Enfin je me dérobe à la joie importune
De tant d'amis nouveaux que me fait la fortune ;
Je fuis de leurs respects l'inutile longueur,
Pour chercher un ami qui me parle du coeur.
Ce n'est point une nécessité qu'il y ait du sang et des morts dans une tragédie : il suffit que l'action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s'y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie.
Ah, Rome! Ah, Bérénice ! Ah, prince malheureux !
Pourquoi suis-je empereur ? Pourquoi suis-je amoureux ?
(Acte IV, Scène 6)
Adieu. Je vais, le coeur trop plein de votre image,
Attendre, en vous aimant, la mort pour mon partage.
Surtout ne craignez point qu'une aveugle douleur
Remplisse l'univers du bruit de mon malheur,
Madame: le seul bruit d'une mort que j'implore
Vous fera souvenir que je vivais encore.
Adieu.
...de mon amitié mon silence est mon gage
J'oublie en sa faveur un discours qui m'outrage .
« Tout l'Empire parlait ; mais la gloire, Madame,
Ne s'était point encor fait entendre a mon cœur
Du ton dont elle parle au cœur d'un Empereur.
Je sais tous les tourments où ce dessein me livre ;
Je sens bien que sans vous je ne saurais plus vivre,
Que mon cœur de moi même est prêt à s'éloigner ;
Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner. »
Je me suis tu cinq ans, et jusques à ce jour
D'un voile d'amitié j'ai couvert mon amour.
Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?
Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?
Que le jour recommence, et que le jour finisse,
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice,
Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?
Qu'avez-vous fait, Seigneur? L'aimable Bérénice
Va peut-être expirer dans les bras de Phénice.
Elle n'entend ni pleurs, ni conseil,ni raison;
Elle implore à grands cris le fer et le poison.
Vous êtes empereur, Seigneur, et vous pleurez !