque fois qu'il s'arrête. La peur d'être découvert par la police, recroquevillé derrière un carton, assis le cul dans la poussière au milieu de dizaines de caisses de légumes. L'humiliation. Car même les clandestins avaient leur honneur. Dépossédés de leurs biens, la seule chose qu'il leur restait, d'ailleurs. L'honneur. Pour que jamais on ne les voie ainsi. Pour qu'on se les rappelle grands et forts. Toujours.
Et puis ce n'était pas la peur des coups qui tordait les entrailles, non, car sur cette rive-là de la Méditerranée, on ne frappait pas, c'était la peur d'être renvoyé dans le pays d'où l'on venait, ou pire encore, dans un pays que l'on ne connaissait pas, parce que les Blancs s'en foutaient pas mal vers où ils vous balançaient, l'important pour eux étant de ne plus vous avoir chez eux. Un Noir, ça fait vite désordre. Et ce rejet était plus douloureux que les coups de bâton qui ne détruisent en somme que les corps et non les âmes. C'était une cicatrice invisible qui ne disparaissait jamais et avec laquelle il fallait apprendre à vivre, à revivre, à survivre.
Car leur volonté était inébranlable.
Tous les moyens étaient bons pour rejoindre un jour les "beaux pays". Même si en Europe on ne désirait pas partager le gâteau avec eux.
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Fakir de son état, Ajatashatru Lavash (prononcez J'attache ta charrue, la vache) avait décidé de voyager incognito pour sa première venue en Europe. À cette occasion, il avait troqué son « uniforme», qui consistait en un pagne en forme d'énorme couche de nouveau-né, contre un costume en soie brillante et une cravate loués pour une bouchée de pain à Dhjamal (prononcez J'ai mal), un vieillard du village qui avait été représentant durant sa jeunesse pour une célèbre marque de shampooing et en conservait encore de belles boucles grisâtres.

En enfilant la panoplie, qu'il garderait pendant les deux jours que durerait son escapade, l'Indien avait secrètement désiré qu'on le prenne pour un richissime industriel indien, au point de ne pas mettre d'habits confortables, entendez un survêtement et des sandalettes, pour un trajet en autocar de trois heures et un vol de huit heures et quinze minutes. Se faire passer pour ce qu'il n'était pas, c'était son métier après tout, il était fakir. Pour des raisons religieuses, il n'avait donc conservé que son turban sur la tête. Dessous poussaient inlassablement ses cheveux qu'il estimait aujourd'hui d'une longueur de quarante centimètres et d'une population de trente microbes et poux confondus.

En entrant dans le taxi ce jour-là, Ajatashatru (prononcez Achète un chat roux) avait tout de suite remarqué que son accoutrement avait fait son petit effet auprès de l’Européen et ce malgré son nœud de cravate, que ni lui ni son cousin n'avaient su faire, même pas après les explications pourtant claires mais tremblantes d'un Djahmal parkinsonien, et qu'ils avaient donc attachée avec une épingle à nourrice, détail mineur qui avait dû rester inaperçu au milieu d'un tel éclat d'élégance.
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Pour quelqu'un venant d'un pays occidental de tendance démocratique, monsieur Ikéa avait développé un concept commercial pour le moins insolite : la visite forcée de son magasin.
Ainsi, s'il voulait accéder au libre service situé au rez-de chaussée, le client était obligé de monter au premier étage, emprunter un gigantesque et interminable couloir qui serpentait entre des chambres, des salons et des cuisines témoins tous plus beaux les uns que les autres, passer devant un restaurant alléchant, manger quelques boulettes de viande ou des wraps au saumon, puis redescendre à la section vente pour enfin pouvoir réaliser ses achats. En gros une personne venue pour acheter trois vis et deux boulons repartait quatre heures après avec une cuisine équipée et une bonne indigestion.
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Plongée dans l'écriture d'une autofiction "comment j'ai retrouvé Xavier Dupont de Ligonnès" (Interview Aurélien NAUROY)
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