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Jean Esch (Traducteur)
EAN : 9782070614554
1032 pages
Gallimard (28/06/2007)
4.33/5   2676 notes
Résumé :
A la croisée des mondes est une grande histoire en trois parties, qui entraîne ses lecteurs à travers trois univers à la fois proches et différents du nôtre. Voici cette grande histoire, animée d'un souffle puissant et d'un imaginaire éblouissant. Un chef-d'œuvre à lire et à relire à tout âge.
Tome 1: Pourquoi la jeune Lyra, élevée dans l'atmosphère confinée d'une prestigieuse université anglaise, est-elle l'objet de tant d'attentions? De quelle mystérieuse m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (141) Voir plus Ajouter une critique
4,33

sur 2676 notes
[Avertissement : cette critique va spoiler sans vergogne toute l'histoire de la trilogie et le passé de chaque personnage. Ainsi qu'entamer un débat éthico-religieux potentiellement rasant. Vous aurez été prévenus !]

Peut-on vraiment ranger ce livre dans la littérature jeunesse ?
Personnellement, je l'aurais mis avec les ados à cause des sujets abordés (la religion, le pouvoir, le passage à l'âge adulte, la question du courage et de la lâcheté…). J'ai lu cette trilogie quand j'avais 9 ans, et je peux vous assurer que j'ai raté pleeeiiin de choses.
L'édition Folio indique que c'est une série qui se lit à partir de 10 ans. Pour moi c'est une hérésie. Vu la complexité de certains sujets, je dirais que ça ne devrait pas être conseillé avant 13-14 ans. Ma première lecture était pénible, j'ai dû me forcer pour arriver au bout. La seconde (quand j'avais 14 ans, justement), m'avait à la fois emballée et désarçonnée. Car Philip Pullman inverse le système de valeur de notre société : Lyra, la jeune héroïne, est aidée par des gitans et des sorcières, et lutte contre l'Église, entité toute-puissante, machiavélique et manipulatrice. Tous les humains sont liés à des dæmons, qui ne sont pas des êtres maléfiques, mais des sortes d'anges gardiens – à quelques détails près, puisqu'ils font partie intégrante de l'homme et qu'ils font plus office de moi profond que de conscience morale.
Âgée de 9 ans et dotée d'une éducation catholique, j'ai eu du mal à faire la part des choses, j'avais rejeté en bloc tous ces concepts étranges. C'est en partie la raison pour laquelle je n'avais pas aimé ce livre – ça et les descriptions trop nombreuses et trop longues pour mon âge. À 14 ans, bien que déstabilisée, j'avais beaucoup aimé l'écriture et l'histoire, très travaillée. J'admirais aussi beaucoup Lyra, héroïne impétueuse. Et aujourd'hui, je trouve que c'est un point de vue original et intéressant, doublé d'un monde très bien construit. C'est maintenant que je me rends compte à quel point Pullman a travaillé sur son histoire, car plein de détails cruciaux se recoupent d'un tome à l'autre et permettent le bon déroulement de l'aventure.

Mais quelle était l'intention de l'auteur en écrivant ce livre ? Est-ce une critique socio-religieuse qui cherche à pousser les enfants à voir au-delà des préjugés, au-delà des carcans de la religion, ou juste un jeu de l'auteur qui s'amuserait à perturber le lecteur ? Car quel enfant pourrait comprendre toutes les subtilités de cette histoire ? Mes souvenirs remontent à loin, mais il me semble que j'étais passée à côté de la plupart des double-sens.
Enfin, quand double-sens il y avait, car le discours est parfois clairement antireligieux et Pullman taille dans le vif sans hésiter. Je cite Ruta Skadi, reine des sorcières : « Voilà ce que fait l'Église [mutiler des enfants], et toutes les Églises ont le même objectif : contrôler, détruire, anéantir tous les bons sentiments. C'est pourquoi, si une guerre éclate, et si l'Église se trouve dans un des deux camps, notre devoir est de nous engager dans le camp d'en face, même si, de ce fait, nous nous trouvons en compagnie d'étranges alliés. » (J'ai publié le passage en entier dans les citations.) Alors certes, vous pourrez contrer que c'est une sorcière qui parle, et qu'il est donc normal qu'elle soit contre l'Église. C'est pas faux. Mais dans le monde de Lyra, les sorcières ne peuvent pas être diaboliques puisque les dæmons SONT les compagnons des humains. D'ailleurs, je n'ai repéré aucune allusion à propos d'une chasse aux sorcières, actuelle ou passée. Mais après tout, « la religion chrétienne n'est qu'une erreur fort puissante et convaincante, rien d'autre », comme l'affirme le docteur Mary Malone, nonne en reconversion. Voilà qui est radical !
Mais bon, si c'était un livre adressé aux ados ou aux adultes, que m'importerait ? Chacun pense ce qu'il veut, et même si j'ai un point de vue différent de l'auteur, c'est une super série que je suis contente de connaître. Le seul souci : c'est un livre qui est supposé s'adresser à des enfants. Et pour moi, on ne peut pas émettre un avis aussi tranché devant eux, surtout par rapport à la religion – c'est le meilleur moyen de développer la haine ou la crainte de ceux qui pensent différemment de soi.
Mais peut-être que je dramatise. J'ai beau avoir lu ce livre trois fois (gamine, ado et adulte), ça n'a pas changé mes convictions. Ça ne les a même pas faites vaciller, en réalité.
De toute façon, Pullman s'adressait-il vraiment à un public de 10 ans ? Pas sûr, d'autant plus que certaines maisons d'édition peuvent baisser la limite d'âge de leurs livres, histoire de viser un lectorat plus large.

Parlons un peu des personnages.
L'héroïne est très complexe. Au début, c'est une gamine assez simple : elle aime se battre avec les enfants de la ville et les petits gitans, se couvrir de boue par la même occasion, fuir ses leçons pour s'échapper sur les toits et cracher des noyaux de prune sur les Érudits, explorer les catacombes de son Collège en compagnie de son ami Roger… C'est une enfant sauvage qui vit pleinement et dotée d'un caractère de feu. Quand j'étais jeune, elle m'impressionnait.
Et en fait, elle m'impressionne toujours.
Mais il serait faux de dire que rien ne lui fait peur. Elle est téméraire, audacieuse, et elle s'efforce de se dépasser car elle a des limites. Elle a assez de niaque pour vouloir aller au-delà de ses peurs et accomplir ses rêves. Quitter le Jordan College pour aller dans le Nord n'était pas facile. S'enfuir de chez Madame Coulter, sa tutrice, ne l'était pas plus. Se faire passer pour le dæmon d'Iorek à la cour des panserbjornes était presque un acte de folie suicidaire. Tout comme beaucoup de décisions qu'elle est amenée à prendre au cours de ses aventures, ce n'est pas facile, mais c'est nécessaire. Elle n'a pas vraiment le caractère d'une fillette de 12 ans. On lui donnerait plus facilement 15 ou 16 ans. Et encore, elle serait bien mature pour une ado !
Les autres personnages ne manquent toutefois pas de charisme : Lord Asriel tout particulièrement, est quelqu'un de fascinant car on ne sait jamais ce qu'il pense, ni ce qu'il veut. Ce n'est que dans La Tour des Anges qu'on connaît son objectif. En revanche, en tant que père, il est particulièrement raté : dans le tome 1, il retrouve sa fille qu'il n'a pas vue depuis des mois après avoir été emprisonné par les ours polaires et menacé de mort. Comment réagit-il, à votre avis ?
1. Il pleure de joie,
2. Il garde sa dignité, mais il est visiblement fier de tout ce qu'elle a fait,
3. Il s'en fiche,
4. Il l'envoie chier et la trahit.
Réponse 4…
Ce mec n'est PAS le meilleur des pères. Mais il impressionne Lyra parce qu'il a de la classe et qu'il est mystérieux, donc bon. On lui pardonnerait presque…
Madame Coulter, elle, est… À l'opposé d'Asriel. Elle, on ne peut pas l'aimer : elle est cruelle, elle est factice, menteuse, manipulatrice, opportuniste, égocentrique, mais elle aurait pu faire du mannequinat parce qu'elle a un charisme magnétique. C'est un vrai serpent, et elle n'hésite pas à tuer ses proches pour plus de pouvoir. Elle a même « vendu son âme au diable » en s'investissant complètement dans l'Église pour torturer des enfants et détruire la Poussière. Lyra apprend très vite à la détester – tout comme nous.
Et pourtant, c'est sa mère. Et heureusement, les instincts maternels sont plus forts que son caractère de chien et la poussent à protéger sa fille – quelques fois… Sans cela, sans cet instinct, elle n'aurait sûrement pas retourné sa veste pour la sauver. C'est donc un personnage TRÈS ambigu, et surtout, à l'opposé du stéréotype qu'on se fait du parent disparu dans les histoires pour enfants. C'est vrai, quoi ! Habituellement dans un livre jeunesse, quand le héros retrouve sa famille disparue, c'est le happy end. Mais pour commencer, Lyra n'a jamais cherché ses parents (parce qu'elle les croyait morts), l'histoire ne s'arrête pas au moment où elle découvre ses origines (loin de là), et elle va passer une bonne partie de ses aventures à les affronter. Finalement, elle s'est contenté de sauver le monde – les mondes – du totalitarisme religieux dont sa mère est un suppôt. Sacrée fillette.
Will, quant à lui, ressemble beaucoup à Lyra par certains côtés. Il est volontaire, il ne peut pas compter sur ses parents, il a appris à se débrouiller tout seul, il est obligé de prendre des décisions très difficiles pour son âge… Mais comment peut-il laisser sa mère chez une prof de piano qu'il n'a pas vue depuis plus d'un an ? Encore, s'il la voyait toutes les semaines, j'aurais compris, mais là, même s'il n'avait personne d'autre vers qui se tourner, comment se fait-il que cette femme ait accepté ? C'est un peu gros à avaler. « Elle ne vous gênera pas, je vous le promets ! » « Alors pourquoi tu t'en débarrasses ? » aurais-je été tentée de répondre. Il n'y avait pas un prof de son école à qui il pouvait faire confiance ?
Et quand il débarque dans un autre monde, sa première réaction, c'est de prendre un soda dans un distributeur et de le boire en regardant la mer…
Pardon ?
Mais merde, Will ‼ T'es dans un monde parallèle, putain ! Tu ne savais même pas que ça existait ! Un peu d'émotion, que diable ‼
On ne ressent chez ce garçon aucun sentiment de stupéfaction, d'ahurissement, de vertige, d'éblouissement, ou toute autre émotion extra forte qui AURAIT DÛ le saisir net. C'est sans aucun doute le passage qui m'a donné le plus de fil à retordre.
D'autres personnages sont très importants, comme Roger, l'ami par lequel démarre cette aventure (c'est pour aller le sauver que Lyra veut tellement aller dans le Nord), Iorek Byrnison, le roi des ours et un des meilleurs alliés de Lyra, le docteur Malone (une des rares adultes à prendre les enfants au sérieux), Lee Scoresby, l'aéronaute (j'aurais voulu qu'il reste un peu plus longtemps…), Serafina Pekkala, la sorcière… Ça fait beaucoup et j'en oublie pas mal, mais pas une seule fois, je ne me suis perdue. Les caractéristiques de chacun sont suffisamment fortes pour qu'on s'y retrouve.

Mais outre cette panoplie de personnages, le plus gros point positif de la saga, c'est le monde de Lyra. La magie n'y existe pas vraiment, mais on pourrait facilement le qualifier de merveilleux car il y vit des créatures surnaturelles – spécialement dans le Nord : sorcières, panserbjornes, montres des falaises… Il ressemble beaucoup à notre univers version 19e siècle, jusque dans les noms des pays (Anglia, Moscovie, Tartares…). Sauf que la solitude n'y existe pas. Chaque être humain est épaulé par son dæmon, envers qui il a un lien d'amour et de confiance très puissant (au point que Lyra est horrifiée quand elle rencontre Will).
Personnellement, je pense qu'ils représentent le moi profond de chaque être humain parce qu'ils réagissent aux émotions de leur partenaire, mais sans chercher à les masquer. Marisa Coulter en est un exemple assez intéressant, puisque c'est le personnage qui cache le plus son jeu. Son dæmon est une horrible petite teigne cruelle et mesquine – et finalement, c'est ce qu'elle est. Elle se donne des airs de sainte-nitouche pour amadouer et manipuler, mais il suffit de regarder son singe pour se rendre compte de sa méchanceté. D'ailleurs, ils n'ont pas l'air d'avoir un lien très affectueux. Ça ressemble plus à une relation dominant-dominé qu'à une relation amicale. Il y a aussi des exemples plus généraux : un dæmon agité est la preuve que son humain est stressé, même s'il n'en montre rien. Et lors d'une querelle, les hommes se réfèrent souvent à l'attitude de leur dæmon pour savoir qui l'emporte.

En résumé, deux gros points positifs : les personnages, et le monde. Mais il y a en plus quelques petits détails que j'ai particulièrement appréciés :
- Dans le tome 1, j'ai ressenti au travers de Lyra une certaine fascination pour le Nord (terre de glace et de magie, de lumières, de dangers et de mystères). C'est si bien retranscrit que je crois que l'auteur a transposé ses sentiments à son héroïne au lieu de lui inventer cette passion ;
- À Jordan College, il y a des majuscules aux intitulés des postes (le Bibliothécaire, le Majordome), et même aux lieux (les Jardins du Collège, la Bibliothèque), pour donner un caractère ronflant aux Érudits. D'ailleurs Lyra, malgré son jeune âge et le fait qu'elle ait passé sa vie à grandir là, a un regard assez critique et moqueur sur cet étalement de sciences et de titres ;
- Dans le 2e tome, il y a des symboles dans les marges : un arbre, une épée, une boussole, et de temps en temps, une étoile. Petite, ça me turlupinait qu'ils ne suivent pas la typographie du premier tome. Pourquoi avoir mis des dessins dans le second volume et pas dans le premier ? Au début, ils semblent suivre un ordre précis (arbre-épée-boussole-épée-arbre), puis je me suis rendue compte que le nombre de pages marquées était inégal, et enfin, que l'ordre n'était pas respecté. C'était un mystère complet, pour moi.
Grande, il m'a suffi de 5 minutes pour comprendre que chaque symbole correspond au monde dans lequel se passe l'action : l'arbre pour celui de Will, l'épée pour Citàgazze, la boussole pour celui de Lyra, et l'étoile… Les symboles changent quand les personnages passent dans un autre monde, ou qu'on suit d'autres protagonistes qui sont dans un autre monde ;
- La fin n'est pas un happy end. Les personnages principaux perdent tous au moins une chose à laquelle ils tiennent : la capacité à comprendre l'aléthiomètre, la personne qu'ils aiment, le pays des mulefas pour Mary, etc. Lyra a perdu son innocence, remplacée par une expérience amère, et son attitude vis-à-vis des adultes est différente – on s'en rend compte dans le tout dernier chapitre. C'est peut-être ce livre qui m'a donné le goût des fins mitigées, car certes, c'est une conclusion un peu triste, mais elle est vraie. Beaucoup de livres s'efforcent de s'achever sur une note joyeuse qui ne colle pas avec le reste de l'histoire. Pas À la croisée des mondes.

Mais j'ai aussi relevé quelques incohérences dans cette loongue saga :
- Lors de la bataille de Bolvangar, Lee Scoresby intercepte Lyra pour l'emmener en ballon vers Svalbard, mais pourquoi ? Ce n'était pas prévu, et c'est un risque inutile à faire prendre à une fillette. Comment les gitans ont-ils pu laisser faire ça ? Laisser partir une fille, un aéronaute et un ours dans une forteresse imprenable d'ours géants ennemis (en compagnie de quelques sorcières, certes, mais elles ne sont là que pour faire le trajet) ?
- Évidemment, il y a la réaction de Will quand il arrive à Cittàgazze ;
- Et puis, il y a le fait que, lorsque Mme Coulter est faite prisonnière par Asriel, ce dernier l'emmène à ses réunions de généraux, histoire qu'elle puisse avoir vent de leurs dernières stratégies et de leurs équipements. Car ils lui font aussi visiter leur armurerie, et lui font même une simulation avec leur meilleure arme ! Comme ça, si jamais elle arrive à s'échapper, elle pourra tout répéter à l'Église et faire échouer leur mission.
C'est tellement intelligent, de la part d'un homme tel que Lord Asriel…
- D'ailleurs, l'auteur ne dit pas ni comment ni pourquoi sa forteresse a été bâtie. Elle se situe dans une dimension où toute vie a disparue, elle est tellement énorme qu'on dit que la construction a dû prendre des années, mais QUI et QUAND ? Ça n'a pas pu être le père de Lyra, puisqu'il vient d'y arriver. Ça n'a pu être aucun de ses sbires, puisqu'il n'a mis que quelques mois (voire moins) pour rassembler des millions et des millions de gens et d'espèces différentes. D'ailleurs un personnage – je ne sais plus lequel – dit que ce rassemblement a dû prendre des décennies de préparation. Et comment est-ce possible ?? Asriel doit avoir, quoi, quarante ans ? Vous n'allez pas me dire que c'est à l'âge de 10 ans qu'il prend contact avec d'autres univers pour réunir une armée de dingue et renverser Dieu ?

Mais à part ces quelques petits détails pas très crédibles, l'auteur a accompli un formidable travail en créant cette trilogie. C'est une oeuvre qui a marqué mon enfance et mon imaginaire, a soulevé beaucoup de questions en moi et me hante encore aujourd'hui (sinon pourquoi l'aurais-je relue ?). Il y a certes quelques longueurs, quelques descriptions qui auraient gagné à être écourtées, mais c'est une histoire forte.
Une série à lire, vraiment.
Sauf pour les enfants…
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Certaines oeuvres littéraires transcendent les générations, nous emportant dans des mondes d'émerveillement et de réflexion. C'est exactement ce que propose la trilogie "À la Croisée des Mondes" de Philip Pullman, un véritable chef-d'oeuvre qui a marqué profondément ma vie de lectrice à un moment où j'avais moi-même besoin de trouver mon chemin. Je crois que les coups de coeur résonnent beaucoup avec le moment où on lit le livre, et ce qu'il représente pendant cette période.

Je me suis lancé dans cette lecture sous la forme de l'intégrale, ce qui, il faut l'admettre, peut sembler intimidant de prime abord lorsqu'on est confronté à un tel pavé alors que la couverture et le résumé ont éveillé ma curiosité. Mon voyage à travers les mondes de Lyra Belacqua a débuté il y a quelques années, avec "Les Royaumes du Nord", mon tome préféré. En général, je fais une coupure entre les tomes, mais ici impossible de lâcher le livre. J'ai enchaîné directement avec "La Tour des Anges" et achevant l'odyssée avec "Le Miroir d'Ambre".

Il m'a fallu peu de temps pour m'immerger dans cet univers tant tout était différent et nouveau par rapport à ce que j'avais l'habitude de lire. Et le daemon y est pour beaucoup : un petit être qui devient notre « particulier » toute notre vie, avec cette connexion si forte. Une fois dedans, il m'a été impossible de m'arrêter. "À la Croisée des Mondes" est une trilogie accessible à différents âges, il est vrai, mais avec mes yeux adultes, je ne regrette pas de ne pas l'avoir découvert plus tôt. Au contraire, elle m'a émerveillé à bien des égards et a su me toucher.

L'histoire, à la fois merveilleuse et mélancolique, est une tapisserie riche de personnages, de péripéties, de tensions et d'émotions. L'ensemble est captivant et immersif, nous transportant de l'Angleterre au Pôle Nord, en passant par des villes fantôme et des contrées mystérieuses. Tout semble réel, bien construit et l'intrigue aux personnages, tout s'emboîte parfaitement. Les thèmes abordés sont d'une grande complexité, notamment la mort, la puberté, la religion, l'amour, tous explorés à plusieurs niveaux de lecture. L'immersion dans cet univers est totale, brutale et gratifiante. On ne reste pas de marbre, on est heurté, blessé, apeuré, amusé, agacé, bref nous passons par un panel d'émotion.

J'aime beaucoup la littérature, qu'elle soit jeunesse ou non. Et même si à la base cette trilogie est destinée à un public jeune adolescent, elle dépasse largement cette étiquette tant elle offre une réalité de lecture. J'entends par là qu'on voit les mondes, on se les représente, on vit l'histoire par différentes perceptions. L'histoire séduit, offrant une histoire captivante et complexe, des personnages attachants aux personnalités nuancées, une dose de poésie, un style d'écriture vivant et agréable, ainsi qu'une réflexion philosophique qui ne tombe jamais dans l'ennui. Bien sûr qu'il y a des parties moins attractives, plus lentes, mais nécessaires pour les informations transmises. C'est une réflexion profonde sur notre propre réalité/perception de celle-ci, de notre société et de nos dilemmes. Les personnages, complexes et psychologiquement riches, m'ont souvent perdu dans certaines de leurs intentions.

L'un des aspects les plus uniques de cet univers est la notion de daemon, une part animale qui accompagne chaque individu. L'évolution de ces daemons, symbolisant la croissance et la personnalité de chacun, est un élément fascinant de l'histoire. Vraiment, j'ai adoré cette originalité et je ne me souviens plus si cela a pu exister sous cette forme ou une autre dans une autre histoire. J'ai pu apprécier les multiples couches de signification et les thèmes subtils qui se cachent derrière l'histoire. Chaque personnage, chaque élément de l'univers, chaque rebondissement, sont une pièce de puzzle qui contribue à un tableau complexe et saisissant.

Et il y aurait tant à dire, de Serafina Pekkala, personnage mystérieux, puissant et sage à Lee Scoresby connu pour sa loyauté envers Lyra et sa détermination à la protéger tout au long de son voyage, sans parler de l'ours Iorek Byrnison au caractère noble et puissant. Et c'est sans compter sur Madame Coulter… "À la Croisée des Mondes" est une oeuvre littéraire d'une profondeur inouïe. Elle nous transporte dans un monde enchanteur tout en nous poussant à réfléchir sur les aspects les plus complexes de notre propre réalité. Lorsqu'on entre dans ces mondes, on en ressort changé, grandi, transformé.

En bref ? Je l'ai adoré et l'adore encore !
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L'histoire débute dans un monde assez semblable à celui de la fin du XIXe siècle, dans une Angleterre uchronique dominée par l'Inquisition et le pouvoir religieux. Dans ce monde troublant à la fois déconcertant et étrangement familier, chaque humain est accompagné de son daemon, une sorte d'alter ego à forme animale, jouant à la fois le rôle de complice, de compagnon et de conscience. La jeune Lyra, orpheline d'une douzaine d'années au tempérament rebelle et indisciplinée, a été élevée depuis son plus jeune âge dans la prestigieuse Université d'Oxford en compagnie de son daemon Pantalaimon. Un soir, poussée par son insatiable curiosité, elle assiste en secret à une curieuse conférence organisée par son oncle et tuteur, l'ombrageux lord Asriel, à l'intention des érudits de l'Université sur d'étranges recherches livrées dans le Grand Nord, conférence soldée par une tentative d'assassinat. Cet épisode va bouleverser sa petite existence routinière.

Soudain beaucoup de gens semblent porter une attention disproportionnée à Lyra… Son ami d'enfance Roger disparaît brusquement, enlevé par une mystérieuse organisation de ravisseurs d'enfants et l'adolescente décide de partir à sa recherche. Poursuivie par les agents de l'Inquisition et par la redoutable et si charmante Mrs Coulter, Lyra se lance sur les traces de son oncle vers les étendues glacées du Grand Nord. Ce voyage la mènera bien plus loin que prévu, au-delà des frontières du monde connu et de la brume qui sépare les univers…

C'est avec beaucoup de plaisir que je me suis replongée dans l'édition intégrale de « A la croisée des mondes ». Lue pour la première fois à l'âge 14 ans, la trilogie de Pullman m'avait à la fois séduite et désarçonnée, tant elle tranchait avec le type de littérature destinée habituellement à l'adolescence. L'oeuvre peut effectivement surprendre par son aspect un peu bâtard (surtout dans le premier tome, les deux suivants étant plus homogènes et plus adultes), car elle allie des aspects assez enfantins – jeune public oblige… – à des thèmes complexes et très poussés, notamment sur la religion et la quête du savoir et du libre-arbitre, ainsi qu'à des moments plutôt durs et sombres. L'action prend également un peu de temps à s'emballer, ce qui ne me dérange personnellement pas plus que ça.

Ces quelques défauts – si on peut les nommer ainsi – mis à part, on ne peut que saluer l'imagination débordante de l'auteur, ainsi qu'une intrigue passionnante et ne manquant pas d'audace pour un roman fantastique, alliant références bibliques, aventures et poésie. Avec ça, une très belle galerie de personnages dont la profondeur, y compris pour les personnages secondaires, évite à l'auteur de tomber dans le manichéisme. En ce qui me concerne, mon coeur va spontanément à Lord Asriel et Mrs Coulter, personnages « gris » et ambigus par excellence. Sans contexte, les deux protagonistes les plus marquants de la série, adversaires jurés, aussi brillants, orgueilleux et tyranniques l'un que l'autre, superbes par la force même de leurs défauts. Je les adore.

En conclusion, une très belle et brillante série qui touchera adultes comme adolescents ! (Petit bonus pour les lecteurs adultes : vous pouvez acheter la trilogie en livre de poche, au cas où vous n'assumeriez pas de lire des romans Folio Junior dans le métro)
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Que j'envie les lecteurs qui n'ont pas encore lu la trilogie de P.Pullman, "A la croisée des mondes" ! Cette critique fait suite à ma 3ème lecture qui ne sera certainement pas la dernière ! le retour au monde réel va être compliqué...

Que vous dire à part que Pullman possède un don de conteur incroyable, qu'il vous fait voyager entre différents mondes, vous fait rencontrer des daemons, des sorcières, des ours en armures ... Bref dépaysement total ! Je ne veux même pas essayer de faire de résumé tant ça ne servirait pas l'oeuvre.
Je ne "spoilerai" pas la fin évidement, juste dire que c'est probablement l'une de plus émouvante et belle fin que j'ai pu lire...3ème lecture et je verse quand même mes petites larmes !

Ne vous laissez pas influencer par le fait que ces livres soient classés en littérature jeunesse, ils sont pour tous les âges !
Sans hésiter j'emporterai ce livre sur une île déserte tant il est foisonnant !

Après tout ça? je ne sais plus quoi vous dire pour que vous fonciez dans la plus proche librairie !

CHALLENGE ABC 2015/2016
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CHALLENGE VARIETES 2015 - Une trilogie
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J'avais lu la trilogie de Philip Pullman en français (l'éditeur a fait le choix de l'appeler chez nous À la croisée des mondes) il y a vingt ans et j'en avais gardé une image plus que positive. Grands succès de la littérature jeunesse / jeunes adultes britannique de la fin des années 1990, ces trois romans, à l'instar de Harry Potter (même si l'audience était toutefois moindre !), montraient que l'on pouvait s'adresser au jeune public avec des textes particulièrement intelligents et de qualité. Cette année, j'ai décidé d'en faire une nouvelle lecture, en anglais cette fois. Et je peux d'ores et déjà dire que je n'ai pas été déçu, bien au contraire. Cette trilogie entre même dans le cercle très fermé de mes coups de coeur absolus, tous styles confondus.

Avant de détailler un peu mon avis, une petite remarque sur la classification jeunesse de cette oeuvre : si les héros sont des enfants, que les éditeurs la considèrent, en général, comme de la littérature de jeunesse, la réalité est un peu plus nuancée. Pullman l'a, en réalité, écrite pour un public plus large, et si des enfants peuvent apprécier son aspect aventure et (science) fantasy, il faudra qu'ils soient de plutôt bons lecteurs (je dirais à partir de 11-12 ans) du fait de certains aspects de l'histoire parfois très noirs (certaines scènes sont vraiment effrayantes !), de la longueur de l'oeuvre, de ses concepts philosophiques et métaphysiques complexes.

Car derrière ses aspects divertissants, ce texte est aussi une relecture par Pullman du célèbre poème « Paradise Lost » de John Milton (1667), qui ouvre d'ailleurs la trilogie. Je vous le cite ici en VO car c'est de là que vient le titre original de l'oeuvre, His Dark Materials (« ses noirs matériaux »), ce à côté de quoi passe complètement la traduction française :

Into this wilde Abyss,
The Womb of nature and perhaps her Grave,
Of neither Sea, nor Shore, nor Air, nor Fire,
But all these in their pregnant causes mixt
Confus'dly, and which thus must ever fight,
Unless th' Almighty Maker them ordain
His dark materials to create more Worlds,
Into this wilde Abyss the warie fiend
Stood on the brink of Hell and look'd a while,
Pondering his Voyage...

Le premier tome, Northern Lights (Les Royaumes du Nord en français), est le plus accessible des trois. On y découvre l'héroïne principale, la jeune Lyra, onze ans, qui vit au départ au milieu des Érudits de Jordan College, à l'Université d'Oxford (on sent en Pullman un amoureux de cette belle ville où, comme Tolkien, il a enseigné). Mais ce n'est pas vraiment notre Oxford, ni même notre monde. On se situe en réalité dans un univers qui ressemble énormément au nôtre, mais légèrement différent, un peu Steampunk. Dans ce monde, chaque être humain naît avec un « dæmon » (une fantastique trouvaille !), qui est une sorte de personnification animale de son âme. le dæmon peut changer de forme lorsqu'on est enfant, puis il se fixe définitivement en un animal à l'âge adulte, reflétant ainsi la personnalité de son humain.

Lyra est la première grande réussite de ce livre : un personnage complexe, une enfant rebelle, obstinée, souvent menteuse, mais attachante et toujours pleine de panache. le lecteur va la suivre, ainsi que son dæmon Pantalaimon, à travers les plus de 1 000 pages d'aventure épique que comptent les trois romans.

Au départ, tout commence par une histoire de sauvetage : Roger, le meilleur ami de Lyra à Oxford, a été enlevé par un groupe obscur qui s'attaque aux enfants. Pour le retrouver, la jeune fille va devoir apprendre à maîtriser un instrument étrange, l'aléthiomètre, s'allier avec des gitans, partir pour le grand Nord où brillent les lumières nocturnes de l'Aurore, voyager en ballon, affronter de terribles dangers et faire de nombreuses rencontres. Quel dépaysement ! Et quelle galerie de personnages tous plus fascinants les uns que les autres : le gitan Farder Coram, la reine sorcière Serafina Pekkala, l'aéronaute texan Lee Scoresby, l'ours en armure Iorek Byrnison…

Mais His Dark Materials est bien plus riche que cela encore. Car derrière les enlèvements d'enfants, on découvre une lutte qui oppose notamment l'oncle de Lyra, l'ambigu et charismatique Lord Asriel, et la mystérieuse et inquiétante Madame Coulter, cette dernière étant au service de la puissante Église, et à l'origine des enlèvements. Et l'un des objets de cette lutte est une mystérieuse particule nommée « Poussière » que l'on trouve justement dans le Nord… Lyra va, sans le vouloir, se retrouver au coeur de ce conflit. Pour l'Église, la Poussière est nocive et liée au Pêché originel, tandis que lord Asriel s'intéresse à ses stupéfiantes propriétés scientifiques. Dans l'étrange monde de Lyra, la religion exerce une grande influence sur la science, les chercheurs étant même appelés « théologiens expérimentaux ».

Je n'entrerai pas ici dans les détails de l'histoire, mais dans les deux livres suivants, The Subtle Knife (en France, l'éditeur a choisi La Tour des Anges), puis The Amber Spyglass (Le Miroir d'Ambre), on découvre d'autres mondes (d'où le titre français !) qui représentent autant d'univers parallèles. On rencontre aussi une multitude de nouveaux personnages, dont Will, un jeune garçon de l'âge de Lyra qui se révélera être l'autre protagoniste principal de la série, et qui vient quant à lui de notre propre monde ! le « poignard subtil », artefact unique qu'il est le seul à maîtriser comme Lyra est seule à pouvoir vraiment comprendre l'aléthiomètre, est la clef permettant d'ouvrir des portes permettant de voyager entre les mondes.

L'oeuvre est dense, mais parfaitement construite. On y croise des anges, des créatures diverses et variées qui vont toutes se trouver embarquées dans une grande guerre qui menace l'équilibre de l'ensemble des mondes. Dieu lui-même (alias l'Autorité) en sera un acteur important ! À travers cela, deux thèmes majeurs sont traités par Pullman.

Tout d'abord, une critique féroce de l'Église et de la religion établie. Cela a fait notamment de ces livres la cible d'un certain nombre de fanatiques religieux. Pullman se revendique athée et s'oppose ainsi à ses grands confrères écrivains catholiques d'Oxford, à savoir C. S. Lewis et J. R. R. Tolkien. On l'a même parfois qualifié d'anti-Lewis tant l'oeuvre de ce dernier est explicitement chrétienne (Pullman la qualifie même de « propagande »). L'Église, dans His Dark Materials, est une dictature machiavélique qui n'hésite pas à tuer ! Et derrière cette critique, l'auteur nous conduit à nous interroger sur le sens de la vie, sur la mort, sur l'importance des choix que l'on fait, sur les notions de bien et de mal…

Ensuite, on trouve une réflexion sur le passage de l'innocence à l'expérience, de l'enfance au monde adulte, thème inspiré cette fois par l'immense poète anglais Willliam Blake. His Dark Materials est aussi un roman d'initiation où Lyra et Will vont grandir en traversant des épreuves, et mieux comprendre le rôle et l'importance des choix qu'ils font et de leurs conséquences.

L'ensemble est remarquablement écrit. Malgré le nombre de pages, on ne s'ennuie pas un instant. L'auteur est un maître dans l'art du « cliffhanger ». Et il faut encore ajouter à cela une bonne dose de poésie ! Une autre réussite majeure de cette trilogie réside dans sa fin. Je ne peux bien sûr pas la dévoiler ici, mais simplement dire qu'elle est l'une des plus marquantes et des plus émouvantes que j'aie jamais lues. Inutile d'en dire davantage, vous aurez compris que j'adore His Dark Materials. J'ai même ramené de la magnifique libraire Blackwell's d'Oxford un exemplaire de Northern Lights signé de Philip Pullman !

À noter qu'outre des bandes-dessinées (bof...) et une (superbe !) édition illustrée par Chris Wormell, His Dark Materials a fait l'objet d'adaptations radio, théâtrale, cinématographique (le premier livre seulement, jolie, mais perdant quasiment toute la richesse de l'oeuvre), puis d'une série (l'ensemble de l'histoire cette fois, plus fidèle parait-il, mais je n'ai pas eu l'occasion de la regarder ; je ne suis pas sûr d'ailleurs d'en avoir envie…). Philip Pullman est aussi revenu sur ce riche univers dans un certain nombre de petits ouvrages compagnons venant compléter divers aspects de l'histoire ou nous permettre de mieux connaître certains personnages. Depuis 2017, une nouvelle trilogie, The Book of Dust, est en cours d'écriture. Deux tomes sont parus à ce jour.

Je vous laisse avec une citation tirée du premier livre. Lyra discute avec la sorcière Serafina Pekkala. On y ressent particulièrement, je trouve, la fascination de Pullman pour les terres glacées du Nord :

“Why en't you cold, Serafina Pekkala?”
“We feel cold, but we don't mind it, because we will not come to harm. And if we wrapped up against the cold, we wouldn't feel other things, like the bright tingle of the stars, or the music of the Aurora, or best of all the silky feeling of moonlight on our skin. It's worth being cold for that.”

« Pourquoi n'avez vous pas froid, Serafina Pekkala ?
— Nous sentons le froid, mais peu nous importe car il ne peut pas nous faire de mal. Et si nous nous protégions du froid, nous ne sentirions plus tout le reste, comme par exemple le picotement brillant des étoiles, la musique de l'Aurore et, surtout, le contact soyeux du clair de lune sur notre peau. Toutes ces choses valent bien qu'on supporte le froid. »
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Will chercha à tâtons les bords immatériels de la fenêtre pour les rabattre rapidement l'un contre l'autre, tandis qu'à travers l'ouverture qui se rétrécissait leur parvenaient des bruits de pas précipités et des craquements de branches...
Il ne restait plus qu'un petit trou de la taille de la main de Will, et lorsque celui-ci se retrouva scellé, un silence absolu s'abattit sur le monde. Will tomba à genoux dans l'herbe humide de rosée et ramassa l'aléthiomètre.
- Tiens, dit-il à Lyra.
Elle prit l'instrument qu'il lui tendait. D'une main tremblante, il glissa le couteau dans sa gaine. Après quoi, il s'allongea dans l'herbe, secoué de frissons nerveux, et ferma les yeux ; il sentit le clair de lune l'envelopper d'une douce lueur argentée et les gestes doux et attentionnés de Lyra qui refaisait son pansement.
- Oh, Will, dit-elle, Merci pour tout ce que tu as fait...
- J'espère que le chat va s'en tirer, murmura-t-il. Il ressemble à mon Moxie. Il a dû rentrer chez lui. Il a retrouvé son monde.

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Viens, lui dit-elle, on est tous là, on n'est pas blessés. Et maintenant, on voit où on va. Alors, continue d'avancer, continue. On ne peut pas faire autrement que de contourner ce... (Elle désigna l'abîme à ses pieds.) On est obligés de continuer. Je te jure que Will et moi, on ira jusqu'au bout. Alors, n'aie pas peur, n'abandonne pas, ne traine pas derrière. Fais passer le message aux autres. Je ne peux pas me retourner sans cesse, je dois regarder ou je mets les pieds. Je dois être sûre que tu nous suis, d'accord ?
Le petit fantôme hocha la tête. Alors, dans un silence angoissé, la colonne des morts reprit son chemin en longeant le gouffre. Combien de temps il leur fallut, ni Will ni Lyra n'auraient su le dire; à quel point c'était effrayant et dangereux, pas une seconde ils ne pouvaient l'oublier. L'obscurité était si intense dans le gouffre qu'elle semblait attirer le regard vers elle, et une sensation de vertige terrifiante s'emparait d'eux dès qu'ils regardaient en bas. Chaque fois qu'ils le pouvaient, ils fixaient devant eux une pierre, une prise, une saillie, une plaque de graviers instables, et ils évitaient ainsi de regarder l'abîme, mais celui-ci les tentait, il les appelait. Ils ne pouvaient s'empêcher d'y jeter un coup d'œil et, aussitôt, ils se sentaient vaciller, leur vision se mettait à tournoyer, et une horrible nausée les submergeait.

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Atal et Mary étaient parties pêcher ce jour-là, mais la marée était basse et les poissons avaient dû filer ailleurs. Elles abandonnèrent donc le filet dans l'eau et allèrent s'asseoir sur la rive, dans l'herbe, pour discuter, jusqu'à ce que Mary aperçoive cette branche à la surface lisse et blanche. A l'aide de la loupe, elle grava un dessein (une simple marguerite) dans le bois, pour le plus grand plaisir d'Atal. Mais, alors que le mince filet de fumée montait de l'endroit où les rayons de soleil concentrés frappaient le bois, elle se dit : « Si cette branche se fossilisait et si dans dix millions d'années un scientifique la découvrait, on trouverait encore des Ombres tout autour, car je l'ai manipulée. »

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Les sorcières aidèrent à transporter les charrettes un peu plus loin sur la route, de l'autre côté du petit pont de pierre, loin du bosquet d'où avaient jailli les Spectres. Il fallut abandonner les adultes pétrifiés à l'endroit même où ils s'étaient figés, si douloureux que fût le spectacle de ces jeunes enfants s'accrochant à une mère qui ne réagissait plus à leurs sollicitations ou tirant la manche d'un père qui restait muet, le regard vide. Les plus petits ne comprenaient pas pourquoi ils devaient quitter leurs parents. Les plus âgés, dont certains avaient déjà perdu un parent ou assisté à pareille scène, affichaient un air lugubre et ne disaient mot. Serafina prit dans ses bras le petit garçon qui était tombé dans la rivière. Il réclamait son père en hurlant, les bras tendus par-dessus l'épaule de la sorcière vers cet homme silencieux, toujours planté au milieu de l'eau, indifférent.

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Il remit l'argent dans sa caisse et ouvrit sa bouteille avec le décapsuleur fixé sur le comptoir ; après quoi, il ressortit du café et marcha dans la rue, en tournant le dos au boulevard. De petites épiceries et boulangeries alternaient avec les bijouteries, les fleuristes et les portes masquées par des rideaux de perles qui s'ouvraient sur des maisons dont les balcons en fer forgé, chargées de fleurs, dominaient les trottoirs étroits. Le silence, ainsi enfermé, semblait encore plus profond.

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Vidéo de Philip Pullman
La quête de la jeune Lyra touche à sa fin, puisque cette troisième saison devrait logiquement être la dernière : À la croisée des mondes est une trilogie. Même si Philip Pullman, à l'origine de cette adaptation pour le petit écran, a signé d'autres opus en lien avec les aventures de la jeune fille dans des mondes parallèles… On la retrouve ici en bien mauvaise posture, tombée entre les griffes de sa mère, la cruelle Marisa Coulter, qui la drogue pour la retenir captive dans une chapelle abandonnée… Qui de son père, l'impulsif et ambigu Lord Asriel, en conflit ouvert avec la tyrannique Autorité, ou de son ami Will, armé du redoutable poignard subtil, parviendra le premier à la secourir ? Un vent de révolte et de castagne souffle sur ces inédits qui poursuivent honnêtement l'entreprise des précédentes saisons. Des épisodes peuplés d'anges noirs et d'ours en armures, de terrifiants inquisiteurs et de valeureux aventuriers, d'enfants courageux et d'adultes corrompus, semés de clins d'oeil à de grandes épopées de la pop culture (d'Indiana Jones à Star Wars). Où les fans d'Harry Potter mesureront une nouvelle fois à quel point J.K. Rowling s'est inspirée de Pullman pour imaginer le destin du jeune sorcier à lunettes…
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