J'aimerais tant me tromper

La vanité d'accomplir toujours plus - innovations, de performances, de technologies, qui seraient prometteuses d'un avenir supposément extraordinaire - a corrompu les raisonnements et les comportements; Avec l'intelligence artificielle est même suscité l'homme augmenté, avec le transhumanisme est même évoquée la vie éternelle ... Quelle formidable absurdité ! Mais à cette arrogance, la nature mettra fin, ou tout au moins imposera-t-elle des limites. Elle nous fera revenir à un plus juste équilibre, qui aura corrigé les erreurs humaines. Les phénomènes climatiques qui voient se multiplier les périodes caniculaires et les précipitations dévastatrices... et le déplacement des réfugiés s'en chargeront.

Est-il juste qu'une infirmière qui a pour vocation de soulager, de soigner, d'accompagner autrui en souffrance, soit cinquante fois moins rémunérée qu'un trader qui a pour dessein de s'enrichir égoïstement, éhontément ? Un monde sans équité est un bouillon de culture de toutes les insatisfactions, un monde esclavagiste.

La culture, c'est ce que nous " faisons ". Un bon maçon, un bon boulanger, un bon agriculteur " est " cultivé grâce au soin, à l'abnégation, à la foi consacrés à ce qu'il " fait ". Avec le temps, malheureusement, ce qui " est " culture s'est retrouvé conditionné à des critères de connaissances abstraites, de performances scientifiques, de dextérité artistique. Or un pianiste virtuose peut ne pas être cultivé, et des peuples illettrés sont pétris de culture. Non pas celle des salons et des rituels mondains, mais celle des choses de la vie.

Un jour, une journaliste me sollicita parce qu'elle réalisait une "enquête sur l'eau". "Madame, êtes-vous consciente que vous êtes vous-même l'objet de cette enquête ? Vous et moi sommes faits d'eau", lui répondis-je. C'est symptomatique d'une dérive de fond : nous considérons et donc nous traitons la nature distinctement de nous. Et dans le même temps, nous nous sommes autoproclamés "patrons" de cette nature, de cette planète.

Ils ont tort ; " la loi de la jungle ", c'est la vie qui se donne à la vie. La " loi des hommes ", c'est la vie qui capture, asservit, exploite, détruit les autres vies.