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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Je ne cherche que des pensées qui tremblent » .Le présent est le passant du temps...ainsi file le temps aussi longtemps qu'errent les ombres.
Bandes passantes des heures, fugaces, légères, incisives. Littérature, langage. Et puis l'image. «  Ce sont des ombres qu'il faut opposer aux images ».
L'ombre serait elle mémoire, présence ? Empreinte ? Qui passa par là se dira un jour ici. Ailleurs, dans un passé prochain. Ce n'est pas un roman, c'est un récit. L'ombre, l'ombre des réponses, et les questions de nos vies. Questions orphelines d'un passé inaccessible. Pascal Quignard se tient à part, écrire est une solitude, un cheminement, une épure, presque une ascèse. La lecture un besoin, une nécessite. Il nous fait entrer ici dans le dernier royaume, du moins nous permet il d'y jeter un oeil. le dernier royaume, ce lieu de l'esprit. Un sanctuaire.
Des pensées comme des notes, des touches, des traits, des points, une calligraphie née de l'obscurité. Tout cela se dessine, se croise, s'entremêle, se déchire, se retrouve, s'enlace, germe, meure, s'éteint, s'élève, se réfléchit, revient, revit, passe, disparaît. Ce livre est indescriptible. Ce sont des voix, des visages, des instants, des passés. Un dernier royaume fait d'échos, de reflets, de réverbérations, d'ondes.
Aussi déroutant que soit ce livre j'ai aimé me promener entre ses ombres, ses murs, ses voix.
Pas de fantômes, mais partout des immortels. C'est un hommage à la littérature, aux lettrés, à la mémoire, à l'Esprit. le royaume de Port Royal n'est jamais loin avec Pascal Quignard. Tanizaki non plus. Jamais absent, jamais détruit, toujours vivant. Des années lumières, des ombres réfléchissantes. Déroutant, oui, mais cosmique «  le passé le plus lointain et le plus dense de l'énergie de l'explosion.Tout souvenir intense approche de la force »... Des pensées comme des comètes, des phrases météorites, des trous noirs, des naines blanches, des supernova, un soleil immense, des nuages, des fleuves, le silence. «  une immensité flottante ».Rien ne se perd et tout se crée. « J'ai demandé à la levée de la Loire une part de son ombre. Puis je l'ai inventée.Puis elle m'a accueilli. »
« Le merveilleux ne connaît pas le temps ». « Les arts ne connaissent pas le progrès ».
Le dernier Royaume ...C'est un peu de la maison du monde de Simonomis…

La Maison du monde
Dans la maison du monde
il y a des enfants
avec ou sans parents
des blancs des noirs des jaunes
des rouges
dans la maison qui bouge.
Autour rôdent les ennemis
la faim la soif la maladie
le chômage et les bombes.
Il faut lutter pour la beauté du monde.
Pour toi ton voisin le mien
le sien
pour les enfants qui naîtront demain
très loin et qui parlent autrement
dans la maison du monde
dont nous sommes les grains
de sable
responsables
blancs noirs jaunes rouges
dans la maison qui bouge
autour du soleil commun.
Nous avons besoin d'un dernier Royaume pour y bâtir la maison du Monde.

Astrid Shriqui Garain

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Conçu comme une série de phrases, d'aphorismes, de courts paragraphes, de chapitres plus ou moins longs, l'univers de ce livre est tout d'abord déroutant. Chaque mot est pesé voire expliqué étymologiquement, chaque phrase est un concentré proche de la prose poétique (on ne s''étonne pas que l'auteur ait écrit un essai sur Louis René Des Forêts) mais en même temps, elle est dépouillée et simple quand elle arrive comme un couperet conclusif.
L'ouvrage est un hymne à l'ombre et à la littérature, aux lettres, à l''art et l'on parcourt le temps (surtout le passé car l'art est intemporel) comme l'espace (Chine, Japon, Rome ancienne ...) et, ce qui a priori semble un joyeux chaos littéraire, prend forme au cours de la lecture ("la lecture est une errance") et le fond de la pensée apparaît, bien que justement nimbé dans l'ombre. On pourrait résumer ce livre par la phrase latine que cite lui-même l'auteur et qui est tirée de L'Imitation de Jésus-Christ :
« In omnibus requiem quæsivi et nusquam inveni nisi in angulo cum libro. »
(J'ai cherché dans tout l'univers le repos et ne l'ai trouvé nulle part ailleurs que dans un coin avec un livre.)
De là se construit aussi une sorte d'apologie de la solitude qui ne va pas sans une haine de la société et un rejet de notre univers américanisé du marché unique qui s'autodétruira de ne plus s'opposer à rien. Car la source de la vie est la lutte contre quelque chose. Quand cette chose disparaît, le combat devient réflexif. Pour l'Etat, celui qui s'isole paraît alors suspect et Quignard montre, à l'appui de faits historiques, comment se sont préparées les guerres ou comment on a bafoué (et continue de le faire) l'écrit et les lettres.
Les trois-quarts du livre seraient à recopier, un peu comme des proverbes. Voici néanmoins un florilège des phrases qui m'ont le plus marqué :
« Les deux grandes inventions: la grotte dans la montagne, le livre dans le langage. »
« La Bible dit :" Malheur à l'homme seul! Un homme seul est un homme mort." Mais c'est faux. c'est toujours ce que la société dit. »
« La liberté de conscience ne compta pas au nombre des bagages transportés sur le Mayflower. »
« L'art n'obéit à aucun ordre du temps. Il est orienté comme le temps lui-même. Sans progrès, sans capital, sans éternité, sans lien, sans centre, sans capitale, sans front. »
de nombreuses références sont faites aux "artistes de l'ombre", notamment le philosophe Alain qui refusa d'être payé par la NRF pour la publication de son oeuvre, ayant assez de son salaire de professeur, Couperin et Charpentier, musiciens des « ]leçons de ténèbres » et d'autres philosophes parmi lesquels le chinois Po-tch'eng Tseu-kao qui éconduit l'empereur Yu de son champ et Sofiuis, le secrétaire du dernier des romains, Syragius qui avait en mourant prononcé ces mots :
"Où sont les ombres? » Sofiuis savait que ce n'était pas la mort mais l'ombre des grands chênes sous lesquels il aimait se reposer.
Sans jeu de mots, c'est un livre rafraîchissant ne serait-ce que par ce côté passéiste sans nostalgie, par où se fonde l'homme et les civilisations, à contre-courant de la "culture mondialiste" si j'ose cet oxymore. Un prix Goncourt largement mérité.
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Comment définir ce que chacun d'entre nous a toujours voulu lire ou écrire sur la lecture : lisez les Ombres errantes.
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Des passages extraordinaires sur la beauté et la nécessité du caché et l'apaisement bienheureux des choses qui demeurent dans l'ombre. Des méditations de résistance en ces temps dominés par l'idéologie de la transparence.
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